Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

ferva toujours dans les fers cette férénité d'ame que le crime n'a jamais, & cette gaité inaltérable qui formoit le fonds de fon riche caractère. Il fortit enfin de prison, & lors de la révocation de l'édit de Nantes, il fe retira dans le canton de Berne, où il avoit été précédé par l'éclat de fon nom. Il y obtint bientôt l'adminiftration d'une des principales égli⚫fes, & mérita l'eftime générale. Le Querci perdit en lui un citoyen diftingué qu'il eût été utile de conferver, parce que cette perte fut fuivie de la perte de plufieurs autres.

Les précautions multipliées & les menaces fouvent même fuivies de châtimens févères, accrurent encore parmi les Proteftans le nombre des indociles & des enthoufiaftes. Ils coururent à l'envi après l'honneur de la perfécution, & mettoient leur gloire à partager l'exil & la difgrace de leurs Pafteurs. Le fage Colbert étoit mort. La baze de fon système économique repofoit fur la richesse & la population de l'état; l'efprit patriotique fembloit être descendu avec lui dans le tombeau. L'impétueux & violent Louvois ruina les opérations de cet immortel Miniftre; il appauvrit & dépeupla le royaume. Il vouloit entièrement détruire la religion proteftante, entreprise imprudente & dans laquelle devoit néceffairement échouer l'autorité; il ne parvint qu'à en empêcher l'exercice public. Dans le temps que cinq cents mille ames augmentoient les forces de nos voisins qu'il eût été important d'affoiblir, la religion proteftante fubfifta dans le cœur de plus

de quatre cents mille Français, qui moins vexés dans la fuite, n'abandonnèrent point leur patrie. Les foldats furent rappelés, & les émigrations cefsèrent. Les édits fubfiftèrent néanmoins dans toute leur force; & plufieurs Miniftres qui rentrèrent dans le royaume & y exercèrent leurs fonctions, éprouvèrent le dernier fupplice.

An. 1687. L'Evêque Colbert qui avoit eu tant à cœur les progrès de fa ville épifcopale, gémiffoit fur la défertion & le découragement de fes habitans, lorfqu'il fut transféré à l'Archevêché de Touloufe. It eut pour fucceffeur Henri de Nefmond, fils d'un Préfident à Mortier du Parlement de Bordeaux, & frère du Marquis de Nefmond, Lieutenant-général des armées navales. Ce grand Prélat à qui l'éloquence ouvrit, après l'illuftre Fléchier, les portes de l'Académie française, voulut laiffer dans fon diocèfe un monument éternel de fa vigilance paftorale. La plupart des églifes détruites; les biens, qui en dépendoient, diffipés en partie; les deux chapitres, qui depuis leur réunion ne formoient plus qu'une même églife cathédrale, avoient été forcés de fe raffembler dans l'églife paroiffiale Saint Jacques. Leur fervice gênoit fouvent les fonctions cu riales. Nefmond traça le plan d'un nouvel édifice qui feroit fpécialement confacré au chapitre cathédral; il l'envoya à la Cour & en follicita les fecours néceffaires pour l'exécuter avec magnificence.

Le goût du commerce cependant fe ralluma dans le Querci, délivré des fecouffes & des inquiétudes

qui l'avoient agité. L'opprobre imprimé fur les Proteftans avoit enchaîné leur activité. L'indigence & la détreffe rappellèrent l'induftrie. Entièrement profcrits de toute communauté d'arts & de métiers, il ne leur reftoit d'autre reffource que le négoce. Ils furmontèrent leur découragement & fortirent de leur léthargie. Ainfi les travaux de ces citoyens mêmes, dont le Gouvernement poursuivoit la perte totale, ferviront d'appareil aux bleffures de l'état,

& répareront fes brêches.

