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C.

Tibere L.

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C14, de neanmoins cela paroift affez conforme à ce qu'on affure qu'il dit » un jour au Senat en ces propres termes : Si ce malheur m'arri» voit jamais, que vous puiffiez douter de la fincerité de ma conduite, & de mon affection pour vous, le titre de Pere que vous » m'offrez ne me feroit pas un avantage fort confiderable dans » cette disgrace, & ne ferviroit qu'à faire voir ou que vous auriez » eu d'abord une trop bonne opinion de moy, ou que vous en au»riez alors une trop mauvaise.

quanquam heredita

rium.

Dominus.

Princeps.

differere.

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'Il ne prit guere auffi le nom d'Augufte" qu'en ecrivant aux
Rois & aux Princes étrangers. On le luy donne d'ordinaire dans
les medailles avec celui de Tibere Cefar, & quelquefois on y
joint celui de Jule. 'Il accepta affurément la dignité de grand
Pontife: mais on marque qu'il ne la prit que le 10 mars de l'an-
née fuivante.

'Quelqu'un luy ayant donné le nom de Seigneur, il le rejetta
comme une injure, & défendit qu'on le luy donnaft jamais. Il
difoit fouvent qu'il eftoit "le Seigneur des efclaves, l'Empereur
& le General des foldats," le chef ou le Prince du Senat & des
autres citoyens. Ce dernier titre eftoit ufité dans la Republique
auffibien que les autres: c'eft pourquoi il le mettoit quelquefois
avec le nom de Cefar. Il prenoit auff: en des rencontres celui
de Germanicus à caufe des victoires remportées fur les Ger-
mains ou Allemans par fon neveu [ & par luy mefme.]
'Suetone & Dion representent fort au long la maniere dont
il fe conduifit tant qu'il eut peur que Germanicus n'acceptaft
l'autorité fouveraine, dont tout le monde le jugeoit tres digne
& tres capable. On y voit l'idée d'un prince fort moderé,& tout
different de Tibere mefme lorfque l'accoutumance de regner
eut changé fes bonnes inclinations, ou [ plutoft]lorfque la mort
de Germanicus luy eut donné la liberté de faire paroistre les
mauvaises qu'il avoit cachées.

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'Tacite parlant à peu près du mefme temps, dit que toutes les Tac. an. 4. c.6. affaires publiques, & mefme celles des particuliers lorfqu'elles P.10. eftoient confiderables, le traitoient dans le Senat; où les principaux avoient droit de dire leur fentiment avec étendue.Si quelqu'un fe laiffoit aller à la flatterie, Tibere eftoit le premier à le reprendre. Dans la diftribution des charges & des dignitez il avoit égard à la nobleffe des perfonnes, & à l'estime qu'elles s'eftoient acquifes & dans la ville & dans les armées. On eftoit affuré qu'il n'y en avoit point de plus capables. Tous les magiftrats eftoient confervez dans les fonctions de leurs charges,

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14, de Tibe

Les loix, hors celles de leze majefté, n'eftoient employées que re
pour le bien [ des peuples: ] les revenus du public"eftoient levez agitabantur,
par des compagnies de Chevaliers, & ceux du Prince par des
perfonnes d'une fidelité eprouvée, ou d'une grande reputation.
Il n'y avoit point de temps reglé pour les emplois, & on y de-
meuroit pour l'ordinaire jufqu'à y viellir. Le peuple eftoit in-
commodé de la cherté des vivres; mais fans la faute du Prince,
qui n'epargnoit ni foin, ni depense pour reparer les pertes que
caufoient les tempeftes ou la fterilité des années. Il donnoit or-
dre que les provinces ne fuffent point chargées de nouveaux
imposts, & qu'on éxigeaft les anciens fans cruauté & fans ava-
rice: les confifcations & les punitions corporelles eftoient ban.
nies."La fuite du Prince, modefte & fans infolence; fes affran- fervitia.
chis en petit nombre,' peu de terres qui lui appartinffent dans
l'Italie; & les differends qu'il avoit avec les particuliers, videz
par les formes ordinaires: mais tout cela avec plus de terreur"& horridus.
de mauvaise grace, que de douceur & d'amitié ; [& il ne falloit
pas attendre autre chofe de Tibere.]

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Tibere ofte au peuple la nomination des magiftrats; laisse mourir
de faim fa femme Julie fille d' Augufte: Les armées de Pannonie
& des Gaules fe revoltent, & fe foumettent.

T

BERE ofta des ce temps-ci au peupleRomain ce qui lui reftoit encore du droit de nommer les magiftrats", & le v. Augufte transfera au Senat. Le peuple en murmura un peu ; mais il n'y $4. fongea plus depuis. 'Entre ceux qui fe prefentoient pour demander les charges, Tibere admettoit ceux qu'il luy plaifoit:a & de ceux qu'il avoit admis, il en recommandoit quatre,qui fans briguer eftoient bien affurez qu'on ne les refuferoit pas. 'Il laiffoit [au Senatjà examiner les merites des autres,1 & à choifir ceux qu'il voudroit, ou bien ils tiroient au fort. Quand les magiftrats eftoient nommez.& defignez, ils fe venoient prefenter au peuple, chacun avec fes parens & fes amis, comme pour conferver encore quelque image du droit que le peuple avoit eu autrefois [de les nommer.] Cette ceremonie fe pratiquoit encore deuxcents ans aprés.

