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Qu'on ne peut avec juftice exclure des Monafteres, toutes les Religieufes étrangeres.

Mon Reverend Pere, je n'ai

que

,

des

remercimens à vous faire fur l'af faire dont il vous a plu de m'écrire ; puifqu'il paroît que vôtre charité volis rendoit difpofé de vous même à accorder à Madame de N.... ce qu'elle de mande. Je ne m'étonne point de la dif pofition contraire des bonnes Religieu fes dont vous me parlez, & de l'éloi gnement qu'elles ont pour les Religieufes étrangeres. C'est une humeur ordinaire de celles de leur Profeffion & j'ofe dire de celles de leur fexe, qui eft affez porté à tirer des conclufions géne rales, d'exemples particuliers, & à ref ferrer trop la charité dans l'enceinte de leurs Maisons. Mais comme il y a longtems qu'il ne me paroît pas affez de juftice dans ces éloignemens, & qu'il m'eft fouvent venu dans l'efprit, que ces réfolutions que l'on prend d'exclure géneralement certains états, ne font pas trop conformes à l'efprit de l'Eglife. Je ne faurois m'empêcher de vous dire les

pensées qui me font venues fur ce sujet en diverfes rencontres, fans en faire aucune application à ces bonnes Religieufes; puifque ce ne font pas elles qui les ont fait naître, & qu'elles peuvent peutêtre fe mettre à couvert fous leurs Conftitutions, pourvu qu'elles foient autorifées par l'Eglife, & que ce ne foit point de certaines permiffions qu'on ait accor dées à leurs inclinations, & dont il leur feroit très-libre de fe difpenfer.

En parlant donc de celles qui ne font point liées par aucune loi, je demande fur quel principe elles s'en peuvent faire une de rejetter géneralement toutes les Religieufes étrangeres ? Les Monafteres font de faintes retraites pour celles que Dieu y appelle. Or comment peuventelles favoir que Dieu n'appelle jamais dans leurs Maisons aucunes Religieufes étrangeres; on comment pourroientelles en exclure avec juftice celles que Dien y auroit appelées ? Je dis plus, qu'il eft certain que Dieu appelle des Religieufes à changer de Monafteres. Car il y a des néceffités réelles, qui font juger quelquefois felon les regles de la prudence Chrétienne, qu'une Religieufe eft dans un danger évident de fon falut, en demeurant dans de certaines Maifons. Il faut donc en ce cas qu'elle en

forte'; & comme il n'eft pas bon qu'elle demeure dans le monde, l'ordre de Dieu eft que quelque Monaftere lui faffe la charité de la recevoir.

A la verité tout Monaftere particuliet n'eft pas toujours obligé de pratiquer cette charité, mais il eft obligé de ne pas faire réfolutión de ne la pratiquer

jamais.

Toute l'Eglife en corps eft obligée de nourrir tous les pauvres & de foulager toutes leurs néceffités, & cette obligation fi génerale ne regarde pas tous les particuliers, parce qu'il leur eft impoffi ble de la pratiquer; il fuffit que chacun fafle ce qu'il peut, & qu'il prenne une part jufte & légitime dans la charité génerale de l'Eglife pour les pauvres, en foulageant ceux aufquels la Providence divine l'applique plus particulierement. Mais il ne feroit pas permis de faire réfolution de n'y en prendre jamais aucune, & de ne foulager la néceffité de perfonne. Il en eft de même dans le fujer dont il s'agit. Tous les Monafteres en Corps, font obligés de foulager la néceffité d'une Religieufe, à qui des raifons de confcience ne permettent pas de demeurer dans fon Monaftere. Chaque Monaftere eft obligé de porter sa part de cette charité génerale en recevant celles

aufquelles la Providence l'applique en particulier, & de faire en quelque forte à leur égard, les honneurs de la Provi dence, de l'Eglife, & de la charité Chrétienne & Religieufe. Mais il ne peut être permis fans des raifons très-fingulieres, de renoncer à cette charité, & de faire réfolution de ne la pratiquer jamais.

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J'ole même paffer plus avant, en foutenant que cette pratique eft en quel que forte contraire au vou de Pauvreté, qui doit être fi cher aux Religieufes. Car celles qui en connoiffent bien l'étendue, doivent croire que non feulement elles n'ont point de droit à leurs biens particuliers; mais qu'elles n'en ont pas mê me à ceux de leurs Monafteres. Elles les doivent regarder comme appartenans à l'Eglife, & fe regarder elles-mêmes comme des pauvres, nourries par la charité de l'Eglife. Comment peuvent-elles donc faire réfolution d'exclure par ellesmêmes, celles que l'Eglife n'exclut pas, & qui étant appelées de Dieu ont en quelque forte autant de droit qu'elles dans leur Monaftere ? C'eft elle qui y donne droit : & fe réfoudre à en exclure celles que Dieu y appelle, c'eft faire ré folution de priver de leur droit, celles qui l'ont légitimement. Comment peuton prétendre agir en pauvre, en agiffany

de la forte ? Puifque ce n'eft pas agir comme ceux qui étant vraiment maîtres de leurs biens, ont néanmoins la justice dans le cœur.

LETTRE XLI

Qu'il faut une direction & préfente & exacte, pour retenir dans leurs devoirs celles qui font portées au relâchement.

J'ai

'ai vu par votre Lettre les difpofitions de celle dont vous exprimez les fentimens, & à qui vous prêtez des paroles fi vives & fi animées. Mais quand les mouvemens qu'elle marque feroient auffi violens qu'elle les fait paroître, & que vous les avez conçûs, ils ne me feroient pas changer de fentiment fur le fonds, parceque je croi que ceux que j'ai font conformes à fon véritable bien. Quand les perfonnes qui ont l'imagination vive fe font mifes quelque chofe dans l'efprit, tout ce qu'elles ont de lumieres fe réunit en ce point, & elles ne voyent rien de de tout le refte. C'est ce qui leur fournit ces expreffions ardentes, qui font plus propres à faire connoître la vehemence de leur efprit, que la juftice de ce qu'elles demandent. Ceftpourquoi il eft bon de leur perfuader d'abord qu'elles doi

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