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de leur deftinée, & déteftoient les indignes manou. vres qui avoient rendu leurs pères coupab.es. Ce fentiment eft refté fi profondement gravé dans leur cœur, qu'à quelques mouvemens près, ils n'ont plus tenté de fe fouftraire à l'autorité légitime. Ces mouvemens même, éphémères & légers, n'eurent ja mais pour objet que des circonftances particulières, & n'enveloppèrent qu'une très-petite partie des Protestans défavouée par le plus grand nombre.

Là fe termine la chaîne des grands & sinistr événemens, dont le Querci avoit été un des principaux mobiles, & qui avoient ébranlé la nation entière. Le triomphe de la religion & l'affermiflement de l'autorité royale en formèrent l'heureux dénouement. On ne reconnut plus qu'une feule puiffance dans le royaume. Tous les petits tyrans furent abattus, le germe des guerres civiles étouffé, & les peuples heureux.

Nos annales ne fourniront presque déformais d'autre aliment à la curiofité que des faits peu intéreffans pour une ame convu five, que les révolutions & les catastrophes feules peuvent attacher. Mais ces faits, raviffans pour le citoyen que la raifon guide, fruits précieux du calme & de l'harmonie, parleront hautement en faveur de l'unité de culte dans un état & du gouvernement monarchique, le feul conforme à la nature, le feul qui garan fe la fociété des révolutions inféparables des états républicains ou mixtes, & dont après bien du fang répandu, & le bouleversement des rangs & des Tome III.

D

An 1701.

fortunes, les peuples font toujours les déplorables victimes.

Gafpard-François Legendre, nommé à l'Intendance de Montauban dans ces heureufes circonf tances, poursuivit avec ardeur le plan que fes prédéceffeurs avoient formé d'embellir Montauban & d'en faire une ville confidérable, afin d'engager un plus grand nombre de Catholiques à s'y établir, & d'y attacher encore davantage fes premiers habitans. Trois magnifiques portes, ou plutôt trois arcs de triomphe, élevés par fes ordres, remplirent le double objet, & de la décoration, & de fixer l'époque de trois grands événemens qui avoient rendu la fin du dernier fiècle célébre.

La première de ces portes fut placée en face du faubourg du Mouftier, & fur les fondemens du bastion de ce faubourg. Cette porte de brique & d'ordre dorique, étoit chargée de cette infcription relative à la conversion générale des habitans de Montauban à la religion catholique, en 1685:

INIQUIS OLIM TEMPORIBUS PROPUGNACULUM,
NUNC URBIS CATHOLICÆ ORNAMENTUM
POSITUM ANNO SALUTIS, M. D. CCI,
REGNANTE LUDOVICO MAGNO,

URBIS EPISCOPO, HENRICO de Nesmond,
PREFECTO GASPARE-FRANCISCO LEGENDRE
LIBELLORUM SUPPLICUM MAGISTRO,

OPERIS AUTHORE, ET CURATORE MUNIFICO.

La feconde bâtie dans le même goût, à la place

de celle de Montmirat, de même matière & de même architecture, étoit confacrée à conferver la mémoire du grand événement qui plaça Philippe V fur le trône d'Espagne; on y voyoit ces mots :

LUDOVICO MAGNO
QUOD HISPANIAS

EXTINCTIS Gentilibus oDIIS;
CONCESSO NEPOTE REGE

ÆTERNUM GALLIÆ DEVINXERIT,
CIVIT. MONTAL.

FAUSTIS AUSPICIIS SÆCULI XVIII
GASPARE-FRANCISCO LEGENDRE

PER AQUITAN. Jurid. Præf.

