CHAPITRE XXII. Des jeûnes ordonnez par la Bulle. Le 'EGLISE a toûjours regardé le jeûne comme l'exercice le plus naturel de la penitence; car il eft jufte que le pecheur venge fur la propre chair le plaifir qu'il a cherché dans le peché. Ce qui a fait dire à faint Bafile & à faint Auguf tin, que fans le jeûne la penitence eft fans force. Ainfi il ne faut pas s'étonner fi tant de Canons ont ordonné de fi longs jeûnes aux penitens. Quand les exercices publics & humilians qui leur étoient ordonnez, ont ceffé, les jeûnes font demeurez comme l'une des fatisfactions, que l'Eglife leur jugeoit plus neceffaires. On a obfervé, jufques au troifiéme Siècle, cette pratique On y voïoit encore diverfes années de penitence impofées aux pecheurs: Ils étoient obligez de jeûner une grande partie au pain & à l'eau, favoir trois quarantaines, outre les Lundis, les Mercredis & les Samedis de chaque année; mais le rachat qui en fut permis, les diminua de jour en jour, les e. Laps. ככי Confeffeurs infiftant neanmoins toûjours à en faire embraffer la pratique aux pení tens. L'Eglife inftruite par cette parole du Prophete Joël: Convertißez-vous dans les jeunes, propofoit fans ceffe l'exemple des Ninivites, qui firent jeûner jufqu'aux enfans. S. Cyprien leur difoit qu'il faloit,outre la priere, appaifer Dieu par une fatisfaction longue & penible: Dominus orandus est, Dominus longâ & continua Auliv fatisfactione placandus. Il faut, dit-il, coudes cher fur la dure, fe couvrir d'un cilice, & »embraffer tout ce qui peut affliger la chair: » Ne ceffons pas même de faire cette peni»tence pour les pechez qui ne font pas les » plus énormes ; car peut-on croire que ce» lui qui eft dans les divertiffemens & la » bonne-chere, s'efforce à fortir de fon peché? Il doit le purifier par fes jeûnes, & Feffacer par fes larmes. Les habits pré» cieux & la joïe ne conviennent pas » celui qui a perdu le vêtement de l'inno כג »cence. Que fi l'Eglife n'impofe dans le Jubilé que quelques jeûnes, elle fuppofe que ces jeûnes, qui de foi paroiffent peu de chofe, fe feront avec une charité & une ferveur qui en releve le merite; Elle fuppofe que les Confeffeurs. les Confefleurs y fuppléeront par les penitences falutaires, que les Papes en leurs Bulles enjoignent d'impofer pour les crimes & les délits. C'eft pourquoi quand les Heretiques ont reproché à l'Eglife, que par les Indulgences, elle difpenfoit de faire penitence, elle leur a répondu qu'en les accordant, elle n'empêchoit pas non feulement que l'on fift penitence, mais qu'elle y exhortoit : C'est ce que les Cardinaux Bellarmin & Cajetan ont declaré & prouvé dans leurs reponfes. Les jeunes comprennent toutes les mortifications du corps, l'application aux objets humilians, l'abftinence des plaifirs licites, coucher durement, fe nourrir des viandes communes, tremper fon vin, ou même s'en priver, faire à pié les Stations, fe retirer des compagnies. C'eft ainfi qu'on honore le faint tems du Jubilé, & qu'on s'en procure la grace. Eccle, 3. Des Aumônes pendant le Fubilé. Lles font neceffaires, en difant, qu'ain- fi que l'eau éteint le feu, lorsqu'il eft le plus ardent, de même l'Aumône expie le peché. Certainement c'eft un feu que la cupidité & un feu tres-allumé. Quel bonheur de pouvoir par l'Aumône éteindre & moderer ce feu, de telle forte que l'Aumône ferve non-feulement à remettre la peine, mais auffi la coulpe du peché ! Car, comme faint Paul a dit que l'avarice eft la racine de tous les maux, qu'elle eft une espece d'idolatrie; & que ceux qui veulent devenir riches, tombent dans une infinité de defirs inutiles & pernicieux, eft fans doute que par l'aumône l'on coupe la racine du peché. Ce qui faifoit dire à Tob. 4. Tobie: Que l'Aumône delivre du peché; Luc. 11. & à JESUS-CHRIST: Donnez l'Aumône, & toutes chofes vous feront pures. il En effet Dieu agit avec nous comme un chacun de nous agit avec fon frere: Ufonsnous de mifericorde envers lui; Dieu nous traite avec mifericorde, il recompenfe nôtre charité par fa grace, felon la jufte efperance qu'en a donné cet Oracle de la verité: Qu'heureux font ceux qui exercent la mifericorde, parce qu'ils trouveront eux-mêmes mifericorde. Un autre Oracle dit: Cachez vôtre aumône dans le fein du pauvre, & elle priera pour vous. Daniel ne trouva pas d'autre moïen pour C. 44 délivrer un Roi impie; Rachettez, lui ordonna-t'il, vos pechez par l'aumône: Et faint Jerôme a crû qu'en effet Nabucodonofor aïant fuivi le confeil de ce Prophete, Dieu differa d'un an, le châtiment dont il l'avoit menacé, & qu'enfuite il le rétablit fur le Trône. Penfez-vous, difoit faint Cyprien, que vous puiffiez fortir de vos pechez, fi vous ne foulagez pas les pauvres dans leur neceffité ? Il parloit aux penitens. Il y eut du tems de faint Auguftin, des Chrétiens qui eftimerent que par la liberalité envers les pauvres leurs pechez feroient pardonnez, fans les quitter neanmoins. Mais fi l'aumône délivre du peché & de la mort; fi Dieu fe plaît à la recevoir, c'est, difoit faint Auguftin, lorfqu'on fe donne à Dieu en même tems,qu'on detefte le peché, & qu'on lui offre un cœur contrit. Ne chercher dans l'aumône que l'impuni |