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trouvent unies en peu de perfonnes. La plupart des efprits n'ont que l'une ou l'autre pour partage. Et en ce cas il me femble qu'il eft bon de dire avec S. Paul qu'il faut préferer les dons les plus excellens. Emulamini charifmata meliora.

LETTRE XXXI.

Que tous les hommes font fujets à agir par humeur & à faire des fautes que ce qui diftingue les Saints eft qu'ils les res Connoiffent & en profitent. Des pechés cachés.

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A MADEMOISELLE.

I vous connoiffiez affez, Mademoi felle, un certain principe de la conduite des hommes en géneral & particulierement des filles dévotes, qu'on appelle fantaifte & humeur, vous vous étonneriez moins de là réserve de la

Sœur B.....Il ne faut pas remonter plus

haut dans ces fortes de chofes, ni philofopher davantage finon qu'elle n'étoit pas en humeur de vous dire fon fecret, elle ne me l'auroit pas dit à moi-même, & je ne m'en ferois pas étonné. Elle a eru faire des merveilles en vous le cachant ; & Dieu veuille qu'elle n'ait point eu de complaifance de fa retenue. Il faut

1. Cor. 120310

être indulgent à ces petites fantaisies; cat chacun a les fiennes, & toute la réflexion qu'on doit faire fur cela eft que peutêtre il vous arrive de petits travers de cette efpete qui donnent lieu aux autres de faire les mêmes réflexions que vous avez eu raison de faite fur son sujet:

Les hommes ne font pas diftingués par leurs fautes ou par leurs foiblelles: ils en ont à peu près de femblables, quand ils ont quelque defir de fervir Dieu. Mais ce qui les diftingue, c'eft que les uns les connoiffent & en profitent, & les autres les ignorent & n'en profitent pas. J'ai fouvent penfé & dit, qu'un des plus grans fecrets de la vie chrétienne eft de favoir bien faillir, de favoir bien être foible; c'est-à-dire, de favoir profiter de l'un & de l'autre, au lieu de s'en troubler, de s'en abattre, de s'en impatienter, de s'en juftifier-devant Dieu, ou devant les hommes. L'experience de notre foibleffe nous eft fou vent plus utile que tout ce qui nous don ne l'idée que nous avons quelque force, quelque vertu, quelque lumiere, ce qui nous attache par là insensiblement à nous

mêmes.

Il y a quelque tems, qu'entretenant ici un Officier fort habile dans fʊn métier, mais peu habile dans la Morale

Chrétienne, & qui croyoit qu'on favoit tout par la feule lumiere du fens commun, je lui dis affez chaudement que je lui pourrois bien montrer cent pechés mortels dont il n'avoit jamais oui parler & qu'il ne connoiffoit point du tout. C'étoit un honnête homme à qui je pou vois parler ainsi, nonobstant sa Magiftrature. Cela m'avoit donné la penfee de faire un Traité des pechés mortels inconnus. Mais ayant trouvé dans le Journal des Savans que j'avois été prévenu par un Livre, qui avoit a peu près le même Titre & qui eft imprimé chez Nego & Debats, j'ai fait venir ce Livre pour le lire, mais j'ai trouvé que ce n'eft pas grande chofe, ou plutôt que c'eft un bon deffein mal execute. Il ne s'attache qu'aux pechés des conditions. Il y en a de géneraux ǎ toutes les conditions plus cachés que les particuliers. Ainfi ce Livre n'épuise nullement mes idées. Mais mes idées feront long-tems fans éclore, & apparemment elles demeureront ftériles: car tout ce qui eft remis ad multos annos eft remis d'ordinaire à l'éternité, parce que notre vie n'arrive pas à ces longues années.

LETTRE XXXIL

Que la vie chrétienne fe réduit à fouffrir, ou à compatir à ceux qui souffrent.

A LA MESME.

'Est une étrange chofe, Mademoimoifelle, que d'étre réduit à finir cette année à mon égard, & à en commencer une nouvelle au vôtre par de fort-gran des importunités, quoique votre charité Vous y faffe donner un autre nom. Cependant il faut que je vous dife pour commencer cette année, que nous ferions heureux l'un & l'autre, fi nous nous y attendions bien, & fi nous étions bien perfuadés que nous ne femmes nés daus Eglife en qualité de Chrétiens que pour y fouffrir & pour compatir à ce que autres fouffrent. Ceftle fens de ce mot 3. Theff. de faint Paul: in hoc pofiti fumus; c'est-à3. 3. dire que c'eft à quoi nous fommes delti

les

nés; & faint Augustin réduit fouvent cè que Jefus-Chrift nous eft venu apprendre en fe faifant Homme à ces deux leçons, de méprifer les plaifirs & les joyes de ce monde, & d'en fouffrir volontairement les maux. Or dansle partage de ce qu'il y a à fouffrir, les plus heureux fans doute font ceux qui fouffrent en affiftant le procham,

puifqu'on pratique en même tems & la charité & la patience, & qu'on y peut joindre la reconnoiffance envers Dieu de nous avoir delivré de la peine particuliere dans laquelle nous foulageons les autres.

LETTRE XXXIII.

Science dans les filles. Methode pour apprendre le Latin.

A LA MESME.

J'Ay grande peur, Mademoiselle, qu'on

ne puiffe plus vivre avec vous, quand vous ferez devenue favante. Car c'eft une étrange chofe que la fcience dans une tête de fille. Cependant je ne voudrois pas vous porter au découragement, & je vous dis au-contraire que pour y réuf fr, il faut s'appliquer un peu fortement au commencement, & tâcher à vous paffer le plutôt que vous pourrez de Maître; & cela ne me paroît pas fort difficile. Puifque vous favez déja décliner & conjuguer, vous n'avez qu'à prier celui qui vous montre, de vous mettre d'abord dans l'ufage, après que vous aurez feulement appris fept ou huit regles de fyntaxe. Commencez par l'Evangile de faint Matthieu,& ayez le Nouveau Teftament François pour le comparer avec le Latin

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