HEREA eftoit donc refolu de hazarder l'entreprise: il en Jof. p. 654. d. avoit parlé à quelques perfonnes, & il n'attendoit plus qu'une occafion favorable pour le faire avec fuccés,'lorsqu'un g¡ 655. a. b. c. Senateur des plus qualifiez,nommé Popedius,fut accufé fauffement d'avoir mal parlé del'Empereur. L'accufateurprenoit pour témoin une comedienne nommée Quintilie, qui n'ayant point voulu depofer contre Popedius, Caius ordonna à Cherea de luy faire donner la queftion fur le champ. Cherea le fit avec bien du regret.[Car cette Quintilie favoit mefme la conjuration.Mais il fe raffura un peu fur cela, lorfqu'il fceut] qu'ayant rencontré quelqu'un des conjurez, elle luy avoit marché fur le pié pour luy dire qu'il n'y avoit rien à craindre, & qu'elle ne decouvriroit rien. En effet elle ne dit pas un feul mot, ni contre Popedius, ni de la conjuration, quoique Cherea luy fift donner une queftion firude, que Caius mefme à qui on l'amena enfuite, fut touché de compaffion en voyant l'état où on l'avoit mife: de forte qu'il luy fit donner de l'argent, & renvoya Popedius abfous. a A 'Cette action caufa une fenfible douleur à Cherea,parcequ'elle p. 655. c. le faifoit paffer pour cruel jufqu'à mettre des perfonnes en estat de faire compaffion à Caius mefme. Il s'en alla trouver Papinius & Clement, dont le premier avoit une charge semblable à la fienne,'& l'autre commandoit tous les gardes. Il leur demanda c Tac. hi.l.4. c. quel avantage ils efperoient d'un emploi auffi odieux qu'eftoit 68. p. 107. le leur, & où il falloit tourmenter & maffacrer tant de citoyens. Clement repondit par un filence & un vifage qui témoignoient qu'il avoit honte de fon emploi auffibien que luy,& que la feule crainte du danger l'empefchoit de fe plaindre. Ainfi Cherea reprenant fon difcours avec plus de hardieffe,leur fit une enumeration des maux que caufoit la tyrannie de Caius,& ajouta que c'eftoit & luy, & Papinius, & Clement encore plus qu'eux, qui eftoient coupables de tant de miferes, puifque pouvant les finir tout d'un coup, ils les entretenoient par la trop fidele obeïffan» ce qu'ils rendoient à des ordres si injuftes & fi honteux ; jusqu'à » ce qu'aprés en avoir fait perir tant d'autres, nous periffions, difoit-il, enfin nous mefmes, comme cela ne fauroit manquer » d'arriver fous un prince qui trouve fon divertiffement dans le fang des innocens. Z iij P. 655.656. 68. p. 107. Dio, l. 59. p. 662. d. P.493.494. 4. 'Clement ne fe put empefcher d'approuver la penfée de Che-4, de C rea: mais il l'avertit de prendre garde qu'en s'ouvrant trop fur une affaire de cette confequence, on ne vinft à la decouvrir; que peuteftre le temps leur donneroit ce qu'ils defiroient avec tant de fujet; & que pour luy il eftoit trop agé pour entreprendre une chofe de cette nature. Il s'en alla fur cela, laiffant Cherea dans la crainte qu'il ne decouvrift la conjuration. [ Et il paTac. hi. 1. 4. c. roift bien qu'il n'y prit pas de part,]'puifque Mucien donnant depuis la mefine charge qu'il poffedoit à Clement Arretin fon fils, difoit que fon peres'en eftoit fort bien acquité fous Caius.'Neanmoins Dion dit que Callifte [ l'affranchi de Caius, ] & le Prefet, Suct. 1. 4. c. 56. eftoient de la conjuration, '& Suetone pretend qu'elle ne s'executa point fans la participation des plus puiffans affranchis, & des Prefets du Pretoire, parcequ'ils voyoient bien que depuis Jof. p. 657 c. d. l'affaire [de Lepidus,] Caius les tenoit pour fufpects. Pour ce qui eft des affranchis, Jofeph affure auffi que Callifte l'un des plus confiderables d'entre eux, favorifa la conjuration, ne croyant pas pouvoir echaper autrement à la cruauté de Caius, à cause des richeffes exceffives qu'il s'eftoit acquifes par fes violences. 