'Tibere nommoit les Confuls, quelquefois pour toute l'annee,

I xaj izi zŷ ökonozi, qui eft obfcur. Leunclavius traduit & judicio Senatus.

L

quelquefois feulement pour une certaine partie, & leur en fu-
brogeoit un ou plufieurs autres pour le refte. [ Mais ce qui eft
plus étrange, c'eft qu'il diminuoit fouvent, ou prolongeoit le
temps qu'il leur avoit marqué, & changeoit mefme l'ordre se-
lon lequel il les avoit defignez d'abord.

19

604.

Tac. 1 1. c.3

'La nouvelle de la mort d'Augufte produifit prefque en mefme Tac. an. 1. c. 31. temps deux feditions tres dangereufes, l'une dans les armées de P 19. Pannonie, & l'autre dans celles qui eftoient fur les bords du Rhein vers Cologne.'L'autorité de Drufus fils de Tibere qui y c.1-30. p. 13fut envoyé exprés, appaifa moins la premiere, qu'une eclipfe de 11.0,1.57.p. lune qui arriva dans"ce temps là'le 27 feptembre au matin. Il ne U. p. 613. tint qu'à Germanicus de fe fervir de l'autre pour s'emparer de l'Empire que les foldats luy offroient. Mais il aima mieux em ployer tout fon argent pour l'appaifer. Il envoya cependant Treves"la femme Agrippine, & Caligula fon fils: ce qui ayant touché les feditieux, ils fe remirent dans le devoir :'& il eut Tac. an I.c. 49encore le loifir de faire une courfe"dans le pays des Allemans 1. p. 25. avant que l'hiver fuft venu.

à

49. p. 19-25

Dio, p. 604.

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b c. 10. p. 338.

II.

Tacite marque encore en cette année la mort de Julie fille c. 53. p. 25. d'Augufte & femme de Tibere, qui mourut à Rhege dans la Calabre. Augufte aprés avoir découvert les infamies de cette Suet. 1.3. c. I. miferable,l'avoit repudiée au nom de Tibere, à qui fa conduite p.341. eftoit infupportable. Il ecrivit neanmoins fouvent deRhode où cc. 1. p. 341. il eftoit alors, à Augufte pour le prier de conferver encore quelque bonté pour elle. Cependant lorfqu'il fut devenu le maistre, c.50.p.386. il oublia tout ce qu'il avoit écrit en fa faveur, & la traita d'une maniere tout à fait dure.'Au lieu qu'Augufte s'eftoit contenté de luy donner la villef de Rhege pour prifon,il la fit enfermer dans alifon logis, fans qu'elle puft voir perfonne; luy ofta'quelque peu

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d'argent qu'Augufte luy avoit permis de garder, & mefme la
penfion qu'il luy donnoit tous les ans, parce, difoit-il, qu'Au-
gufte n'en avoit point parlé dans fon teftament;' & la fit ainfi Tac. an. 1. cs§.
perir de faim & de mifere.

P. 25.

'La mort de Julie fut accompagnée de celle de Tib. Sempro- p.26.
nius Gracchus le compagnon de fes crimes, qu'Augufte avoit
tenu relegué durant quatorze ans dans l'ifle de Cerfine fur les
coftes d'Afrique. Tibere envoya des foldats pour luy ofter la vie,
ou y en fit envoyer par L. Afprenas Proconful, comme s'il euft
voulu rejetter fur luy cette violence[l'une des moins criminelles
qu'il ait faites.] Gracchus fouffrit affez conftamment la mort,
ayant dans tout le refte parut fort indigne du nom & de la fa-
mille des Gracques.

15, de re 1, 2

Tac. an. 1.c.SS.
P. 27 | Dio,l.57.
P.611.al Idat a
Chr. Alex.

Tac. an. 1. C.

55-72. p. 27-33.

c. 69. P.32.

c. 62.69. p. 29.

32.

e. 69 p. 33.

c. 72. P. 33.

e. 72-74. P. 33. 34..

< 74. P. 34..

ARTICLE VIII..

Tibere meprise ce qu'on dit de luy, puis en fait des crimes :
paye au peuple les legs d'Augufte &c.

L'A N DE JESUS-CHRIST IS, DE TIBERE I, 2.
'Drufus Cefar, & C. Norbanus Flaccus, Confuls.

