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égarée. Ainsi en l'une & en l'autre maniere on fauve & fon ame & celle des autres, & l'on couvre & les pechés de cette ame, & les fiens propres, la bonté de Dieu ne feparant point ces deux chofes.

Permettez-moi, Madame, de faire cette petite addition à un Traité que vous avez vu, & dont la plus grande louange eft que vous avez témoigné n'en être pas mécontente. J'y ai pourtant encore une autre intention fecrete: c'eft de vous-propofer un motif que vous devez avoir en vue dans la continuation de la charité que vous rendrez à la Sœur Benedicte. Sa Profeffion ne la doit pas terminer, & j'ai cru être obligé de lui marquer que ce ne doit être pour elle que le commencement d'un autre Noviciat qui doit être auffi long que fa vie, & ne fe terminer que par la mort. L'ordre de votre Mailon veut que les- premieres années s'en paffent encore fous votre conduite, & je souhaiterois, pour vous' dire le vrai, qu'elle n'en fortît jamais. Ce fera pour vous une continuation de peines mais ce paffage de l'Apôtre faint Jacque vous apprend en même tems que c'eft une continuation de moiffon & de récolte pour l'éternité. Dieu a voulu que les progrès des ames fuflent lents ; & qu'elles demeuraffent long-tems dans

ne efpece d'enfance fpirituelle dans la quelle elles ont befoin de foutien, afin de donner à celles à qui il donne cette charge, un moyen d'exercer cette lon gue patience qui eft néceffaire pour faire porter du fruit aux meilleures terres; car elles ne le produifent felon l'Evangile que par la patience, & fructum afferunt Luc. 8%. in patientia.

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7.

Ceftpourquoi il eft encore dit dans faint Paul, que Dieu prépare la vie éternelle à ceux qui cherchent, non fimplement les bonnes œuvres, mais les bonnes œuvres faites avec patience,fecundum Rom. 25patientiam boni operis. Ce n'eft donc pas feulement un avantage pour la Sœur Benedicte de vous être plus long-tems foumise, mais ce vous en eft auffi un ďavoir occafion d'exercer envers elle votre charité avec une plus longue patience. Dieu qui eft éternel n'aime point proprement les charités qui ne font que paffa geres, & fi la condition de cette vie ne permet pas que l'exercice en dure toujours, il y aime néanmoins la perfeverance & la patience; patientiam boni operis, & il y demande même une efpece d'éternité dans la difpofition du cœur, parceque nous devons être difpofés à exercer la charité fans aucunes bornes envers les ames que Dieu nous a une

fois données. Savez-vous bien, Madame, qu'outre toutes ces raifons je vous dis encore ceci par une vûe fecrette d'interêt, c'est que la perpetuité de la charité doit s'étendre à toutes les perfonnes avec qui Dieu permet que nous ayons eu quel que liaifon dans l'exercice de quelque bonne œuvre. Ainfi puifqu'il a bien voulu qu'à l'occafion de deux perfonnes envers lefquelles vous avez pratiqué là cha rité, j'entens la Sœur Marianne & la Sœur Benedicte, j'euffe l'honneur de votre connoiffance, je prétens que vous êtes obligée de vous fonvenir toujours de moi dans vos prieres, ce qui ne m'empêche pas de vous le demander comme une grace qui m'obligera à une très fince re reconnoiffance, & à être toujours avec respect.

LETTRE XXX

Qu'il faut plutôt juger d'elle par les actions que par les paroles. De la vivacité d'efprit.

SUR UNE POSTULANTE.

СЕД

Eft Madame, une terre d'un grand revenu fpirituel pour une perfonne comme vons, qu'une Poftulante à qui votre charité vous fait rendre toutes fortes

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de bons offices. Les terres du monde ne portent tout au plus que deux ou trois fois l'année, mais vous trouyez moyen de faire tous les jours en celle-ci de nouvelles récoltes pour l'autre vie. Et ce qu'il y a de meilleur en cela pour Vous c'eft que quel que foit le fuccés de l'entreprise de la Poftulante. Le tréfor que vous vous faites par ces œuvres de charité n'en recevra aucune diminution.

Cependant il y a lieu de croire que votre bonté ne fera pas inutile à la Poftulante même, & que fon efprit qui eft encore enveloppé fe développera fuffifamment pour faire paroître en elle aux perfonnes à qui il appartient d'en juger, des marques finceres de vocation. Je l'efpere d'autant plus qu'il n'y a rien de plus judicieux, & de plus folide que la regle que vous dites que la Maitreffe des Novices a pour le difcernement de fes Poftulantes; qui eft d'avoir plus d'égard à leurs actions qu'à leurs paroles. En effet les paroles ne font que les expreffions de l'efprit, mais les actions font le langage du cœur. Il n'y a rien de fi facile que de confondre des mouvemens imaginés & feulement conçûs, avec des mouvemens fentis & éprouvés, & de perfuader enfuite & aux autres & à foimême, que l'on a effectivement dans

le cœur les fentimens dont on apperçoit F'idée fur la furface de fon efprit. Ce n'eft point là ce qu'on doit chercher dans des Poftulantés, ni par où l'on en doit juger. Ce n'eft point ce qui les fontient dans le cours de la vie Religieufe. Tout ce qui n'eft que difcours & imagination fe diffipe & s'évanouit, & laiffe l'ame fans force & fans fermeté. Il n'y a de folide & de réel que ce qui eft dans le fond du cœur, & on ne fauroit le trouver & le difcerner plus feurement que par les actions, & encore faut-il bien diftinguer dans les actions celles qui peuvent être des effets de mouvemens paffagers & fans racine dont l'imagination eft frappée, de celles qui viennent d'une difpofition effective, uniforme & permanente.

Pour moi je préférerai toujours quelque lenteur d'efprit, pourveu qu'il y ait du jugement, aux grandes vivacités, parce que l'efprit vient en fon tems à celles qui ont un fond de jugement. Mais celles dont l'efprit eft fi avancé font des fautes confierables, avant que leur feu ait été temperé par la maturité du jugement & la folidité de la vertu. Il eft vrai qu'il feroit encore meilleur d'avoir tout enfemble, & la vivacité & le jugement, & j'en connois de cette forte qui ne vous font pas inconnues, mais ces qualités fe

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