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40, de Caius 34.

mencement de Tibere. On le detourna avec peine d'un fi hor-
rible deffein. Mais il continua, quoy qu'on luy puft dire, à vou-.
loir au moins les decimer. Il les fit donc affembler fans armes
& mefme fans épées, pour recevoir fes commandemens: & pen-
dantqu'il leur parloit,la cavalerie les environnoit par fon ordre.
Mais ils fe douterent de la chofe, & la plufpart commencerent
à s'ecouler pour aller prendre leurs armes, & fe mettre en état
de fe défendre en cas qu'on leur vouluft faire violence. Des que
Caius s'en apperceut, il quitta l'assemblée comme en fuyant, &
se hafta de gagner Rome pour y decharger fa colere contre le
Senat, qu'il difoit luy avoir fait une grande injure, de ne luy
avoir pas decerné l'honneur du triomphe.

66€.

484.

'Le Senat n'avoit garde de le faire, fi Caius luy avoit défendu P.484.
de luy decerner aucun honneur, comme le dit Suetone; '& il fe Dio. p. 69.
trouvoit étrangement embaraffé fur fa pretendue victoired'An-
gleterre. C'eftoit fe moquer de luy que de luy en faire des com-
plimens; & d'autre part on difoit qu'il en parloit ferieusement
comme d'une grande action. [On ne fçait point quel parti prit
le Senat:] 'L'histoire marque feulement qu'il envoya des depu Suet. c. 49. p.
tez à Caius, pour le prier de fe hafter de revenir. Les deputez le
rencontrerent qui revenoit déja, aprés la peur que luy avoient
fait fes foldats. Ainfi comme il eftoit alors en fa mauvaise hu-
» meur, il les receut fort mal: Oui, oui, j'iray à Rome, leur dit-il;&
» celui-ci,frapant fur le pommeau de fon épée,y viendra auffi avec
» moy.Il fit mesme afficher [dans Romej qu'il revenoit, mais feu-
lement pour ceux qui defiroient fon retour, pour les Chevaliers
& pour le peuple: mais que le Senat ne l'auroit plus jamais pour
citoyen ni pour prince.

[Quand il approcha de Rome, ] 'il ne fouffrit point qu'aucun P.484.
Senateur se presentaft devant luy. Il ne voulut pas neanmoins
entrer en triomphe, ou le differa à un autre temps, & se con-
tenta de l'Ovation. Il fit fon entrée de cette forte le [31 d'aoust]
jour de fa naissance, quatre mois [& quelques jours] avant fa
mort. 'Il s'en falut peu qu'il n'exterminast alors tout le Senat, Dio. p. 66o. a.
parcequ'on ne luy avoit decerné que des honneurs humains,
Mais pour le peuple,l'ayant fait affembler,il luy jetta beaucoup
d'or & d'argent durant plufieurs jours du haut de la bafilique
Julienne. Diverses perfonnes furent tuées en le voulant rece-
voir, [foit à caufe de la foule, foit] parcequ'il y avoit meflé, à ce
qu'on difoit, de petits couteaux.

a. b/Suet. c. 37. p. 470 Jof, ant.

g

19. c.1.p. 657..

'Il fit alors executer un Caffius Betilinus; & voulut que Capi Dio, p. 660. b.

Suet. c. 27. p.

459.

■ Dio, p.660.b.

Suet c. 49. p.
484, Phil. lcg.

P. IC07. a.
Suct. p. 484.

de

• 324..

ton fon pere, qui n'eftoit ni coupable, ni mefme accufé de rien
fuft present à fon fupplice. 'Cette inhumanité n'eftoit pas extra-
ordinaire à Caius. Mais ce miferable pere ayant demandé s'il ne
luy feroit pas au moins permis de fermer les yeux, il commanda
qu'on l'egorgeaft avec fon fils.

