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excès à excès. L'autorité fagement combinée des gens en place fut en même temps une barrière falutaire contre laquelle fe brifa la fougue bouillante de quelques catholiques, & la fauvegarde facrée des Proteftans.

Le Clergé non content d'avoir recouvré les principales églifes & les biens qui y étoient attachés, demanda encore la reftitution de l'emplacement de la chapelle de l'hôpital de Lautié, fur lequel les Calviniftes avoient conftruit en 1613 le temple appelé le temple neuf. Les Proteftans refusèrent obftinément de le rendre, malgré la juftice de la réclamation du Clergé. La populace Catholique menace de le reprendre de force. Les efprits s'échauffent de part & d'autre, & déjà une fédition violente alloit femer de nouveau dans Montauban la confternation & l'effroi, lorsque le Premier Président Auf•fonne, balançant d'une main impartiale fon autorité entre les deux partis, calma les efprits irrités, & réprima les faillies de cette fédition renaiffante. Il perfuade aux Catholiques & aux Proteftans de recourir au Confeil pour y faire valoir leurs prétentions refpectives. Les Proteftans envoyent leurs députés; l'Evêque Bertier plaide la caufe des Catholiques & l'emporte. Les Proteftans furent condamnés à rendre au Clergé l'emplacement de la chapelle de Lautié; mais ils ne fauroient confentir qu'un monument confacré à leur religion fervit de trophée au triomphe de leurs rivaux, & ils obtiennent la démolition du temple neuf. Cet échec douloureux pour les Protef

tans fut néanmoins le germe de leur vraie félicité & de la fplendeur de Montauban. Dénués, pour ainsi-. dire, de tout centre de réunion, ils ne s'envifagèrent plus que comme des membres ifolés d'un corps entièrement éteint. Sans fe départir cependant des fentimens intérieurs de leur croyance, ils s'uniffent d'intérêt aux Catholiques, & concourent avec eux à l'envi, entraînés par une noble émulation, au bonheur commun. Ils déplorent alors les uns & les autres ces jours d'horreurs & d'alarmes, où livrés à un funefte aveuglement, ils outrageoient fans pudeur, par principe de religion, la nature, l'humanité & la religion même.

Telle fut l'influence de la prudente conduite d'Auffonne, trop éclairé pour être fanatique & oppreffeur. La perfécution cût rallumé l'incendie mal éteint; l'humanité comprima les étincelles qui partoient de fes débris encore fumans. Heureux le Querci, fi les dépofitaires de l'autorité du Souverain dans cette province, n'avoient point été quelquefois entraînés, malgré eux hors de ce fyftème de modération, qu'ils adoptèrent tous déformais à l'envi, parce qu'ils en connurent les avantages incontestables! Les Quercinois en verront bientôt éclorre la culture des lettres & des arts, négligée parmi eux depuis les guerres civiles, & le germe précieux de leur commerce qui s'étendra dans les deux hémifphères après avoir été prefque étouffé, dans fa naissance, par une politique impérieuse & peu prévoyante.

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L'Evêque Bertier & l'Intendant Pellot, dignes émules d'Auffonne, voulurent hâter l'heureuse révolution que ce célébre Magiftrat préparoit. Il falloit furtout dépouiller les Montalbanois de cette rouille de férocité contractée dans les combats enchaîner, pour leur félicité réciproque, leur activité naturelle, qui n'avoit encore presque jamais éclaté que pour s'entredéchirer & s'entredétruire. Perfuadés que le travail impofé au peuple, mêlé au fentiment d'une existence douce & gracieuse, eft le frein de la licence & des troubles, Pellot & Bertier effacent en partie les monumens qui retraçoient l'image odieufe de la guerre, par des embelliffemens & des édifices publics, où font étalés avec magnificence les richeffes de l'art fecondé par la nature. Pellot comble les foffés, refte malheureux des ouvrages que la difcorde avoit élevés, les transforme en promenades délicieufes, élève à l'extrémité de Montmirat un quai, l'admiration des étrangers, An. 1667. conftruit un pont pour y parvenir, & répare les brêches faites dans le temps des guerres civiles, au pont de Villebourbon. Les Montalbanois, déjà vrais citoyens, ne font point infenfibles à ces bienfaits; ils rendent un hommage éternel à l'adminiftration vigilante & fage de Pellot. Comme par un preffentiment de l'utilité qui devoit un jour résulter pour leur commerce de la réparation du pont, ils en confacrent en particulier le fouvenir dans une infcription gravée fur la principale pile de ce pont, & conçue en ces termes :