GF'Allemagne, qui n'eurent

ERMANICUS fit cette année de grandes guerres dans
neanmoins
pas
un fort heu-
reux fuccés, ] quoique la femme d'Arminius,chef des Allemans, &c.
euft efté prife d'abord. 'Agrippine femme de Germanicus y té-
moigna fon grand cœur & fon affection pour les foldats. 'Mais
tout cela fervoit encore de nouvelle matiere à la jaloufie & à
l'aigreur que Tibere avoit déja contre Germanicus,& que Sejan
Prefet des gardes Pretoriennes,dont nous parlerons plus ample-
ment dans la fuite,travailloit à augmenter de plus en plus, jet-
tant dans l'efprit de Tibere des femences de défiance & de hai-
ne, dont il fçavoit bien que l'effet feroit d'autant plus grand,
qu'elles feroient demeurées plus longtemps couvertes.

'Tibere refufa en ce temps.ci, avec des paroles pleines de
modeftie, le titre de Pere de la patrie, que le peuple luy offrit
plufieurs fois : & ne put neanmoins perfuader au monde qu'il
euft rien de "moderé & de populaire.

civilis

'Il commença mefme deflors à fouffrir qu'on accufaft de leze mi.
majefté les perfonnes les plus illuftres, non pour des confpira-
tions, ou d'autres crimes veritables, comme on avoit fait autre-
fois, mais pour des paroles, ou pour des actions peu importan-
tes. Les premiers qui en furent accufez, furent abfous: mais ce
fut une porte ouverte pour en faire perir un grand nombre d'au-
tres. Car plus il y avoit de defauts à reprendre dans Tibere, &
plus on fe perfuadoit aifement que ceux qu'on accufoit de les
avoir remarquez,l'avoient fait effectivement; [ plus auffi Tibere
s'en fentoit piqué, & plus il eftoit cruel à les punir. On ne man-
quoit pas de gents qui fe rendoient denonciateurs de ces fortes
de crimes: & ce font ceux qui font fi celebres dans Phistoire
fous le nom de Delateurs.]

'Un nommé Hifpon fe fignala le premier dans cette profeffion,
que
la mifere des temps & l'audace des hommes rendirent de-
puis fort commune.Il sceut fi bien s'infinuer dans l'efprit cruel : celebre

du

rc 1, 2.

* libellis,

ἀσεβῆσαι

Jokay.

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23

du prince par de fecrers avis,que n'eftant d'abord qu'un incon-
nu,pauvre,& vagabond, il fe vit redouté des plus grands, aimé
d'un feul, & haï de tous. Ceux qui imiterent fon exemple, de
pauvres devinrent riches, de miferables fe virent la terreur pu-
blique, & perirent enfin dans les malheurs qu'ils avoient

curez aux autres.

pro

[Tibere avoit fait paroiftre des devant que de regner, qu'il
eftoit fenfible aux difcours qu'on ne manque jamais de faire
contre les Princes; ]'& fur ce qu'on en avoit fait quelques uns Suet. 1. 2. c. 51.
contre Augufte, il luy avoit écrit avec chaleur, qu'il ne le de- P. 238.
voit pas fouffrir. Augufte qui prit cette penfée pour un défaut
de jeuneffe, luy manda qu'il devoit s'elever audeffus de fon age,
& ne fe point tant fafcher contre ceux qui parloient mal de luy,
que c'eftoit assez [à ceux qui eftoient expofez à la vue & à la
cenfure de tout le monde, ] qu'on ne leur pust faire aucun

tort réel.

[Tibere fuivit quelque temps cette regle fi fage & fi utile,] '& l. 3. c. 28.p. 362. parut fe mettre peu en peine de ce qu'on difoit & de ce qu'on écrivoit contre luy. Il repetoit mefme affez fouvent, que dans une ville libre, il falloit que chacun euft la liberté de dire & de penfer ce qu'il vouloit. Il fe fervit une fois de ces paroles dans le Senat: Si quelqu'un cenfure ma conduite, je tascherai de me justifier, & de luy faire voir qu'il a tort. S'il persevere à me de» crier, [on verra bien que ce fera moins par jugement que par averfion; & je me vengerai de luy ] en le haïllant à mon tour. Un jour que le Senat vouloit qu'on ecoutaft ces fortes d'accufations, il répondit qu'il y avoit affez d'autres affaires, fans en chercher de nouvelles ; & que fi on donnoit une fois entrée à ces fortes de plaintes, on en feroit accablé, parceque quiconque auroit un ennemi, ne manqueroit jamais de le deferer de ce crime. [Il ne pouvoit pas predire avec plus de verité les maux effroyables qu'il eftoit preft de faire luy mefme. Car on vint enfin à faire des crimes de feze majesté de toutes fortes de choses, ] 'jufque là qu'on dit qu'un homme"fut mis en juftice, & peut- Apol. Ty.v.l.. estre mesme puni, pour avoir battu fon efclave qui avoit fur c. 11. p. 19.c.d, luy une piece d'argent où eftoit l'image de Tibere.

57.P.394.

'Ce prince paya cette année ou la precedente, au peuple Ro- Dio, 1.57.p.6.
main, une fomme d'argent qu'Augufte luy avoit laiffée par te- a. bl Suet.1.3.c.
stament: mais il fouilla cette largeffe par une action egalement
baffe & cruelle. Comme il ne fe preffoit point de payer cet ar-
gent, un boufon s'approchant d'un corps mort qu'on portoit

Tom. I.

I

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