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27.

qu'on aime le mieux. Premierement on peut s'affurer que ces Sentences font faites pour nous, & que Dieu nous a eus en vue en les faifant écrire. On doit croire de plus qu'au lieu que les hommes écrivant ces billets ne penfent plus à nous forfqu'ils les ont écrits; les Saints au-contraire qui font devant Dieu, ont toujours les yeux fur nous, qu'ils voient Fufage que nous faifons de leurs paroles, & qu'ils demandent à Dieu pour nous la grace qui nous les peut rendre utiles.

Voilà donc la particularité que l'on peut justement demander. Il n'y a que la fenfualité qui y manque, & c'est à quoi la foi devroit fupléer, en nous rendant les chofes invifibles auffi vifibles que celles que nous voyons par les fens, comHebr. 11. me l'Ecriture le dit de Moïfe: Invifibilem tamquam videns fuftinuit: IL demeura ferme & conftant comme s'il eût vu l'Invisible. C'est ce que nous devons fouhaiter, & Tufage que nous devons faire de cette pratique de dévotion, où l'on doit fe féparer davantage du commerce des créatures, pour s'unir davantage à Dieu, & pour vivre plus en fa prefence comme parle l'Ecriture. Je la prie de demander cette grace pour moi, & de me faire la juftice de croire que je fuis véritablement,

LETTRE XVII.

De la néceffité de fournir les Religieufes de bons Livres ; Qu'une Religieufe doit être en état de fe passer de Directeurs quand Dieu ne lui en donne pas.

A LA MESME.

AU lieu de répondre, ma très-chere Sænt, aux proteftations d'amitié & de reconnoiffance qui rempliffent vos Lettres comme votre cœur, & dont je vous dirai feulement une fois pour toutes, que j'en fuis auffi perfuadé, que‘ vous le devez être de celles que je vous ai faites; J'aime mieux prendre pour fujet de cette Lettre ici quelques articles de vos deux dernieres, qui m'ont donné fujet d'y faire quelque réflexion.

Le premier point regarde la gronderie de Madame de N. fur laquelle il ne m'eft pas difficile de me juftifier des deux fujers qu'elle en prend. L'un, qui eft que j'ai empêché Monfieur N......de l'aller voir, est entierement injuste. Il est bien› vrai qu'à l'inftance de M...... je fis ce que je pus pour rompre une partie que l'on avoit faite, mais il n'est pas vrai néanmoins que ce foit moi qui l'aye rompue. Ce fut Monfieur l'Abbé..... qui

allégua tant de difficultés qu'on jugea la chofe impoffible, & depuis même elle s'eft renouée & rompue enfuite, fans que j'y aye eu aucune part.

Le fecond fujec a un peu plus d'apparence felon le monde, mais je doute qu'il en ait plus felon Dieu. C'eft qu'ayant été touché de la difette extrême des Livres que je trouve dans fon Monaftere, & de la qualité de ceux qu'on y lifoit, & y étant attiré par la maniere dont les Religieufes qui me conduifoient, en parlerent ; je dis que je croyois que Madame N..... avoit bien foin de leur donner ce qui leur étoit nécessaire pour leur corps, mais qu'il étoit vrai que pour leur efprit, elle les nourriffoit de pain & d'eau. Mais je le dis à des personnes à qui je ne donnois aucune lumiere fur ce fujet, & qui avoient temoigné qu'elles n'en penfoient pas moins. Et quand elles ne l'auroient pas pensé, je n'aurois pas cru faire une faute, en tâchant de leur faire naître le defir d'une nourriture plus folide que celle qu'on leur donne. On adoucit même cela par quelque difcours obligeant pour Madame N......& on tacha de perfuader anx Religieufes, que faifant tant d'autres dépenfes pour fon Monaftere, elle: ne plaindroit pas celle qu'elle devroit

Faire en Livres, fi on lui en faifoit voir la néceffité. Pour la maxime de fpirituialité par laquelle elle a tâché de fe juftifier devant vous, je ne vous en dirai rien, finon qu'elle eft auffi extraordinaire que fa conduite en ce point. Il eft bien certain au moins que ce n'eft pas celle des Saints, qui ont toujours cru qu'il falloit foutenir la priere par la lecture, & la lecture par la priere; que comme on parloit à Dieu pat la priere, on écoutoit Dieu par la lecture, & que comme il eft auffi important d'écouter Dieur, comme de lui parler, la lecture & la priere font deux devoirs également néceffaires au commun des Fideles. Il y a même cette difference entre F'une & l'autre, que l'exercice de l'Oraifon mentale, en la maniere qu'elle fe pratique préfentement, quoiqu'il foit utile à plufieurs ames, ne s'eft introduit néanmoins dans l'Eglife que depuis quelques fiecles, n'y en ayant rien de prefcrit dans aucun des anciens Ordres, où les Religieux fe contentoient de lire l'Ecriture, & les ouvrages des Peres avec réflexion, & en priant Dieu pendant leurs lectures, felon qu'ils y étoient excités. Au lieu qu'il n'y a pas un Saint, ni un Inftituteur d'Ordre, qui n'ait recommandé la lecture des Livres folides, comme une

pratique effencielle à ceux qui font pro feffion de pieté. Il y a donc lieu de fou haiter à cette Dame d'autres penfees fur ce fujet, & de craindre pour elle, qu'étant obligée par fa charge de procurer à fes Religieufes, tout ce qui les peut avancer dans la pieté, Dieu ne lui demande compte de tout le bien qu'elles ne font pas, & que des inftructions plus folides leur auroient fait faire, & de tout le mal qu'elles peuvent faire, & que de bonnes lectures auroient peut-être empêché.

Le fecond point de votre Lettre eft la peine que vous temoignez du retour d'une perfonne que vous aimez mieux en une autre place que celle qu'il occupe. Il fuffircit de vous dire fur ce fujet, ma très chere Sœur, que puifque vous n'y avez rien contribué, & que vous êtes hors d'état de l'empêcher, la volonté de Dieu eft claire à vôtre égard, & que toutes les volontés de Dieu méritent d'être adorées, & nous font même utiles fi nous nous y foumettons avec l'humilité, & la confiance que nous devrions. Mais l'ouverture avec laquelle vous me parlez, fait que je ne faurois m'empê cher de vous dire diverfes chofes qui me font venues dans l'efprit, non pas tant fur le fujet de cette perfonne que je

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