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Dieu, & de n'en point recevoir que nous ne puiffions foutenir devant le tribunal de la verité où l'on nous en fera rendre un compte exact. Nous devrions nous interroger nous-mêmes, fi nous fommes bien affurés de ce que nous penfons ou que nous disons des autres; fi nous ne fuivons point des préventions aveugles; s'il n'y a point de précipitation ou de paffion dans ces jugemens ; fi nous avons toutes les lumieres néceffaires pour les former : & aprés cela même, nous avons encore à craindre le fond de notre cœur, qui nous eft toujours inconnu, & qui peut produire des nuages qui nous faffent voir les chofes autrement qu'elles ne font. C'est la difpofition où je fouhaite que Dieu me mette à l'égard de tous les fentimens que j'ai des autres, & que je yous prie de lui demander pour moi; & je ne vous aimerois pas comme je le dois, fije ne faifois le même fouhait & la même priere pour vous. Je fuis.

LETTRE X.

Divers moyens d'acquerir les lumieres don on a befoin ; ce que peuvent faire les autres pour nous aider.

E ne puis mieux vous témoigner, Mar dame, combien je fuis éloigné de vous refufer des chofes où je ferois pezfuadé que je vous pourrois fervir, & Vous être utile en quelque maniere, qu'en entrant dans la propofition que vous me faites pour votre amie,de lui donner quel ques vues des moyens qui la pourroient ou affermir ou avancer dans la pieté; car fans doute fije voulois chercher des prétextes pour m'en exemter, j'en trouverois une infinité. Cependant le defir de vous contenter m'a fait résondre non de lui donner des lumieres, mais de lui marquer les moyens d'en trouver de folides; c'eft à quoi je me ré luis. Nous manquons certainement fouvent de lumieres, mais ce n'eft pas la lumiere qui nous manque d'abord; c'eft nous qui lui avons manqué les premiers. Nous la laiflons échaper lorfqu'elle fe préfenté à nous, nous n'y faifons point de réflexion quand nous la lifons dans les livres de pieté, & quand pous ne pouvons nous empêcher de voir

les verités, nous ne choififfons pas celles qui nous font propres. Ainfi il fuffiroit prefque de dire à une pértonne pour tout avis Choifflez dans un livre de pieté que vous lifez, les inttractions qui vous conviennent, & appliquez-vous à les pratiquer. Je veux nèanmoins paffer plus avant, quand ce ne feroit que pour vous témoigner la déference que j'ai pour vous; permettezmoi feulement d'y aller par une certaine voie, qui eft la feule, ce me femble, par où l'on puiffe fervir cette perfonne avec quelque utilité. Il faut d'abord fuppofer que qui que ce foit à qui l'on s'adreffe, ne nous peut donner les commencemens de luiniere, ni de bonne volonté, c'est Dieu qui les verfe dans l'efprit & dans le cœur, ou par lui même, ou enfuite de la parole exterieure qui nous eft annoncée par les voies ordinai naires. Quand Dieua formé dans le cour ces commencemens de lumiere & de bonne volonté, le grand & unique moyen de les faire croître et d'en uler felon l'intention de Dieu, & de les mettre en pratique ; & c'eft proprement par cette pratique & par cette fidelité qu'on obtient de Dieu l'augmentation de ceite lumiere, & de cette bonne volonté. Tont: se que les perfonnes à qui l'on s'adresse

peuvent faire, c'eft de nous ouvrir cer taines confequences de cette lumiere, & de nous conduire un peu plus loin, mais en bâtiffant toujours fur le fondement de la bonne volonté que Dieu a mis dans le cœur, & l'étendant feulement à plus d'actions particulieres. Ainfi comme l'on ne fauroit effectivement aider perfonne qu'à la faveur de ce que Dieu a mis dans fon cœur, je vous avoue que j'approuve extrêmement la conduite d'un Ecclefiaf tique vertueux & éclairé, qui au-lieu de prefcrire des regles de vie aux perfonnes qui s'adreffoient à lui, les obligeoit de s'en prefcrire elles-mêmes, & de les garder. L'utilité qu'il tiroit de cette pratique, eft qu'il voyoit par-là les bornes des lumieres de ces perfonnes, qu'il ne faifoit feconder, & qu'il étoit par-là hors de danger de faire des avances témeraires, en les portant à des chofes pour lesquelles elles n'auroient aucunes difpofitions Cela peut paroître d'abord embarraffant pour la perfonne à qui l'on donne ce confeil ; il n'y a pourtant rien dans le fonds qui ne puiffe être pratiqué par tout le monde, pourvu qu'on s'y prenne comme il faut. Pour vous le faire comprendre il n'y a qu'à vous marquer en détail à quoi ne faut réduire.

que

Il n'y a perfonne qui en confiderant

l'état de fon ame fuivant la lumiere ou commencée ou avancée, ne puiffe dire pour premier article, qu'elle reconnoît en foi telles & telles maladies; elle peut dire pour le fecond qu'elle fe croit donc obligée de demander à Dieu telles & telles difpofitions, & fe réfoudre de faire ce qu'elle poura pour s'y établir. Et elle peut confiderer pour le troifiéme, quels moyens elle pouroit employer pour ar river à cette fin.

Et comme ces moyens fe réduifent principalement à l'ordre de vie & aux exercices qu'elle fe prefcrira pour tous les jours, parce que la vraie dévotion confifte à bien vivre ; & que bien vivre eft bien paffer les jours qui compofent notre vie, elle doit fe preferire cha que jour en détail un ordre de vie, & d'exercices, & tâcher à y être la plus fidelle qu'elle pourra.

Pour fe faciliter cette pratique, qu'elle s'imagine qu'une perfonne quilni reflemble, c'eft-à-dire, qui a les mêmes maladies qu'elle, lui a demandé confeil, & qu'elle lui prefcrive tout ce qui lui viendra dans l'efprit; qu'elle écrive même fes penfées en cette maniere, & qu'elle faffe la directrice à l'égard de certe perfonne qui ne fera pas differente d'elle-même. Il n'y a rien en cela que de raifonnable, car

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