La troisième enfin fut conftruite au bout du pont, du côté de Villebourbon, où étoit une vielle tour à moitié ruinée par le canon. Elle est à deux faces du même ordre dorique à boffages. Elle eut la paix de Rifwick pour objet. On lit ces vers fous l'écuffon des armes du Roi, qui remplit le fronton du côté du faubourg:

AUSPICIIS LUDOVICE TUIS, PAX AUREA MUNDO

DUM REDIT ET SEQUITUR COPIA LÆTA COMES. GRATUS AMOR POPULI REGALI MUNERE CRESCIT ÆTERNUMQUE TIBI CONSECRAT ARTIS OPUs.

Et ceux-ci fous l'écuffon des armes de l'Intendant Legendre, du côté de la ville:

HACTENUS INFORMI GEMUIT SUB PONDERE TARNUS INDIGNANS TURPI SUBDERE COLLA JUGO,

MUNERE NUNC DECORATA TUO GENDRÆE SUPERBUS VINCLA SUBIT LÆTIS, ET TIBI PLAUDIT AQUIS.

E

D2

An. 1702.

An. 1703.

Legendre mit enfuite la dernière main à la place royale. Il y avoit quelques vieilles maifons de bois qui la déparoient. Il engagea les propriétaires à les rebâtir en brique, au moyen de quelques fecours qu'il leur procura. Il rendit par là cette place une des plus belles qu'il y ait en province; non par l'étendue, mais par la régularité. De doubles portiques en forment l'enceinte; toutes les maifons font de brique peinte, d'une architecture uniforme, à pilaftres d'ordre dorique. Elle eft fituée prefqu'au milieu de la ville, & fert de débouché à huit rues parfaitement allignées.

A peine ces monumens étoient élevés que la guerre pour la fucceffion d'Efpagne fe déclara bientôt. Toutes les puiffances de l'Europe, jaloufes de la maifon de Bourbon, fe liguèrent contr'elle. La fortune fuivit conftamment les drapeaux français pendant les deux premières campagnes, & ne parut vouloir les abandonner qu'en 1704, époque affligeante où commencèrent les affreux revers qui remplirent d'amertume les dernières années du règne de Louis XIV.

Déjà Nefinond, Evêque de Montauban, avoit été transféré à l'Achevêché d'Albi, & François-Jofeph de Hauffonville de Vaubecourt, fecond fils de Nicolas, Comte de Vaubecourt, Baron d'Orne, & frère de Nectancourt de Hauffonville, Lieutenantgénéral des armées du Roi, fut nommé à fa place. La douceur, la bonté, & la bienfaisance montèrent avec lui fur le fiége épifcopal; & ces heureuses

qualités ne contribuèrent pas peu à déterminer la conduite louable que tinrent alors les Querci

nois.

La révolte des Proteftans des Cevennes venoit d'éclater. Les habitans de ce pays qui confervoient l'apreté des lieux qu'ils habitoient confervoient auffi leur ancien fanatifme. Les lumières qui en diffipent le preftige, les charmes de la fociété qui en dévoilent les noirceurs, n'avoient point encore pénétré les monts fauvages où étoient renfermés ces peuples ftupides & groffiers. Ceux qui fomentoient la fédition & cherchoient à l'étendre au loin, envoyèrent des Emiffaires dans les différentes provinces du royaume pour les foulever. Ils fe flattoient d'engager furtout dans leur facrilège révolte les Montalbanois, dont le nom dans leur parti étoit le cri de l'honneur & des fuccès. Un de ces Emiffaires fe rend à Montauban, demande une entrevue fecrète aux Proteftans, & leur tient ce langage forcéné:

« Généreux Montalbanois, l'honneur de notre » parti, notre foutien & notre gloire, la religion >> réclame en ce jour votre appui. Déjà le Calvi»nisme triomphant en France, étonnoit l'univers » de fes rapides progrès; déjà affis fur le trône de >> nos Rois, il contemploit avec dédain fa rivale humi» liée, confondue; déjà les Catholiques en foule, >> leurs Prêtres même, abjuroient une religion fu>> perftitieuse, & rendoient hommage à la pureté » de notre culte, déjà fur les débris de leurs temples proftitués à l'idolâtrie, s'élevoient de toutes

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