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l'avoir: Pour peu que l'on reffente de defirs du bien, l'on fe confirme dans cette penfée. Qui voit pourtant le fond de fon cœur Saint Paul ne découvrit pas le fond du fien Parmi tant de tenebres, de mouvemens, de paffions & de fautes qui aveuglent, Quel jugement certain porterons-nous ? Nous avons donc toûjours lieu de craindre, & une telle crainte ne peut être qu'utile.

Il y a de certains états de confcience aufquels cette fraïeur religieufe eft encore plus neceffaire. On y voit des veftiges de repentir & de paffions tout ensemble; on ne fait ce qui y domine. Il s'en trouve mê

me,

qu'on pourroit raisonnablement croire n'avoir aucune douleur; car quel moïen de fe perfuader, qu'avec la diftraction de leurs prieres, l'ennui dans les lectures, le dégoût pour les exercices de pieté, la pareffe à l'égard des bonnes-auvres, leur cœur foit poffedé de l'amour de Dieu ? Enfin la charité eft une affection de l'ame, qui la touche, la remuë & l'occupe. Ce qui a fait dire à faint Paul; Que toutes les perfonnes qui font à Dieu, font poußées par fon efprit. Nous fentons bien les impreffions de l'amour du monde, pourquoi ne fentirons-nous pas celles de Dieu ? Les Saints les ont bien

fenties. Saint Paul difoit, que la charité le preffoit; faint Auguftin l'a appellée Un poids qui l'entraînoit; l'Ecriture la nomme Un feu. Comment ne s'appercevoir pas de ce qui eft fi fenfible? Je fai bien, que ce qui paffe pour être mouvement de charité, ne l'eft pas, mais je n'ila charité n'eft pas gnore pas auffi que froide; qu'elle n'eft pas infenfible. On peut dire que tous les mouvemens qu'on en reffent, ne font pas cette charité, mais ce qu'on ne reffent pas du tout, l'eft en

core moins.

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Plus la Contrition eft neceffaire, plus il eft important de la bien connoître. Or quand les Theologiens en parlent, ils difent qu'elle doit êtte univerfelle; c'est à dire embraffer tous les pechez; en forte qu'il n'y en ait aucun, dont on ne conçoive une fincere douleur; car s'il y avoit un feul peché mortel, dont une ame n'eût pas de repentir, elle n'obtiendroit la remiffion' d'aucun. Saint Jacques le fait entendre par ces paroles: Celui qui peche en une feule chofe, eft coupable de toutes les autres. Ce qui eft aifé à concevoir, puifque l'ame, tant qu'elle demeure attachée à quelque chofe plus qu'à Dicu, n'eft pas convertie; elle eft injus te, elle eft déreglée: Dieu eft au deffus

de toutes chofes, & il eft le moins aimé : On lui fait cette injure, que de lui préferer fa creature. Peut-il donc recevoir en fa grace une ame qui ne lui rend pas la juftice de l'aimer plus que tout le refte? Si le bon ordre, felon faint Auguftin veut que les moindres chofes n'aient place dans nôtre eft me, qu'aprés les grandes, combien fe trouve-t'il de defordres à placer la creature avant Dieu ?

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Il nous a ordonné la pratique de diverfes vertus, & défendu plufieurs fortes de pechez; l'Eglife nous a fait des Ordonnances, nous ferons fideles à l'exercice de plufieurs de ces vertus, nous fuïrons le plus grand nombre de ces vices; nous obeirons en beaucoup de chofes à l'Eglise ; cependant il reftera en nous, ou un amour défordonné & infini de nous-mêmêmes, ou une envie maligne & inveterée, ou une attache extrême aux biens du monde, ou un orgücil & une présomption qui fe manifeftent en toutes rencontres. C'en eft affez pour n'être pas en grace, fi l'une feulement de ces paffions & de ces pechez capitaux domine dans nôtre cœur: Ainfi une feule mauvaife habitude, quoique mêlée de plufieurs bonnes, un fel peché mortel quoi qu'accompagné de pufieurs vertus, eft un obstacle à la grace du Jubilé.

Outre que la Contrition doit être univerfelle, il eft neceffaire qu'elle foit fouveraine; ce qui veut dire que nulle douleur ne doit être pareille à celle d'avoir offenfé Dieu: La perte de fa grace eft la plus grande de toutes les

pertes, le- regret en doit être infini, il faut en concevoir un repentir plus grand que de toutes les autres pertes: Que pourra donner l'homme en échange de fon ame? De quoi lui fervira de gagner tout le monde en fe perdant ?

Il vaudroit mieux avoir été humilié & mocqué de tout le monde, avoir encouru la difgrace de tous les hommes, être tombé dans les plus grandes infirmitez, avoir été condamné à la mort même, que d'être tombé dans le crime. Telle eft cette fouveraine douleur, qu'on doit avoir du peché; telle eft la difpofition, fans laquelle perfonne n'obtiendra l'effet du Jubilé.

Il n'en eft pas de même des pechez veniels; une ame qui n'en a que de cette forte, eft dans la grace. C'eft ce qui doit confoler les ames foibles; leurs infirmitez ordinaires n'empêcheront pas, que le Jubilé n'ait en elles fon effet; voici comment elles le doivent entendre. Quoique tous ceux qui font en grace, reçoivent, par le Jubilé, la remiffion des peines qui

étoient dûës à leurs pechez, ils ne la reçoivent pas à l'égard de tous les pechez veniels, mais feulement de ceux defquels ils font contrits.

C'eft une verité conftante, que Dieu ne remet la peine du peché, qu'aprés avoir remis la coulpe. Vous n'avez pas de douleur du peché quoique veniel; il ne vous eft donc point, pardonné; la tache en demeure dans le cœur ; puifqu'on ne detefte pas cette injure faite à Dieu, la peine qu'il merite, n'eft donc pas auffi remife.

Ainfi l'Indulgence eft pleniere, autant que la douleur eft generale; ainfi les uns participent plus abondamment que les autres à la grace du Jubilé. C'est ce qui doit animer; Il faut mettre tout en œuvre, jeûnes,ftations, prieres, aumônes, pour obtenir cette pleniere & parfaite Contrition: il faut que nous élevions fouvent nôtre cœur à Dieu, afin qu'il le touche & le brife de douleur; Que nous demandions chaque jour mifericorde par le Sang de JESUS-CHRIST, quand le Sacrifice eft offert; Que nous gemiffions devant celui qui voit le fonds des cœurs, en examinant le nôtre, & furtout que nôtre douleur foit amere, quand nous approchons du Sacrement de la penitence, y

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