Soumis à leur Souverain, rien n'ébranle leur fidé- An. 1688. lité. L'ambitieux & dénaturé Guillaume, Prince d'Orange, attifoit les feux de la guerre contre Jacques II fon beau-père, qu'un zèle ardent pour la religion catholique avoit rendu odieux aux Anglois. Il le chaffe de fon palais, lui arrache le trône & y monte à fa place. Cet événement fembloit préfager aux Calviniftes une révolution favorable. L'ufurpateur, après cet indigne triomphe, invitoit les Proteftans français à s'unir à lui. Ils furent toujours fourds à fes audacieufes invitations; & fi leur cœur ne put fe refufer en fecret au fentiment de plaifir que devoient leur infpirer les progrès de leur parti, leur joie fut concentrée par la fageffe. Nul mouvement n'altéra la paix intérieure de l'état.

Les Quercinois éprouvèrent alors une nouvelle calamité dans la mort de François d'Auffonne, Premier Président de la Cour des Aides, dont les fervices diftingués n'avoient point échappé à Louis XIV. Ce Monarque avoit érigé la terre d'Auffonne en

[ocr errors][ocr errors]

Marquifat, & fit conftruire, aux frais du Gouvernement, un château auprès de Montauban fur un terrain qui appartenoit aux habitans, & qu'ils cédèrent avec empreffement. L'inscription placée dans le fronton de la porte intérieure de l'édifice, annonçoit ce bienfait en ces termes :

REGIS MUNIFICENTIA

URBIS BENEVolentia.

Louis XIV, fi abfolu d'ailleurs dans fes volontés, récompenfoit ceux qui avoient fuivi, à l'égard des Proteftans, un plan de modération qui fembloit contredire fes ordres. Les vexations employées contr'eux étoient l'ouvrage de quelques Courtifans dont le malheureux afcendant entraînoit trop fouvent le génie du Monarque.

Le rôle intéressant qu'avoient joué fucceffivement Jacques & François d'Auffonne dans la place de Premier Président de la Cour des Aides, rendoit le choix de leur fucceffeur délicat & difficile. La Cour jetta les yeux fur le Franc de Caix, & tout le Querci y applaudit. Ce nom lui étoit cher à plufieurs titres. Le Franc de Caix defcendoit d'une maison ancienne de la province, dont la noblesse remonte jufqu'à Simon le Franc, Chambellan de Charles VIII (1). Il étoit fils de Jean le Franc,

(1) Franc en Querci, d'azur ar Cavalier armé d'argent, tenant en main une épée nue. Simon le Franc, Chambellan de Charles VIII, Capitaine de cent hommes d'armes, François du Franc, dont le Ma

Président de la Cour des Aides, & petit-fils de Geraud le Franc, troisième Président de cette Cour, lors de fa création.

Déjà à cette époque le commerce dans le Querci prenoit d'heureux accroiffemens. La guerre ruineuse, qui occupoit alors la France, fufpendit quelque temps fes progrès. Cette province se vit arracher le peu de bras & d'argent, qui lui restoient encore, pour fournir à de nombreuses armées. C'étoit un gouffre qui abforboit tout, & dont il ne refluoit rien dans les provinces éloignées. Mais lorfque l'Efpagne devint le foyer de la guerre, les Quer- An. 1689. cinois faifirent cette circonstance avec avidité. Ils s'emparent des objets de confommation néceffaires aux troupes. L'argent circule parmi eux avec abondance, & fe répand dans les mains du cultivateur & de l'ouvrier. La guerre voisine des Pyrénées fut toujours une mine abondante qui enrichit le Querci.

Les biens qui en résultèrent furent furtout sensi bles pour les habitans de Cahors. Cette ville n'avoit jamais embraffé le calvinifme. Elle n'eut rien à fouffrir de la dépopulation & de l'indigence qui affligèrent les villes qui l'avoient adopté. Ses campa

réchal de Monluc parle avec tant d'éloges, Meffires Geraud & Guil. laume le Franc, l'un Préfident, & l'autre Avocat général en la Cour des Aides de Montauban, font fortis de cette famille. La Science Héraldique, traitant de la Nobleffe & de l'origine des armes, de leurs blasons, &c. pag. 412. A Paris, chez Mabre-Cramoify Imprimeur du Roi. M. DCLXIX, feconde édition.

[ocr errors][merged small]
« AnteriorContinuar »