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PROGRAMME

DU

COLLÈGE ROYAL FRANÇAIS

1. SUR LE CHANGEMENT DE L'L EN U. PAR PAUL VOELKEL.

2. TABLEAU HISTORIQUE DU COLLÈGE PENDANT L'ANÉE SCOLAIRE 1887-1888.

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SUR LE CHANGEMENT DE L' L EN U.

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Schleicher a, un des premiers, insisté sur ce fait que, dans les limites de chaque articulation, il y avait une infinité de transitions et de nuances. Dans aucune langue toutes les variétés possibles de tel son ne se trouvent réunies, mais à côté de la prononciation reconnue par le gros de la nation, des particularités se rencontrent dans la bouche de certains individus, on chez les habitants de certaines provinces, et souvent ce sont ces écarts qui jettent un jour nouveau sur les faits phonétiques de la langue conventionnelle en complétant la série des sons. Dans la foule des l leur aire s'étend depuis les dents jusque bien avant dans la gorge nous distinguerons ici trois groupes, caractérisés par l'ordinaire (lit, lot, loup), l' plus on moins mouillée, et l' l dure enfin, qui, pour être aujourdhui éteinte dans le français, n'y en a pas moins laissé pour cela des traces innombrables témoignant de l'importance du rôle qu'a joué cette articulation dans le développement phonétique de la langue. C'est le groupe des dures (7) qui nous occupera: il sert de base à la vocalisation en u. Ce phénomène, en dehors des langues romanes, se retrouve dans les langues germaniques, mais surtout dans les langues slaves, qui, sous tant de rapports, rappellent l'évolution des langues romanes et surtout celle du français. La première apparition de l', comme tout ce qui tient à la nature et au nombre des liquides de l'époque aryenne, est une question entourée de difficultés. M. Boehtlingk a cru trouver l' dans l' cérébrale particulière aux Vèdes, que Wilkins prenait pour l' soufflée galloise (W), tandis que M. Max Müller y voit une 7 mouillée! Dans les premiers temps, du reste, l' et l'r semblent à peine distinctes dans le sanscrit, et plus tard, les sont aux r dans la proportion de huit à dix, toute racine à l offrant en outre aussi des formes à r.

Si, dans le sanscrit, il y a une disproportion toute en faveur de l'r, celle - ci domine dans l'ancien iranien à l'exclusion de l', qui n'y paraît que dans les mots étrangers 1).

Les langues celtiques, et notamment l'ancien irlandais, offrent le trait phonétique appelé infectio par Zeuss, et qui, d'après les uns, ne regarde que le timbre des con

1) K. Brugmann, Grundriss der vergl. Grammatik der indogermanischen Sprachen I, 1886, p. 209. 210. 1

sonnes ce qui pourrait bien toucher la question de l'- tandis que, d'après les autres, il s'agirait d'une diphtongaison des voyelles précédentes. Nous devons laisser la décision à qui de droit1).

M. Sievers regarde l' soufflée des Gallois ainsi que l'r de la luette et du larynx comme des variétés comparativement modernes 2). En serait-il de même de l'ł? Faut-il y voir une variété européenne? Serait-il né spontanément sur plusieurs points différents? Quelle est son aire? Voilà des questions sur lesquelles non seulement le dernier mot n'a pas encore été dit, mais qui jusqu'ici ont à peine été soulevées. Le présent, dans ces recherches, devra éclairer le passé. Comme, pour comprendre les couches carbonifères avec leurs restes d'une flore évanonie, il faut se familiariser avec la végétation qui y a succédé et qui permet d'étudier sur le fait les lois de la vie, de même il est indispensable pour voir clair dans la phonétique des langues mortes, d'observer les langues qui sont encore en train de se transformer. Les résultats ainsi obtenus rendront, jusqu'à un certain point, la vie aux restes fossiles et toujours plus ou moins frustes que nous ont conservés les documents écrits. Or, pour étudier les phénomènes auxquels en première ligne sont dus la plupart des u résidus, s'il nous est permis d'employer ce terme, c'est aux langues slaves qu'il faut s'adresser comme à celles où toutes les évolutions de l' dure (se sont accomplies sur la plus vaste échelle.

1.