'Dans les quatre mois qu'il vécut depuis, il fit beaucoup de cruautez contre le Senat, & en euft peuteftre fait encore davantage s'il fuft mort pluftard. 'Aprés qu'il euft efté tué, l'on trouva dans fon cabinet deux petits livres, intitulez, l'un l'Epée, l'autre le Poignard, où il écrivoit les noms de ceux qu'il vouloit faire Dio, p. 660. b. mourir. 'Ils eftoient portez ordinairement par un Protogene, le miniftre de fes plus horribles cruautez. 'On y trouva auffi une grande caffette pleine de diverfes fortes de poifons: &. Claude Tayant fait jetter dans la mer, on dit que beaucoup de poissons

Suet. c. 49. P.

485.

P. 484.

c. 8. p. 428.

Phil.leg. p. 1039. a.

Suet. c. 28. p.

460.

en moururent.

'On pretend que fon deffein eftoit d'ofter la vie à tous les plus confiderables d'entre les Senateurs & les Chevaliers, & enfuite de fe retirer à Antium, & de là à Alexandrie. 'Car il aimoit le fejour d'Antium, jufqu'à y vouloir, disoit-on, transferer le siege l'Empire,parcequ'il s'ennuyoit de Rome: '& il avoit aussi une grande paffion d'aller à Alexandrie, & d'y paffer un temps confiderable, parcequ'il s'imaginoit devoir principalement à cette ville l'origine & l'établissement de fa pretendue divinité.

de

[Il fe reconcilia neanmoins un peu avec le Senat, lorfqu'il Dio, p. 660. c vit qu'il tafchoit de fatisfaire fa cruauté.]'Car ce Protogenedont nous venons de parler, eftant un jour entré au Senat, comme pour quelque autre affaire, & tout le monde fe preffant pour le faluer comme un favori de la fortune, il regarda d'un œil aigre & fier un Scribonius Proculus qui eftoit parmi les autres, & luy dit: Quoy? vous venez auffi me faluer, vous qui eftes ennemi de l'Empereur? Il n'en falut pas davantage. Les autres Senateurs, entre lefquels il y en avoit [peuteftre] qui avoient l'ordre de Caius, fe jettent auffitoft fur Proculus, crient que c'eft un ennemi public,le percent de leurs stylets, & le laiffent mettre en pieces par le peuple, qui traina tous fes membres par les rues ala vue mefme de l'Empereur. Caius qui avoit fouhaité cette cruauDio, p. 660. c. té, 'en fut tellement fatisfait, qu'il declara par un edit public qu'il fe reconcilioit avec le Senat.

.c. d.

[Auffi pour reconnoiftre cette grace,] 'les Senateurs l'appelloient tantoft un heros,& tantoft un dieu. Et leurs flateries ache3661. el val. verent de perdre le peu de jugement qui luy reftoit. 'Car ce fut

P.659.670.

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40,de Caius

34.

depuis ce temps là, qu'il voulut plus que jamais paffer pour dieu,
[& faire venir à Rome, comme nous avons dit, la ftatue de Ju-
piter qui eftoit à Olympe dans le Peloponefe.

Mais Dieu pour confondre fa vanité, luy fit voir par un acci-
dent affez extraordinaire, combien toute la puiffance des hom-

mes eft peu de chofe.] 'Car la derniere fois qu'il fortit de Rome, Plin.l 31.c. 1. p.
comme il revenoit par mer d'Aftura à Antium, dans une galere 766.d.
à cinq rangs de rames, accompagné de divers autres vaiffeaux,
fa galere feule s'arrefta, fans que quatre-cents rameurs qui y
eftoient la puffent faire avancer. On fut fort furpris de cet acci-
dent. Et diverses perfonnes s'eftant jettées dans la mer pour
vifiter le vaiffeau, & voir ce qui le pouvoit arrefter, on trouva
un poiffon d'environ un demi-pié,& qui reffembloit à une grof-
fe limace, attaché fous le gouvernail. C'est celui auquel les
Grecs ont donné pour ce fujet le nom d'Echeneis, & les Latins
celui de Remora, c'est à dire Arreste. On le tira de là, & on l'ap-
porta à Caius, qui [au lieu de s'humilier fous la puiffance du
maiftre du monde, ] ne put voir fans indignation qu'un fi petit
animal euft eu la force de l'arrester.

