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cere pour lui. Voilà ce que faint Auguf tin entend par cette vanité d'erreur. Et la folidité de la verité, comprend au contraire les vertus oppofées, qui con fiftent dans la véritable Religion, la véritable innocence, & la véritable péni

tence.

Il eft affez facile d'éviter l'illufion de la fauffe Religion, puifqu'il n'y a pour cela qu'à s'attacher inviolablement à l'Eglife, & avoir de l'éloignement de toutes les nouveautés, & de toutes les opi nions témeraires & mal fondées; mais il n'eft pas fi facile de ne pas tomber dans l'illufion de la fauffe innocence, ou de la fauffe pénitence, parceque notre amour propre nous aveugle, & nous empêche de découvrir nos égaremens.

L'Ecriture nous avertit, qu'il y a une voie qui paroît droite, & qui ne laiffe pas de nous conduire à la mort. Ce n'eft pas qu'elle foit droite en effet, mais c'est que notre aveuglement nous empêche de reconnoître qu'elle fe détourne du droit chemin. Ce feroit le fujet d'un grand difcours que de vouloir de vouloir marquet en particulier, quelles font ces voies qui paroiffent droites, & qui ne le font pas. Mais l'abregé de tous les difcours qu'on en peut faire, eft qu'il faut purifier fans ceffe fon cœur, & demander fans cefle

à Dieu fa lumiere pour ne s'égarer pas dans fon chemin, & pour ne pas s'enga ger dans ces voies trompeufes. Ce doit être, ma très-chere Sœur, l'objet de vos prieres, non feulement durant cette année, mais durant toute votre vie; puifque pourvu que vous ne vous égarier point, vous arriverez à ce terme heureux que vous defirez. Que fi ce difcours vous eft de quelque utilité pour vous y faire penfer avec plus d'application, & pour vous porter à demander cette grace à Dieu avec plus d'ardeur, n'oubliez pas, s'il vous plaît, celui qui l'a fait, dans le defir qu'il a de vous témoigner l'affection fincere qu'il a pour vous.

LETTRE XXI.

Qu'on peut toujours profiter des mêmes verités, en les pénétrant davantage.

J

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'Avois prétendu, ma très-chere Sœur, avec quelque forte de raison, qu'en confideration de la longueur de ma Let tre imprimée de l'année paffée, vous me tiendriez quitte pour plus d'une année, de la dette que vous m'obligez de vous payer en ce tems ici. Je confens néan moins à renoncer à cette prétention

mais ce ne fera que pour en avoir encore une plus grande, qui eft de réduire ce commerce d'une fois l'an, à une fimple Lettre de civilité. J'oferois même entreprendre de vous prouver que cette prétention eft très-jufte, & cela par une raifon indubitable; c'eft que vous ne fauriez nier qu'il ne foit permis de s'acquiter de toutes les rentes, en en payant le fonds, & en le rembourfant. Il fuffic donc de même, pour m'acquiter envers vous de toutes mes dettes, de vous dire tout d'un coup ce que je vous pourrois dire en plufieurs années, & de vous apprendre un fecret de croître en lumiere, & en connoiffance pendant toute votre vie, quand elle feroit auffi longue que celle de ceux qui vivoient avant le Délu ge, fans que vous ayez befoin d'autre chofe. Ce fecret n'eft-il pas admirable? Et néanmoins il eft très facile, car il confifte uniquement à favoir que felon faint Auguftin, l'accroiffement des lumieres chrétiennes ne confifte point dans l'étendue, & la multiplication des objets de nos connoiffances, ni des verités que nous favons, mais dans une pénetration plus vive & plus claire des mêmes objets & des mêmes verités. Ceft en cette maniere que le Saint-Esprit a inftruit les Apôtres de toutes chofes, non en leur ap

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cont.

prenant des verités nouvelles qu'ils ne füffent pas, mais en leur faifant comprendre d'une maniere nouvelle celles qu'ils favoient. C'est en cette maniere auffi que les premiers Chrétiens étoient fifavans, ce qui fait dire à l'Apôtre des Corinthiens: Qu'ils étoient riches en toutes cho- 1. Cor. fes, en toutes paroles, en toutes conncisfan-1· ¶. ces. Car il ne faut pas s'imaginer que ces connoillances fuflent fort étendues: ils ne favoient que ce que nous favons, mais ils favoient par fentiment,par amour, par pratique, ce que nous ne favons que par des connoillances froides & fpéculatives.S'il eft vrai,comme il l'eft fans doute 4:;. que l'on n'entre dans la verité que par la Fanft. 1. charité, il y a bien des gens qui paflent 32.6.1 pour favans, qui font bien éloignés de l'être en effet, puifque n'ayant point de charité,ils ne font pas encore entrés dans cette verité, c'est-à-dire, dans la connoiflance qui met la verité dans le cœur, & qui nous la fait aimer. Mais il y a beaucoup de perfonnes qui ne paroiffent pas avoir des lumieres fort étendues, & que l'on traite de petits efprits, & d'efprit bornés, qui font en effet trés-favans, parcequ'ils entrent bien avant dans la verité, qu'ils la goûtent, qu'ils l'ainment, qu'ils l'adorent, qu'ils la font régner en eux, & qu'ils la conçoivent toute autre que

ceux qui ne la placent que dans leur efprit

Cette verité eft d'autant plus favora ble à celles de votre fexe, que leur état ne leur permettant pas de paffer leur vie dans la lecture des Livres qui étendent les connoiffances, elle leur apprend que fans cela elles peuvent être favantes, en aimant beaucoup les verités qu'elles favent, & en les pratiquant avec une grande fideliré, qui eft la preuve la plus folide de cer

amour.

Tout cela conclut,ma très-chere Sœur, que fans fe mettre en peine d'avoir de nouveaux Livres & de nouvelles inftructions, il n'y a pour avancer en vertu & en lumiere, qu'à mettre fon application à comprendre par le cœur ce que fouvent nous n'avons encore conçu que par l'efprit, & qu'en cette maniere on peut toujours recommencer d'apprendre, ce que nous avons déja appris. Comprenons bien une fois ce que nous fommes, ce que nous méritons, combien il eft jufte que nous foyons humiliés ; & nous n'aurons point de peine de tout ce qui nous peut arriver de pénible & d'humiliant de la part des créatures. Comprenons bien que ce n'eft point ici le lien de la paix, & nous ferons naître notre paix des contradictions & des troubles

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