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CHAPITRE XXIII.

Hiftoire de l'Ordre Militaire de la BANDE ou de L'ECHARPE

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Lphonfe XI. Roy de Leon & de Caftille ne fut pas

moins héritier des Etats de fes ancêtres, que de leurs vertus & de leur zéle pour la Religion. Ce Prince qui voulut donner aux grands Seigneurs de fon Royau me & à fa Nobleffe, des marques de fa magnificence, en mêmetems qu'il travailloit au bien de

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l'Eglife, inftitua en la ville de Pa. lence, l'Ordre de la Bande ou de l'Echarpe, en 1330. d'autres veulent qu'il l'eût inftitué dès l'an 1318. Mais ces Auteurs n'ont pas fait réflexion qu'alors Alphonfe n'avoit guéres que fept ans, puifqu'il parvint à la Couronne l'an 1312. n'ayant qu'un peu plus d'un an. Les Chevaliers portoient un Ruban de foye rouge, large de quatre doigts en forme d'Echarpe, prenant de l'épaule gauche au-deffus du bras droit.

Le premier Chapitre que ce Prince tint de cer Ordre, fut en la ville de Burgos, où il fit vingt Chevaliers; & il n'y avoit que les Cadets des plus Nobles & des plus illuftres Familles d'Espagne, qui y fuffent reçûs, après avoir fuivi dix ans la Cour, ou com. battu trois fois contre les Maures. Cet Ordre fut d'abord en grande vogue, & Alphonfe fe fit un plaifir d'élever aux Charges les plus confidérables de fon Etat ceux qui

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étoient honorez de cet Ordre, dont il reçût de grands fervices dans les Guerres qu'il lui fallut foûtenir contre les Maures de Grenade & d'Afrique, & fur lef quels il remporta de grands avantages, comme nous allons le raconter en peu de mots. Le Roy de Grenade, qu'Alphonfe avoit battu en diverfes rencontres & fur lequel il avoit pris plufieurs Villes, s'étant ligué avec celui de Feez, ce dernier envoya fon fils Abdulmalic en Espagne, lequel ayant été tué dans une déroute, pourfuivi qu'il fut par la Noblef le, le Pere en conçût tant de rage contre les Chrétiens, qu'il ju. ra de s'en venger cruellement. Il d'abord deux cens foixante & dix Navires pour garder le détroit ; & on vit paffer durant quatre mois des gens de tout fexe & de tout âge; deforte qu'on comptoit plus de foixante & dix mille Chevaux, & plus de quatre cens mille hommes de pied.

envoya

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Le Roy qui paffa le dernier avec fa Cour, affiegea Tarife défenduë par le Comte de Bennavides. Cependant Alphonfe & le Roy de Portugal, qui étoit accouru à fon fecours dans ce preffant befoin, vinrent attaquer les Maures avec tant de bonheur, que tous les Hiftoriens tombent d'accord qu'il y en mourut deux cens mille; jufques-là que les Chemins étoient tous couverts de morts à plus de trois fieuës à la ronde. On y fit grand nombre de prifonniers confidérables; & le butin y fut fi grand, que le prix de l'or en baif fa de la fixième partie. On ne peut pas douter que nos Cheva liers ne s'aquittaffent parfaite. ment de leur devoir en cette Bataille, qui fut donnée le 30. d'O&tobre de l'an 1340. Ces Chevaliers n'étoient aftraints à aucune Régle, ni ne faifoient aucun Vou, le Roy éxigeant seulement d'eux le Serment de fidelité. Cet Ordre dans la fuite des tems a été aboli,

& la feule memoire qui nous en reste, se voit dans les Armes de quelques Maifons de Nobleffe d'Espagne, dont les unes font chargées de Bandes de gueules, & les autres de Sinople. * Voyez Mariana, Hift. lib. 15. & 16. Villiani, lib. 2. Favin, Théatre d'honneur & de Chevalerie, &e.

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