Imágenes de páginas
PDF
EPUB

lui conviendra, ou ne lui conviendra pas Secondement, ces fentimens mêmes ne font point fi terribles ni fi feveres qu'on le pourroit croire,& il y a peu de perfonnes affectives qui doivent faire difficulté de fe les appliquer. Car il ne s'aa git pas tant de regler nos actions, que le jugement que nous devons faire de nos actions. Il y a des raifons de charité qui peuvent porter à témoigner de la cor dialité anx perfonnes pour lesquelles on fent de l'affection, & la tendreffe n'eftpas une marque infaillible d'amour-propre

Toutes ces actions font au-moins équi voques, & l'on n'en faura gueres bien le fonds que dans l'autre vie. Mais comme il eft utile aux perfonnes qui reçoivent ce temoignage d'amitié de les prendre pour des marques de charité, il eft utile auffi aux perfonnes affectives de s'en défier, d'apprehender de trouver à la mort un grand vuide en tout cela, de ne pas faire grand état de cette inclination qu'elles ont à fe répandre, & de n'en eftimer pas moins les personnes froides, & qui ne font pas portées à témoigner leur affection avec tant d'effufion. Ceft pourquoi vous aurez pu remarquer que dans toutes les occafions où j'ai parlé des difpofitions de la Saur Antoinette, il y avoit toujours un peut

Etre, & ce peut-être avoit pour but de lui donner lieu de paricher vers un certain fens, quoique ce ne fût pas celul où j'inclinois d'avantage.

Troifiéinement, on a plus de liberté à parler contre les effufions de cordialité devant les perfonnes affectives que devant les atitres. Un difcours de cette forte pourroit être dangereux, s'il étoit fait à une perfonne froide & indifferente qui en prendroit fujet de fe juftifier dans fa froideur. Mais étant fait à une perfonne qui a une inclination toute contraire, tout ce qu'elle en peut conclure, c'eft qu'il faut la moderer, & qu'il n'en faut pas faire grand état, qu'il faut s'en défier qu'il faut tâcher de la tourner du côté de ceux qui nous choquent ; & ces conclufions font bonnes & utiles. Quatrièmement,pour lui montrer que je ne fuis point fi contraire aux témoignages d'amitié, priez la,s'il vous plaît, de Essais de lire dans ce Livre un Traité de la civi- Morale lité, qui eft vers la fin. Elle y verra des principes qui feront autant à fon goût, que ceux de la lettre lui ont parus choquans, quoiqu'ils n'y foient nullement contraires, puifque comme j'ai dit, les uns reglent les actions, & les autres le jugement de nos actions.

Enfin, ma Réverende Mere, pour ré

tom. 2.

p.1109

duire notre réconciliation à des termes plus précis,je crois que vous trouverez les articles que j'en propofe raifonnables. Premierement, que j'aurai la liberté d'écrire à la Sœur Antoinette dans toutes les néceffités réelles, & qu'elle en afera de même en mon endroit.

Secondement, qu'on prendra pour néceffité réelle, celle de s'écrire une fois par an,fans autres néceffités ; car il ne faut pas auffi réduire l'amitié à un état angelique, & il eft bon de témoigner en s'aflujettiflant à ces difcours qu'on ne fe croit pas Ange, ni incapable d'oubli. Troifiémement, que pour marque de réconciliation, elle m'écrira au plutôt fa Lettre annuelle, fans s'efforcer à rien retrancher de fa cordialité.

Quatrièmement, que s'il arrive que dans fes Lettres on s'égare dans quelque difcours géneral, l'on ne prendra pour foi que ce que l'on croira qui nous convient, fans fuppofer qu'on en ait fait aucune application.

Cinquiémement, que la Sœur Antoinette demeurera perfuadée de mon esti me, de mon refpect & de mon affection, auffi-bien que vous, & que vous croirez manquer à un devoir de juftice, quand vous ne vous fouviendrez pas de vant Dieu d'une perfonne qui eft trèsfincerement à vous.

LETTRE XXIV.

Qu'une vie fans commerce, & où on ne fe mêle de rien, eft très-difficile, mais trèsconvenable à ceux qui ont été mêlés dans le monde.

A MADAME DE S. LOUP.

Quoique votre lettre, Madame, m'ait prefque fait conclure que toute l'ef perance que vous aviez de fortir d'affaire étoit renversée, j'ai appris néanmoins que je fuis heureusement trompé, ayant vu une autre lettre qui marque que l'accord feroit figné le lendemain. J'ai donc droit de fuppofer que s'étant paflé depuis ce tems la plufieurs lendemains toute l'affaire eft terminée, & que vous n'avez qu'à vivre plus en repos. Mais favez vous ce que j'en ai conclu ? Que vous avez maintenant la plus difficile partie de votre vie à paffer. Les affaires même fâcheufes foutiennent l'efprit en l'accablant, parce qu'il fait effort pour fe relever; il s'occupe, & s'agite, & fe défend de la mort qu'il fait confifter dans l'inaction. Mais quand on n'a rien à faire, & qu'on eft dans un état tel qu'eft celui où vous afpirez, où l'on n'eft de rien, Dù l'on n'eft confulté de rien, où tout

[ocr errors]

fe remue fans notre congé, & fans que nous y contribuyons en rien, où l'on n'a qu'une ou deux perfonnes fur qui l'on puiffe exercer une espece de domination & d'afcendant, l'amour propre est tout autrement mal à fon aife, & se fait quelquefois fentir en mourant, par des certains fentimens, qu'on appelle ennui, chagrin, dégoût, mauvaife humeur. Il eft vrai que vous avez toujours une affez mauvaile compagnie, qui eft votre mal de tête; mais toute mauvaise qu'elle foit, elle eft contraire à ces atttres fentimens ; elle agite l'efprit; on fe fait tenir la tête, on prend du Café, & si l'on fouffre du mal c'eft d'un autre genre que celui du dégoût & de l'ennui. Voilà, Madame, la plus étrange confolation du monde, mais les hommes ont auffi d'étranges humeurs, & il faut d'étranges remedes, afin d'arriverà l'anéantiflement de l'amour propre, qui eft l'amortiflement de la fauffe vie, qu'il recherche dans l'efprit des autres. Cependant, Madame, c'eft où nous devons tendre, & tout ce qui nous y réduit, nous doit paroître un grand bien, & il n'y a point fur tout de pénitence plus proportionnée à celles qui ont vécu dans le monde, & qui s'y font fait confiderer comme yous. Car que peut-il y avoir de plus

« AnteriorContinuar »