*****

ARTICLE XX.

Diverses particularitez de la vie de Caius, qui n'ont point d'année.

'HISTOIRE nous apprend encore diverfes chofes de ce

Lprince, que nous n'avons pu reduire dans l'ordre du temps,

pou

& qui meritent bien neanmoins d'eftre remarquées. Nous
vons les ramaffer ici fans ordre, en omettant feulement celles
que rapporte Suetone, parceque chacun les peut trouver aifé-
ment dans cet auteur.]

'Dion qui fait un affez long difcours fur la vie deCaius en gene- Dio, 1.59. p.
ral, y remarque particulierement cette humeur inconftante&bi- 641.643.
zarre, qui le faifoit paffer d'une extremité àl'autre prefqueentou-

» tes chofes, ce qu'il finit par ces mots : 'Il fe plaifoit tantoft à voir p. 643. a, b, beaucoup de monde, & tantoft à eftre feul. It fe fafchoit quand

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» on luy demandoit quelque chofe,& quand on ne luy demandoit » rien. Il eftoit tres promt dans quelques affaires, & tres lent dans d'autres. Ildepenfoit avec une prodigalité fans bornes, & amas» foit avec l'avarice la plus fordide. Il recevoit tantoft bien, tan» tost mal & la liberté & les flateries. Il pardonnoit souvent à » ceux qui avoient fait les plus grandes fautes, & faifoit [ encore

Philo, leg. p. 1039. b.

d.

Sen. de ben. 1. 2.c.12.p.12.a.bl n.p.18.

plus] fouvent mourir ceux qui n'en avoient fait aucune. De « fes favoris il combloit les uns de graces & de careffes ; & traitoit « les autres avec le dernier mepris: en forte que perfonne ne fa. « voit ce qu'il falloit ni faire ni dire pour luy plaire; & s'il y en « avoit qui se maintinffent dans fes bonnes graces, c'eftoit plus par hazard que par adreffe.

ment pour

[Quelque bonne volonté qu'il témoignaft,]'jamais personne ne pouvoit s'y affurer: & quand il avoit fait quelque grace, il s'en repentoit bientoft, & fembloit chercher des adrefles non feule. ofter ce qu'il avoit donné, mais pour le faire payer avec ufure par de plus grands maux. Ainfi il delivroit quelquefois des perfonnes de prifon, & puis les y faifoit remettre fans aucun fujet,ajoutant à leur premier malheur, de ne pouvoir plus efperer de mifericorde. 'On en a vu qu'il s'eftoit contenté de bannir lorfqu'ils attendoient la mort d'un juge fi deraisonnable & fi cruel: mais lorsqu'ils fe tenoient heureux dans leur exil croyant n'avoir plus rien à craindre,il les y envoyoit tuer. 'S'il faifoit une liberalité à quelqu'un, il se la faifoit rendre, non comme un argent prefté dont il luy falloit payer l'intereft, mais comme un vol qu'on luy avoit fait, & à caufe duquel il falloit perdre tout ce qu'on pouvoit avoir de bien. 'Pour ceux qui fembloient eftre le mieux auprés de luy, il les ruinoit agreablement fous pretexte de leur témoigner de l'amitié, en les engageant à le fuivre dans les voyages qu'il entreprenoit en un moment fans regle, fans raifon, & fur la premiere fantaisie qui luy venoit; ou à luy faire des feftins fi magnifiques, que pour un feul repas il falloit quelquefois engager tout fon bien & faire des dettes. Ainfi les plus fages apprehendoient fes faveurs, parce qu'elles n'eftoient pas feulement inutiles, mais perilleufes; & qu'on les pouvoit moins confiderer comme des graces, que comme des pieges dont il falloit fe garder.