Les langues letto-slaves comprennent le groupe lituanien et les langues slaves proprement dites. Quant au premier, il est formé par l'ancien prussien, les différents dialectes lituaniens et le lette. Plus primitif que la forme la plus ancienne que nous connaissions du slave, le lituanien proprement dit offre bien l', mais il est douteux si ce son y est ancien ou s'il est dû à l'influence des voisins slaves. Schleicher a constaté dans le lituanien parlé l', l' 7 ordinaire et l'l douce ou mouillée. M. Kurschat3) a introduit pour l' dure le signe suivant l'usage polonais. Il décrit l' lituanien comme plus dur que l' dure allemande sans qu'elle atteigne toutefois l'slave. Dans le lituanien de Prusse, ne peut se trouver que devant a, o, u, restriction qui n'existe point pour le dialecte du nord-est de la Samogitie1). Voici ce que M. Brugmann) ajoute à ces renseignements. „Dans les contrées du sud-est du domaine lituanien voisines du domaine slave, la différence entre l'et l' est beaucoup plus marquée qu'ailleurs. Sur quelques points de cette étendue, ał, devant une consonne, a presque le son de au,

1) ib. p. 480. 1. cp. Ascoli, Sprachwissenschaftliche Briefe. Berlin, 1887.

2) Grundzüge der Phonetik. 3. Aufl. Leipzig, 1885. 8o. p. 105.

*) Grammatik der littauischen Sprache. Halle, 1876. gr. in 8°. p. 26.

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comme à Godlewa (gouv. Suwalki).

Devant les voyelles palatales, la liquide se mouille quand même elle en est séparée par une ou plusieurs consonnes (ce qui prouve que celles-ci se mouillent également); on prononce p. ex. au nom. sg. tiltas pont, mais au locatif tilte."

Dans les langues slaves1), on peut, en ce qui regarde l'évolution de l', distinguer trois groupes: l'un, où l'évolution entière s'est accomplie depuis longtemps; un autre, où, après avoir pris un libre essor, le développement de l't, contrecarré et refoulé par l'influence du milieu ambiant, s'est arrêté d'abord, puis reporté en arrière pour abandonner la place à l' ordinaire; un troisième groupe enfin, où la vocalisation est en train de s'accomplir. Le mouvement a abouti à la vocalisation complète dans le serbe et le slovène; dans le tchèque, et peut-être aussi dans le polabe, il a avorté; il s'accomplit avec vigueur dans les différents rameaux du russe, du polonais, du sorbe (lusacien). En prenant l'ancien slovène comme point de départ, nous allons donc jeter un rapide coup d'oeil sur le phénomène de la vocalisation de l' dans les langues suivantes. abstraction faite de leurs rapports de parenté: 1. l'ancien slovène avec le slovène moderne et le serbe; 2. le tchèque avec le slovaque et le morave; 3. le petit-russien et le russe; le polonais avec le kassoube; le haut-lusacien et le bas-lusatien. Nous laissons de côté le bulgare, sur la phonétique duquel nous n'osons porter un jugement, ainsi que le polabe, vu le caractère douteux des minces matériaux) qui en ont été sauvés; le morave, le slovaque et le kassoube ne seront mentionnés que tout à fait en passant.

Parmi ces langues, l'ancien slovène est celle qui, somme toute, a de beaucoup la phonétique et les formes les plus anciennes et les plus intactes; il forme la base naturelle pour l'étude des langues slaves modernes. L'ancien slovène ne se parlant plus, il nous manque le contrôle direct dans l'appréciation des sons. Il faut donc inférer leur nature des effets qu'ils ont produits. Etant donné ce qu'un son est devenu, il s'agit de se faire une idée de ce qu'il a été. Malheureusement c'est le cas de l' 7, et la tâche n'est pas facile. C'est3) ici l'endroit de répondre encore à la question de savoir si l'ancien slovène a connu l' dure (). C'est que dans les langues slaves on distingue trois espèces d'll' dure (), l' 7 moyenne, et l' mouillée, sur la prononciation desquelles il y aurait à consulter Bindseil, 3134). Il résulte de ce qui a été dit que l'ancien

1) Nous puisons pour ce qui suit dans la grammaire comparée des langues slaves de M. de Miklosich. 2) Voici ce que dit Schleicher (Laut- und Formenlehre der Polabischen Sprache. St. Petersburg, 1871. 8°. p. 155: „Il est impossible d'apporter des preuves de la prononciation comme de l'l polabe ... probablement elle avait le son de l'allemande ou tchèque". Cependent våuk (våuk), pun (pun), tust, daug, måuczci! Comparez Brugmann, Grundriss p. 266 et 280.

) de Miklosich, Gram. I, (1ère éd.), p. 177.

4) Nous verrons ce que Bindseil dit de l' quand nous parlerons de la physiologie de cette

articulation.

1*

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