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vent fe défier de cette chaleur d'imagition, & examiner les chofes un peu plus tranquilement, en jettant la vue fur toutes les raisons, & ne la bornant pas à celles qui favorisent leurs paffions.

Si vous vous fervez de cette méthode envers cette perfonne, vous viendrez fans doute facilement à bout de calmer fon efprit, non par des raifons frivoles, mais par des railons folides & prifes de fes interêts. Cette perfonne ne manque pas de connoiffance; elle veut le bien, inais elle le veut foiblement, elle est émportée par la violence d'un naturel porté au relâchement, par de longues habitudes, par un efprit impetueux dont elle ne difpofe pas. Cependant elle a de grandes dettes à payer, & elle ne fatisfait point à Dieu & à l'obligation qu'elle a de faire de dignes fruits de pénitence, non feulement fi elle ne fait autant que les autres, mais fi elle ne fait plus que les autres, c'est-à-dire, fi elle n'eft plus réguliere, plus exacte dans les obfervances, plus ponctuelle à ne fe pas épargner les mortifications, phis retenue, plus filentieufe, & fur tout moins curieuse & plus humble que les autres. Il s'en faut bien qu'elle n'en foit-là; mais elle ne doit pas defefperer d'y arriver. Chaque jour elle doit entreprendre cette œuvre de fon

falut, & fans confulter fes répugnances & sa foiblesse, commencer tout à l'heure cette vie nouvelle. Mais de quel fecours a-t-elle befoin pour cela; Ce n'eft pas fans doute d'un fecours éloigné & incertain, mais d'un secours présent. Il lui faut une perfonne qui la preffe, & qui lui faffe une violence charitable qui ne fonffre point qu'elle se relâche, qui ne lui donne, pour le dire ainfi, point de repos, car elle s'en donnera toujours allez elle-même. Elle trouvera cette perfonne, quand elle se découvrira bien, quand elle demandera bien cette grace, quand elle donnera une entiere liberté à fes Directeurs, quand elle leur ôtera la crainte de la rebuter & de la contrifter. Mais elle ne fauroit rien trouver de tout cela, dans des fecours éloignés & étrangers, dans des gens qui ne marchent qu'à tâtons, qui ne voyent pas la centiéme partie de cequ'il faut voir; elle y trouvera au-contraire un fujet d'un amufement très-grand, des écritures infinies, des foules de réflexions inutiles. Au-lieu de s'appliquer uniquement à agir, elle s'amufe à penfer, aulieu d'amortir la vivacité de fon efprit, elle le mettra en liberté. Cependant ces paffions agiront dans ces longs intervalles, elle reculera au lieu d'avancer, elle apprendra dans les Lettres ce qu'elle fait

déja

deja, & elle ne finira rien. Ainfi tout cela me paroit une pure tentation, qui tend à la priver des fecours préfens, pour lui en faire rechercher d'éloignés, qui la contraignent beaucoup moins, & lui laiflent plus de liberté de fuivre fes paffions. Il ne faut pas même qu'elle cherche des Directeurs en idée, elle doit fe contenter de ceux qu'elle peut trouver au lieu où elle eft. Si elle vouloit faire réflexion fur l'abandon terrible où font la plupart des Monafteres,qui n'ont que des Directeurs vicieux & ignorans, elle se tiendroit bien partagée, & elle ne fongeroit uniquement qu'à bien ufer de ce que Dieu met en fon pouvoir. Je ne faurois m'empêcher de vous dire pour cette perfonne, que fon zele pour la verité m'eft un peu fufpect, & que je crois qu'il le doit être à elle-même, Il femble à ces perfonnes fizelées qu'il n'y a qu'une verité, c'eft-à-dire que leur zele doit être borné à une feule matiere, qui n'est fouvent pour eux qu'un objet de fpécu-. lation. Cependant il n'en eft pas ainfi; toute verité doit être aimée, toute verité doit être l'objet de notre zele. Nous ne devons point le partager ainfi, en le donnant tout entier à de certaines verités, & n'en ayant point pour les autres, & entre ces verités celles qui font conTome V11.

K

formes à notre état, qui nous doivent conduire dans notre voye, doivent être les principaux objets de notre zele. Que cette perionne falle donc réflexion si elle a eu un grand zele jufqu'ici pour les verités qui prefcrivent la régularité, l'uniformité, la charité pour fes Soeurs, pour celles qui marquent l'obligation de réparer par des fruits de pénitence nos égaremens paflés, & enfin pour toutes celles qui reglent les actions d'une Religieufe, & les difpofitions de fon cœur, & fi elle reconnoît qu'elles les a beaucoup aimées, qu'elle ne les a point bleffées, qu'elle fe permette à la bonne heure de parler fortement contre ceux qui ne font pas auffi zélés qu'ils le devroient être pour certaines verités. Mais fi fon zele ne s'eft borné qu'à celle-là, & fi elle a négligé toutes les autres; fi ce zele même ne lui a été qu'une matiere d'entretien, & fouvent de curiofité, & non un motif de priere & de mépris de foi-même, en verité elle a fujet de s'en défier, & de le prendre plutôt pour une paffion humaine que pour un zele de Religion. Peut-être que je la fcandalife en parlant ainfi, mais je crois être obligé de le faire ; & fi elle veut le faire juftice, elle fe tiendra à elle-même ce Langage, & elle en conclura que pour

&

que

honorer mieux à l'avenir la verité, elle la doit honorer dans toute fon étendue, la conviction où elle doit être de ne l'avoir pas fait lui ôte le droit de parler fortement contre les foibleffes des autres.

LETTRE XLII.

Qu'on peut quelquefois éviter avec raifon des jugemens injuftes qu'on fait de nous. A M. DE SACY.

CEft avec quelque peine, Monfieur, que je me fuis rendu à l'ordre que M. de V..... in'a donné de votre part d'écrire mes pensées fur la revûe de la Traduction de l'Ecriture fainte; parce que je prévois que la confultation que Vous voulez faire ne fera pas fort utile. Des deux perfonnes que l'on a en vûe, il y en a une que fon emploi rend incapable de s'y appliquer, l'autre eft fi peu laborieufe qu'on ne lui fauroit ordonner une plus grande mortification que de l'en charger. Je ne sai fi l'amitié qu'il a pour nous feroit capable de l'y engager, & je ne fai encore moins fi l'on lui doit demander cela, puifqu'il eft fans doute très-tâcheux d'engager des gens

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