'Il avoit donné la vie à Pompeius Pennus, fi c'est donner la vie que de ne la pas ofter. C'eftoit un Senateur deja fort agé, qui avoit paffé par les plus grandes dignitez. Cependant quand il vint le remercier,il luy donna[non fa main,]mais fon pié gauche à baifer. Ce prince né[pour humilier la fierté Romaine, Jou,comme dit Seneque, pour changer les mœurs d'une vie libre en l'esclavage des Perfes,ne crut pas que ce fuft affez de voir un homme de cette qualité profterné devant luy en presence des perfonnes les plus illuftres, comme un ennemi vaincu aux piez du victorietix; il voulut trouver une maniere encore plus hon

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teuse d'infulter à la liberté, & de fouler aux piez la Republique. Ceux qui le veulent excufer, ajoute Seneque en le raillant, difent qu'il ne le fit pas par infolence, mais pour montrer fes fouliers d'or plutoft que dorez, & enrichis de beaucoup de perles. 'Il avoit fait mettre en prifon le fils d'un illuftre Chevalier Ro- de ira, 1. 2. c. 35. main nommé Pafteur,parce qu'il eftoit trop propre,ditSeneque. P.299.a.b. Le pere luy vint demander la grace de fon fils: & auffitoft il envoya non le delivrer, mais le conduire à la mort. Mais pour confoler ce miferable pere, d'une maniere digne de luy, il le pria le jour mesme de venir manger à fa table. Pasteur n'ofa s'excufer parce qu'il avoit encore un fils. Il vint avec le mefme vifage que s'il n'euft eu aucune affliction. Caius qui avoit mis un homme heminam, auprés de luy pour l'obferver, luy fit porter de grands verres de vin,des parfums,&des couronnes:& Pasteur fut obligé d'effuyer tout cela, & de donner des marques de joie peu feantes à fon age mefme, dans le comble de la douleur, pour conferver fon fecond fils: car il ne put pas feulement obtenir de ramasser les

tus.

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os du premier. 'Suetone rapporte quelque chofe de femblable: Suet. 1. 4. c. 27.
mais il ajoute que le pere avoit efté obligé d'eftre prefent au sup. P.45s.
plice de fon fils. Et c'eftoit comme nous avons dit, une des

cruautez ordinaires de Caius. 'Il y eut beaucoup d'autres peres Sen. de ira, 1.3.
qu'il envoya tuer dans leurs maisons la nuit d'aprés qu'il avoit c.20.p.368.a.
fait executer leurs enfans.

351. b. c.

dis alterca 'Seneque raporte la mort philofophe d'un Canius Iülus, "qui ad Ser. c. 14. P. dans un long entretien qu'il eut avec Caius, luy parla avec une liberté entiere, & fans le flater. Enfin lorfqu'il s'en alla, Caius luy dit: Afin que vous ne vous trompiez pas par de fauffes efpe»rances, je vous avertis que j'ay donné ordre de vous mener à la » mort. C'estoit un ordre qu'on favoit bien qu'il ne revoquoit jamais. Et neanmoins Canius fans s'effrayer, luy répondit auffitoft: Je vous rends graces, "mon prince, de cette faveur. On ne fçait fi c'est qu'il regardoit effectivement la mort comme une grace, ou s'il vouloit montrer à Caius quel eftoit le veritable sentiment de tant de perfonnes qui luy faifoient de grands remerciemens [de ce qu'il leur laiffoit la vie,]aprés leur avoir ofté les biens, ou fait mourir leurs enfans.

optime » princeps.

'Seneque ajoute que comme on differoit alors de dix jours c.d. V. Tibere l'execution des condannez, ["fuivant l'ordonnance de Tibere,] Canius paffa ces dix jours fans témoigner la moindre inquietude."Le Centenier qui vint pour le mener au fupplice, le trouva Latrunculis. qui jouoit "aux échecs. Il confola fes amis qui pleuroient fa

§13.

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