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Car comme on ne connoît que fupera ficiellement ces états que l'on peut embraffer, & que l'on fe connoît encore moins, il arrive très-fouvent que faute d'avoir pénetré plus avant que cette fur face, on fe trouve entierement incapable de pratiquer les devoirs effentiels de la condition que l'on embraffe, & de réfifter aux tentations qui y font infeparablement attachées.

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Peu de perfonnes fe connoiffent au!tant qu'il faut pour faire ce choix, à moins qu'ils n'ayent foin de s'adreffer à Dieu pour lui demander fa lumiere, & de s'examiner mieux que l'on ne fait d'ordinaire. On prend des inclinations & des goûts paffagers qu'un peu d'accoutumance détruit fans peine, pour des inclinations fixes & durables, & on ne fait point de réflexion à d'autres inclinations qui fe font fouvent. moins fentir en certains tems, parceque notre état préfent éloigne les objets qui les pourroient exciter, mais qui venant à être excitées produifent des ébranlemens incomparablement plus grans. Il faut auffi connoître les difficultés de ces divers partis que l'on peut prendre, pour juger fi nous avons la force de les furmonter; & ce n'eft pas la matiere d'un petic examen. Il y a des états qui flat

tent par une fauffe apparence, & qui ne préfentent d'abord à l'efprit que ce qu'ils ont d'attirant, mais dont les difficultés quoique plus cachées sont extrêmes; & il y en a d'autres qui ont quelque chofe de rebutant, & qui dégoûtent d'abord, dont les difficultés s'applaniffent dans la fuite, & les dégoûts s'évanouiffent Mais la connoiffance de toutes la plus néceffaire, & peut-être la moins commune, eft celle des devoirs de la vie chrétienne & des obligations qu'elle enferme dans tous les états & dans toutes les conditions. Je dis, qu'elle eft la plus néceffaire: Car on ne délibere pas dans cet examen, fi un genre de vie eft plus agréable aux fens, ni plus divertiffant qu'un autre ; mais on délibere s'il eft plus facile ou plus difficile d'y mener une vie chrétienne, & d'y faire fón falut. Il faut donc pour cela favoir ce que c'est que cette vie chrétienne qui conduit au falut, & à laquelle on feta obligé dans tout étát.

Je dis auffi, que c'est peut-être las moins commune, parcequ'il y a de grans obftacles qui empêchent d'avoir cette connoiffance. Il eft vrai que la vie chrétienne étant une vie conforme àl'Evangile, il femble qu'il n'y ait qu'à le lire pour s'en former tine véritable idée,

Mais cela ne va pas ainfi. Si cet Evan gile étoit seul, & fi l'on ne confultoit que celui-là, peut-être arriveroit-on à cette connoiflance sans beaucoup de peine ; mais le mal est qu'on en confulte un atıtre qui en comprend plufieurs, & que Pon confulte prefque continuellement. Cet autre Evangile a ordinairement plus de force fur l'efprit que le véritable,& il en détruit fans peine toutes les imprefhions.

C'eft, Mademoiselle, l'Evangile de la coutume, qui entre dans notre efprit par tous nos fens, & qui y eft continuellement renouvelé par les difcours, & la vûe des hommes. Cet Evangile explique & modifie le premier, & l'on prend ainfi pour l'idée d'une vie chrétienne celle d'une vie conforme à ce deuxième Evangile; ainfi comme il y a dans le monde ane infinité de gens qui n'y paffent point pour déreglés, qui vont à confefle, qui reçoivent l'abfolution,qui communient fouvent, & qui ne laiffent pas de fuivre nne partie de leurs paffions; on fe forme fur ce qu'on leur voit pratiquer, une certaine morale que l'on prend pour l'idée de la vie chrétienne. Cependant il s'ens faut fouvent beaucoup que cela ne foit. Py a bien des vies que le monde ne condanne point, & qui paffent pour chré

-tiennes, qui ne le font nullement; de -forte que ceux qui n'en ont point ďau=tres idées que celle-là, font en très-grand danger de fe tromper, parcequ'il arrive très-louvent que quoiqu'il foit très-facile de vivre dans un certain état, d'une maniere conforme à l'Evangile de la coutume, & à l'exemple de ceux qui paroiffent gens de bien dans le monde left trés-difficile d'y vivre chrétiennement felon les regles du véritable Evangile.

Tout cela, Mademoiselle, eft un pen géneral; mais ce que je vais dire eft plus de pratique. Ceft que vous nêres nullement preffée de savoir toutes les difficultés des divers états que vous pouvez choifir, parceque vous n'êtes pas preflée de faire ce choix vous pouvez ainfi travailler à loifir à vous connoître par rapport à ces divers états, & fouvent cette connoif fance ne vient que peu à peu, mais l'on ne fauroit trop-tot connoître ce que c'eft que d'être Chrétienne,& ce que c'eft qu' ne vie chrétienne pour s'établir trop-tôt dans la pratique de cette vie. L'incertitude où vous êtes peut durer long-tems, & pendant qu'elle durera Dieu vous feta connoître par là qu'il ne veut pas que Vous vous engagiez fi-tôt, & ainfi cet état Même porte avec foi une lumiere certai

ne, qui eft de demeurer encore dans l'état où vous êtes, jufqu'à ce que Dieu vons donne plus de lumiere pour en fortir.Mais il fant vivre chrétiennement,dans cet état même d'incertitude, & cette vie chrétienne eft même la principale difpofition pour attirer la grace de choisir la voie qui vous convient, & qui vous conduira au falut. Pour obtenir la grace de faire la volonté de Dieu dans le choix d'un état éloigné, il faut commencer à la faire dans un état préfent, & commencer à corriger ce qu'il peut y avoir de défectueux. J'ai fujet de croire que vous le faites, Mademoiselle; mais il eft bon de vous renouveler cette penfee; parcequ'on ne fauroit y penfer trop. Si vous defirez même, ou fi vons jugez qu'on vous puisse rendre quelque fervice, ce doit être principalement en cette maniere; la vie eft compofée d'années, les années de mois, les mois de jours. Qui fait donc bien paffer chaque jour, fait vivre chrétiennenent, & les mois & les années. On eft fidelle ou infidele dans fes devoirs, on les connoît on on ne les connoît pas, on combat ou on ne com→ bat point, on tend à la véritable fin de la vie chrétienne, ou on ne tend à rien, la vie eft pleine ou vuide, fans bonnes. auvres on pleine de bonnes œuvres

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