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inde. Il eft vrai, mais vous en voyez l'eftet; c'eft que tout devient incertain & inutile à l'Eglife, & fe tourne enfin en ridicule. Que favez-vons auffi fi cette né gligence qui paroît déraisonnable, n'est point un jugement de Dien fur ceux qui méritent d'être avenglés, que Dieu veut par là priver des lumieres qui les pourroient redreffer? Or quand cela arri→ ve ainfi par une permiffion de Dieu, la négligence de ceux qui y contribuent n'en eft nullement blâinable. Voilà mon plaidoyé pour les éclairciflemens, mais qui ne regarde que ceux qui les doivent faire, & non pas moi qui n'en ai pas la commiffion.

Il faut ajoûter quelque chofe fur la feconde partie de votre Lettre. La regle de dire le bien & le mal des Saints a befoin à la verité de plufieurs excep

tions.

Premierement, elle ne s'entend point des entretiens particuliers, mais des écrits publics. Car dans un entretien particulier la difpofition de celui à qui l'on parle en eft la regle, & l'on y doit omettre tout ce dont il peut être choqué.

Elle ne s'entend point auffi de ces actions qui ne font mauvaises & déraisonhables qu'en apparence, & qui font bon nes dans le fonds. Car la raifon qui fe

roit croire qu'il ne faut pas dire ces actions qui paroiffent extravagantes, eft qu'elles font compofées de deux parties, de l'exterieur qui paroît déreglé, & de l'interieur qui eft jufte & réglé. Or l'Hiftorien ne pouvant reprefenter cet interieur, trompe en quelque forte le Lecteur en ne lui reprefentaut que la partie qui le bleffe & qui le trompe.

On la doit donc réduire aux chofes qui enferment un certain mal clair & indubitable, comme une erreur, une fauffe imagination, & en ce cas je croi encore vrai qu'il ne faut jamais dire ces fortes de chofes fans correctif. Mais fi je favois, par exemple, qu'un homme de bien eût fait quantité de Propheties véritables, & que parmi ces Propheties véritables, il y eût une certaine impreffion faulle, j'aimerois mieux dire le tout que de ne dire que le bien. La raifon en eft que c'eft une verité importante à T'Eglife qui eft celle-ci; que Dieu permet qu'il fe mêle de fauffes impreffions parmi les lumieres véritables des gens de bien, & qu'ainfi il faut tout examiner, & ne conclure pas, ni que qui a tort en un point ait tort en tout, ni que qui a raifon en plufieurs points, ait raifon en

tout.

Je dis qu'elle eft importante, & pour

empêcher les illufions d'une trop grande crédulité qui fe livre fans réferve à ceux en qui on a vu quelque chofe d'extraor dinaire, & pour empêcher qu'on ne con danne durement quantité de gens de bien à qui il peut arriver de femblables furprifes.

Je n'ai donc pas droit d'ôter à l'Eglife cette inftruction que Dieu lui donne, & s'il y a des étourdis qui en tirent de mauvaifes confequences; c'eft leur faute; mais il n'en eft pas plus permis de priver l'Eglife d'une verité utile.

Je le dirois donc, mais je tâcherois de le dire d'une maniere qui prévînt autant qu'il feroit poffible l'inconvenient que Vous craignez.

Voilà mes pensées, Madame, je ne fai fi elles font conformes ou contraires aux vôtres; car peut-être fommes-nous d'accord. Mais quelles qu'elles foient, elles ne feront gueres de mal à perfonne, parceque je n'aurai gueres d'occafion de les mettre en pratique étant plus réfolu que jamais de me refferer extrêmement, & de ne me mêler de rien.

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LETTRE XLVI.

De ce qu'on doit à ceux qui perfecutent la verité & la justice.

A UNE SUPERIEURE DE RELIGIEUSSES.

S'll

'Il est neceffaire, Ma Réverende Mere, que je vous écrive au commencement de cette année,par la loi particuliere que je me fuis faite; il eft néceffaire par la Loi commune du Chriftianifme,queje tâche de le faire d'une maniere qui me puiffe être de quelque utilité auffi bien qu'à vous.Et pour fatisfaire à cette double obligation, il m'eft venu dans l'efprit de prendre pour fujet de cette Lettre les troubles que l'on a excités dans votre Ville, & les peines que l'on a caufées à M. votre Evêque, puifqne nous avons un égal interêt de nous inftruire des fentimens qu'on en doit avoir.

Il m'a donc femblé, ma Réverende Mere, qu'on regarde fouvent trop humainement ces traverses qui font caufées aux gens de bien, par la malice & par l'injuftice des hommes, & qu'en les confiderant plus par les yeux des fens & de la raiLon que par ceux de la Foi, on ajoûte aux fentimens que l'amour de la verité & de la juftice nous peut infpirer, beaucoup

Lautres mouvemens qui n'ont pour principe que la nature. Car il n'y a rien de plus ordinaire que de paffer ainfi de la Foi aux fens, & de concevoir des paffions toutes humaines pour une caufe qui eft d'ellemême toute fainte. La raifon en eft, que l'amour-propre fe fait un interêt de tout, & prend part à tout: de forte que fitôt qu'on eft entré en union avec quelques gens de bien pour les fujets du monde les plus légitimes,on fe rend propre leur caufe, on le revêt de leur interêt, on regarde leur abaiflement comme le fien, & on conçoit fur tout pour ce qui leur arrive les mêmes paffions que les gens du monde reffentent dans les affaires temporelles de leurs amis. On s'afflige humainement de leurs difgraces, on s'anime humainement contre ceux qui leur font injuftice, on s'offense pour eux quand on les bleffe, & l'on fe réjouit quand on les éleve.

Cependant fi ces mouvemens font na→ turels à l'efprit humain, ils font fort éloignés de ceux que les vûes de la foi nous doivent donner, foit à l'égard de ceux qui fouffrent l'injuftice, foit à l'égard de ceux qui la font, foit à l'égard de la verité & de la juftice en elle-même.

Car il me femble premierement qu'on devroit faire grande difference entre la

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