'Cherea d'autant plus preffé, felon Jofeph, d'executer son deffein, qu'il s'affuroit moins du fecours, & mefme du fecret de Clement, s'adreffa à Cornelius Sabinus, Tribun des gardes comme luy,qu'il favoit aimer la liberté, & eftre ennemi du vernement prefent. Sabin de fon costé avoit le mefme deffein,& ne cherchoit qu'un homme à qui il puft s'en ouvrir. Ainfi ils n'eurent pas de peine à lier enfemble la partie. c. P. €55. b. c. d1 653. £.. P. 656.c. adl 653.g. p. 653 f. g. p. 656. c. f. g 1657. a gou not. 6. 'Ils s'en allerent auffitoft trouver"Annius Minucianus [ou Vi- V. Claud nicianus,]'homme de la premiere qualité, & qui avoit fujet de craindre Caius tant par cette raifon generale à tous les grands, que parcequ'il luy eftoit fufpect depuis la mort de Lepidus, dont il avoit efté intime ami, '& il formoit de fon cofté une puiffante conjuration contre le tyran.'C'eftoit d'ailleurs un homme de cœur & de merite, eftimé de tout le monde. Cherea & luy fe connoiffoient & s'aimoient depuis longtems, & ils favoient tous deux l'averfion qu'ils avoient chacun de leur cofté pour l'état des chofes: mais la crainte les avoit empefchez de s'ouvrir davantage juíques alors. [Enfin Cherea crut devoir hazarder, & l'alla trouver comme nous avons dit, avec Sabin.] 'Aprés les premieres civilitez, Minucien demanda à Cherea, quel mot il avoit receu ce jour là. Cherea crut qu'il fe declaroit affez par cette demande, & fans differer davantage: Mais vous, « C.41, de Caius 4. luy dit-il, donnez moy pour mot, Liberté. Que je vous ay d'obli- par Ό ARTICLE XXIV. Les conjurez refolus de tuer Caius dans des jeux. N dit que Cherea entrant en ce temps là dans le Senat, Jos.p.657. b. [ fans doute pour y accompagner Caius,] il vint une voix comme de quelqu'un du peuple, qui l'exhortoit à faire fon devoir, & que Dieu eftoit pour luy. Il craignit d'abord que la confpiration ne fuft decouverte:mais il jugea depuis que c'eftoit quelqu'un des conjurez, ou un effet furnaturel de la providence divine. 'Le nombre des conjurez qui s'augmentoit tous les jours, a ne b.c. fit que reculer l'affaire, à caufe des precautions que quelques af.gl 658. uns vouloient qu'on gardaft. Car pour Cherea, toute occafion luy fembloit bonne. Il n'en demandoit point d'autre que lorfque Caius alloit au Capitole, & qu'il offroit des facrifices pour fille; ou lorsqu'il eftoit tout occupé à certains myfteres, accompagné de tres peu de monde. Il vouloit auffi le jetter du haut en bas de la bafilique [ Julienne,] lorfqu'il y montoit pour jetter de l'or & de l'argent au peuple, comme il fit à fon retour d'Allemagne. p. 657. g. 'Enfin neanmoins on arrefta que ce feroit dans les jeux qu'il p. 658.b 1659. devoit donner dans fon palais en l'honneur d'Augufte[le 21ojour de janvier, & les trois fuivans, J'aprés quoy il devoit partir. pour p. 658. c. aller à Alexandrie. [ Je ne fçay fi c'est à ces derniers jeux qu'il faut raporter ce que ditSeneque, l'que Caius fe mit en colere con- Sen.de ira.I.I. tre le ciel,parceque le tonnerre l'empefchoit d'entendre fes far. c. 16. p, 287. a. ceurs, & que fon feftin eftoit troublé par des foudres qui eussent dû tomber fur fa tefte, [ fi les pensées de Dieu euffent efté telles que celles des hommes. ] De forte qu'il s'écria, comme s'il eust » voulu défier Jupiter au combat: Tue moy, ou je te tue : ce qui Jof, ant. 1. 19.c. g. Dio, 1.59. P. 663. a. donna peuteftre,ditŞeheque,un nouveau courage aux conjurez. 'Ils laifferent neanmoins paffer les trois premiers jours des jeux fans rien entreprendre. Mais enfin Cherea les ayant assemblez pour les encourager, & leur representer le danger où le dedai les mettoit,'on refolut que fans differer,on executeroit la chofe le quatrieme, auquel il fe rencontroit que c'eftoit à Cherea à demander le mot, ce qui l'obligeoit d'eftre dans le palais avec l'épée. Ce jour là mefme,[qui eftoit le 25 de janvier, ] on prefenta à Caius un Egyptien nommé Apollone, qu'on luy avoit envoyé d'Egypte, parce qu'il avoit predit fa mort. Caius le renvoya[en prifon pour le punir dans peu de jours. Mais il n'en cut pas Suet. 1.4 c.57. Îoifir, & aprés fa mort l'Egyptien fut mis en liberté. 