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Beze,

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avons déja parlé, apprit de cet Allemand Lutherien du Grec & du Latin & quelques autres connoiflances; mais que ce qu'il y a de beaucoup plus important felon eux, c'eft qu'il fut foigneufement imbu par Vvolmar de toutes les maximes de la nouvelle Reforme & élevé jufqu'à l'âge de douze ans, le defir de quitter la Religion Romaine, & dans cette averfion pour l'Eglife Catholique qui la luy fit enfin abandonner comme nous l'affurent ces mêmes Auteurs (10). De forte que fon efprit s'étant revolté contre l'Eglife de Dieu, dés l'âge de douze ans, fa chair s'est revoltée contre fon efprit dés que la malice s'eft trouvée appuyée de l'âge, étant certain, fuivant les maximes du Chriftianifme, que l'orgueil de l'efprit eft ordinairement puni par l'orgueil de

la chair.

M. Jurieu fe méfiant du fondement dans lequel il a voulu rejetter fur l'E glife Catholique, les obfcenitez des Vers de Beze, a pris enfuite le parti de les excufer en galant homme. He bien, dit-il, Beze a fait des Vers de galanterie; c'eft une tentation à laquelle rn bet efprit né Poëte, & qui a une belle connoiffance de la Poësie Latine a bien

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de la peine à refifter. Mais puifque fes Beze. Poëfies galantes ont été compefces en Latin, c'est une preuve évidente qu'elles ne partoient pas de l'impureté de fon cœur. Quand on veut fe fervir de la Poëfie pour gâter l'efprit & le cœur des femmes que Ton veut feduire, on n'écrit guéres en une Langue qui n'eft entenduë que des Sçavans. Beze, comme les autres jeunes hommes verfez dans les Poëtes Latins, étoit idclâtre de fon Catulle & de fon Horace: tout rempli de leurs idées, il n'a pû s'empêcher de les mettre fur le papier.

Mais fi l'on veut s'en tenir à l'efprit de l'Evangile, il eft tres-difficile de juftifier ou même d'excufer Beze, à moins que de dire qu'il n'entendoit pas le Latin, & qu'en faifant des Vers en cette langue, il parloit innocemment, fans fçavoir ce qu'il difoit ou ce qu'il écrivoit. Car fi c'eft avec connoillance que fes penfécs luy font échappées, il ne nous eft pas permis de nier qu'elles n'ayent forïlé le cœur & l'e'prit d'où elles font forties. D'ailleurs il n'eft pas neceffaire que Beze ait voulu corrompre des femmes, qui n'entendent pas le Latin, pour devenir pernicieux. C'eft aflez que fes Vers puiffent infecter ceux qui les lifent & qui les entendent. Ec

Beze.

quoique dans tout ce raifonnement je ne fonge qu'à parler pour la confervation de l'innocence, & de la pureté des mœurs dans les jeunes gens qui ont de l'étude, & qui peuvent eftre du nombre des Lecteurs de Beze; je ne laiffe pas de me perfuader que tant qu'il y aura des Abailards dans le monde, il pourra s'y trouver aufli des He loïles.

Les autres Proteftans ont crû que l'unique moien de fauver l'honneur de Beze, étoit de donner à ces Poëfics le titre de Juvenilia & de traveftir leur Auteur, en faifant paffer fon nom du Grec en Latin, & en renverfant fon furnom par une espece d'Anagramme ou de Metath fe; comme nous le verrons au titre d'Adeodatus Seba parmy les Auteurs déguifez.

Mais il faut avoir bien envie de medire des Catholiques, comme font M. Adam & A. Faye (11) pour les accufer d'avoir voulu découvrir la turpitude de Beze, malgré les Proteftans qui ont tâché de plus en plus de la couvrir, & d'avoir fait faire les éditions de ces Vers, à mesure que Beze & ceux de fa Communion travailloient à leur fuppreffion. Car cnfin qui eft-ce qui a

donné le jour à toutes ces Poëfies, fi Beze. ce n'eft Junus Gruterus, Henry Etienne, George Sigifmond de Zaftrifell, qui tous ont été Protitans? Et ne

lifons-nous pas que Beze donna luymême à fes amis de la meilleure grace du monde, tous fes Vers pour les faire imprimer avec les plus beaux caracteres que l'on pût trouver chez les Eftiennes? Et que Beze devoit être alors un vieillard confommé en fageffe, puifqu'il avoit 78 ans accomplis, lorfque fe fit cette édition volontaire en fa prefence, l'an 1597 (12)?

Mais il faut rendre à Beze toute la juft ce qui luy eft due, & reconnoître qu'il y a auffi parmy fes Poëfies Latines des Pieces fort fericufes & fort fages, entre lefquelles il faut conter fon Caton le Cenfeur. Sa verfion ou Paraphrafe fur le Cantique des Cantiques à été cenfurée par divers Catholiques, mais enfin Genebrard qui avoit été un des plus éclairez & des plus zelez fur ce point, a reconnu dans la fuite qu'on pouvoit relâcher à Beze certaines libertez que la Poëfie prétend avoir fur la Traduction. Il avoit quatre-vingts deux ans quand il ceffa de faire des Vers Latins & fa derniere piece eft le

Beze.

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Poëme qu'il fit à l'honneur du Roy
Henry IV.

Ses Poëfies Françoifes ont eu auffi affez de cours dans le Royaume. Eftienne Pafquier dit (13) que la Tragicomedic du Sacrifice d'Abraham eit une réprésentation fi vive, qu'en la lifant même fur le papier, il ne put retenir fes larmes, quoique la picce ne fût animée ni du geite, ni du ton des Acteurs. Cet Ouvrage a été imprimé plufieurs fois, & il a été mis en Latin par deux perfonnes differentes, fçavoir Jean Jacomotius & Jacques Bruno.

Ce fut à la follicitation de Calvin qu'il acheva les Pfeaumes de Marot en Vers. Pafquier reconnoît qu'il y a de la difference entre ces deux Auteurs, &

que

Beze eft fort inferieur à Mcrot pour le tour, la fidelité, & l'expreffion du fens de l'Ecriture. Cependant cet Ouvrage s'eft imprimé fort fouvent en France avec l autorité du Magiftrat & le Privilege de nos Roys.

1 Franc. de la Croix du Maine dans fa Biblio-
theque Françoife & Paul. Colomiez dans fa
Biblioth. choifie vers la fin pag. 206

2 Eftienne Palquier dans fes Recherches fur
la France, livre 7. chap. 11. pag. 649.
3 Anonym. Auct, in Delect. Epigrammat.

Lat.

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