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même que ce qu'il croira vrai auffi bien que vous, & je la foumets abiolument à votre difcernement.

LETTRE LIII

De l'estime qu'on doit avoir, & du profit qu'on doit tâcher de tirer des liaisons que l'on a avec des perfonnes qui font à Dieu.

A LA SUPERIEURE D'ANNECY.

MARéverende, Mere, je vous pour

rois dire avec verité, que ce m'a été une confolation fenfible de recevoir la Lettre dont vous avez bien voulu accom pagner celle de Madame de N.... Et que quand je ne ferois porté par la confideration de Monfeigneur votre Evêque, & par celle de cette Dame affligée, à lui rendre le peu d'affiftance dont je fuis capable, la part que la charité vous fait prendre dans fes affaires, fuffiroit feule pour n'y engager. Mais comme mes difpofitions font toujours très-défectuenfes en toutes chofes, j'aime mieux pour vous entretenir un peu plus long-tems, & ne le faire pas d'une maniere tout à fait ftérile, vous dire quelque chofe de ce qui me vient tout préfentement dans l'efprit, far celles que j'aurois dû avoir dans cette

rencontre. Il m'a donc femblé, ma Ré verende Mere, qu'on ne fait pas d'ordinaire affez d'état des liaisons, que la providence de Dieu nous procure avec les perfonnes qui font à Dieu, & qui defirent de le fervir fidélement, qu'on les regarde avec trop d'indifference, & que fi nous étions auffi fages, auffi prudens pour notre falut, comme les gens avares le font d'ordinaire pour l'avancement de leur fortune, nous faurions bien en tirer plus d'avantage que nous ne faifons. Il n'y auroit pour cela qu'à imiter la conduite de ces avares dont nous parlons, puifque c'eft le modele que l'Ecriture nous propose dans la recherche de la Sageffe, en nous commandant de l'aimer comme l'argent Ils ne voyent prefque perfonne fur qui ils ne forment quelque deffein, & il leur vient mille ouvertures, pour les faire fervir à leurs interêts. Que fi par ha zard ils entrent en commerce avec quelque perfonne puiffante, ils ont mille vûes pour en profiter, & pour en tirer divers avantages. Suivant cet exemple, ma Reverende Mere, j'aurois dû faire bien des chofes en recevant votre Lettre. Je vous aurois dû confiderer comme grande & puiffante dans le Royaume de JefusChrift; parce que j'ai droit de le juger, par l'emploi que vous avez dans une des

premieres Maifons de votre Inftitut; & fur cela je devois former le deffein de m'enrichir de quelqu'un de vos biens. On ne le fauroit faire à l'égard des biens du monde, fans faire tort à ceux qui les poffedent: mais à l'égard des biens fpirituels, on fe les peut rendre propres, fans appauvrir ceux qui les opt. Je n'ai, ma Reverende Mere, qu'à me réjouir fincerement des graces que Dieu a faites à votre Monaftere, & à votre Institut, à vous en fouhaiter encore de plus grandes, pour y avoir part; & je l'y aurai fans doute, à proportion que j'aurai plus de cette joie & de ces defirs. Je n'ai pas dû en demeurer là. Car comme les perfonnes intereffées, font bien aife d'avoir occafion de rendre quelque petit fervice à ceux qui leur peuvent être utiles, & de les leur faire remarquer, j'ai dû, ma Réverende Mere, par un interêt juste & raisonnable, recevoir avec avidité la petite occafion que vous me donnez, de vous témoigner le defir que j'aurois de vous fervir, & pour vous le rendre un peu plus confidérable, vous faire remarquer qu'il ne faut pas juger des fervices qu'on nous rend, par les effets extérieurs qui dépendent fouvent de ce qui eft hors de nous; mais par la plénitude de la volonté qui eft en nous, & qui étant la feule chofe que

Dieu eftime, doit être auffi la feule cho fe, dont les perfonnes fpirituelles doivent faire état. Enfin, ma Réverende Mere, comme ces perfonnes intéreffées ne manquent jamais dans les fervices qu'ils rendent aux autres, de faire connoître quelques-uns de leurs befoins, & d'y apli quer ceux qui les y peuvent affifter; je dois auffi vous faire entendre que j'ai grand befoin de me procurer l'affittance de vos prieres, & de vous les demander même, pour une conjoncture où je me trouve prefentement dans laquelle j'ai un befoin tout particulier de la lumiere de Dieu. Voilà, ma Réverende Mere, ce que je devois faire, & ce que je n'ai fait que très-imparfaitement. Mais il eft bien jufte que je pratique au moins cette derniere partie qui m'oblige de me recommander très-particulierement à vos prie-res, & que je conclue même, qu'ayant raifon de vous faire cette demande, Dieu vous oblige d'y avoir égard; qu'il eft jufte que vous ayez quelque charité pour moi, &que vous la pratiquiez, en croyant que c'elt avec fincerité que je vous affure, que je fuis.

LETTRE LIV.

Que les amitiés qui font fondées dans la charité Chrétienne, font très-eftimables très-utiles à ceux qui l'exercent envers le prochain.

IL

A M. DE SACY.

me fuffiroit, Monfieur, d'avoir été affuré par Mr. N... de la continuation de votre charité pour moi, fans que vous priffiez la peine de m'en donner vousmême des marques auffi particulieres que celles qui paroiffent dans la Lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. C'est ce qui me l'a fait recevoir avec d'autant plus de reconnoissance, que je l'ai regardée comme une grace que je ne méritois pas, & que je n'avois aucun droit d'attendre. Mais je vous puis dire que la confolation que j'en ai reçûe, n'a pas été purement humaine, & que je me fuist moins arrêté à ce qu'elle contenoit de fa vorable pour moi, qu'à admirer les fentimens fi juftes & fi édifians que vous y faites paroître, qui font quelque chofe de bien plus réel, que les confolations que l'on peut recevoir de l'affection de fes anis. La charité, Monfieur, eft toujours

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