'On remarque divers autres prefages que Caius eut de fa mort,tant le jour mefme qu'elle arriva, ou la nuit precedente, que quelque temps P. 495.496. a. p. 658. b. P. 659. b. auparavant. le Jof. p.659.a. b. 'Il fut ce jour là plus gay & de meilleure humeur qu'à l'or dinaire, fi civil & fi affable que tout le monde s'en étonnoit.'Il entra le matin à l'amphiteatre que l'on avoit fait exprés 'devant le palais:' car on avoit accoutumé d'en faire tous les ans un nouveau pour cette folennité: '& aprés avoir facrifié à Auguste,↳ il fe mit à regarder les fpectacles, ayant auprés de luy fes principaux amis, '& Cherea un peu derriere avec les autres Tribuns des gardes. a. bb. C. C. p. 658.659. p. 659. c. d. d. 'Bathybius qui avoit efté Preteur, fe trouvant affis pres d'un Confulaire nommé Cluvitus, ('car tout le monde eftoit en confufion,)'luy demanda tout bas s'il n'avoit rien appris de nouveau ; à quoy Cluvitus ayant répondu que non: On represente aujourd'huy, dit Bathybius,la mort du tyran.Taifez vous ami, répondit Cluvitus, de peur que quelque ennemi ne vous entende. 'On jetta quantité de fruits 1 parmi les fpectateurs ; & Caius fe divertiffoit à voir le peuple fe preffer & fe battre à qui en auroit. 'L'histoire remarque que ce jour là eftoit celui mesme auquel.Philippe Roy de Macedoine avoit efté tué par Paufanias, Suet. 1. 4. c. 57. & qu'on y reprefenta une tragedie qui avoit efté jouée dans cette funefte occafion. On devoit jouer la nuit une piece fur les enfers. 'Car Caius vouloit que les spectacles duraffent toute cette nuit.Et l'on croyoit que c'eftoit afin de prendre ce temps pour Dio, 1.59. p. paroiftre luy mefme fur le theatre, 'afin d'y danfer & d'y jouer une tragedie, ce qui anima encore davantage les conjurez. P.496. 0.54. P. 491. 663. b. 1. Jofeph dit qu'on jettoit parmi le peuple des oifeaux rares: [ ce qui cft difficile à comprendre.] de Caius 'Il buvoit & mangeoit en regardant les jeux,& il donnoit auffi a.b. là toute la journée fans fortir, l'comme il avoit fait les jours Jof.p.5. c. f. C ARTICLE XXV. Caius eft tué à la fortie du theatre. a. p.6. g Suer. feleva 8. p. 496. HEREA [ qui avoit quitté Caius fous quelque pretexte, ] Jof ant. 1. 1o.e. l'attendoit à la fortie du theatre:& voyant qu'il ne venoit P. 659. g) 660. point, il fe refolvoit de l'aller attaquer à fa place, plutoft que de manquer l'occafion; quoiqu'il vift bien que cela cauferoit la mort d'un grand nombre de perfonnes de quafitez qui estoient autour de l'Empereur. 'Mais enfin Caius perfuadé par Ampronas qui eftoit de la conjurarion, & par d'autres encore, pour aller fe mettre au bain, & revenir quand il auroit difné. C'eftoit environ à une heure ou deux aprés midi. 'Les conjurez que Cherea menoit déja au theatre, voyant qu'il Jof. p. 660. a. fortoit, fe mirent audevant de luy,& ecarterent tout le monde, fous pretexte de luy faire place. Caius fortit donc precedé de Claude Claude fon oncle, & de M. Minucianus ["ou plutoft Vinicius, ] 'qui avoit epoufé Julie fa fœur. a La qualité de ces perfonnes, & des deux autres, empefcha, felon Jofeph, qu'on ne les fifteloigner:'car Suetone dit qu'on fit retirer Claude mefme.b Mais Caius eftant entré dans le palais, au lieu de fuivre le chemin droit où fes officiers l'attendoient, & par où ceux qui l'accom pagnoient eftoient allez, tourna par une petite galerie où il n'y avoit perfonne, pour aller au bain, & voir quelques enfans des meilleures familles de l'Afie & de la Grece,qu'il avoit fait venir exprés pour chanter & pour danser à fes jeux !Il vouloit les faire Tom. I. Aa c. bc. 3. p.71.f. c. 1. p. 55. b. Suct. 1.5.c.1o. p. b Jof. p. 660.b. b.cl Suet.l.4.c. p. 4971 D.03 1.59. p. 653. br Suet. p. 497. |