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ANNO DOMINI M. SEXCENT. SEXAG. SEPTIMO, REGNANTE LUD. XIV. SEMPER AUGUSTO ET IN BELGIO

TRIUMPHANTE,

PRÆFECTO REG. ÆRARII JOAN. BAPT. COLBERTO,
CLAUDIUS PELLOT

PER AQUITANIAM MISSUS DOMINICUS
HUNC PONTEM SINGULARIS STRUCTURÆ
FERÈ DIRUTUM RESTITUI

ET VIAM AD TARNI RIPAM PER INVIA

STERNI CURAVIT.

SIC UTILITATI URBIS CONSULTUM ET AMENITATI.

Cette infcription rappelle en même temps la mémoire du grand Colbert, à qui la France est redevable des progrès de fon commerce, & fixe l'époque de la guerre de Flandre, qui valut à la France ce qu'on appelle la Flandre française.

Les Montalbanois enivrés de leur bonheur naiffant, commençoient à peine à oublier leurs malheurs domestiques, lorfqu'ils fe virent forcés de verfer des larmes commandées par le fentiment de la reconnoiffance. Pellot quitta l'Intendance de An. 1670. Montauban, emportant les regrets de tous les habitans, & laiffant pour fucceffeur Guillaume de Seve. Le Premier Préfident Auffonne paya bientôt après le tribut à la nature. Les Catholiques & les Calviniftes ne fe regardant plus comme ennemis, parce qu'ils avoient une croyance opposée, se réunirent pour pleurer la perte de ce Magiftrat, non moins recommandable dans fa vie privée & dans le com.

merce de la fociété, que dans l'exercice des diverfes fonctions que le Souverain lui avoit confiées. François. Jacques de Buiffon d'Auffonne fon fils, lui fuccéda dans la place de Premier Préfident à la Cour des Aides, dont il avoit déjà la furvivance.

La retraite de Pellot ne fit point perdre de vue à Bertier, le projet qu'ils avoient concerté pour les embelliffemens de Montauban. Ce Prélat, dont les vues étendues embrasfoient, tout-à la fois, le bien public & les intérêts de la religion, convertit le fol de l'ancienne églife cathédrale, qui ne préfentoit plus qu'un amas confus de décombres & de matériaux dispersés, en un jardin public, un des prodiges de la nature, par la beauté de fa fituation, & qui fixa l'attention d'un Monarque étranger, chassé par fes fujets: Dieu peut faire de plus belles chofes, s'écria Jacques II, en voyant ce jardin, mais il ne l'a point fait. Bertier tranfporta auprès fur un terrain intéodé par le Chapitre en 1660, le Séminaire de fon diocèfe, qu'il avoit établi en 1655 à Caftelferrus, fous la direction des Prêtres de Saint Lazare, & commença de bâtir le palais épiscopal fur les mafures de l'ancien château des Comtes de Tou

An. 1674. loufe. Sa mort l'empêcha d'achever ce fuperbe édifice, & d'exécuter le deffein qu'il avoit de conftruire une vafte églife pour y raffembler les deux chapitres réunis par fes foins depuis l'année 1666. Il eut pour fucceffeur Jean-Baptifte-Michel Colbert, Confeiller-clerc au Parlement de Paris.

C'étoit alors le temps fortuné des victoires

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