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encheri fur Eufebe. M. Le Clerc paroît d'un avis fort oppofé. Ne fçauroit-on prendre un fentiment moderé, en difant que Platon avoit eu par tradition quelque connoiffance des Mœurs, de l'Hiftoire & de la Doctrine des Juifs ; & qu'il en a répandu quelques traits dans fes Ecrits, en les accomodant à fon fujet.

J'ai dit, par tradition, parce que je fuis fort éloigné d'affûrer qu'il y avoit une traduction des Livres, facrez anterieure à celle des Septante, comme Eusebe & M. Huet l'ont crû fur la foy d'Arifteas de Proconefe, Auteur du moins fufpect.

On trouve d'abord une conformité, qui a dequoi furprendre entre la Morale & les Loix de Platon & celles des Juifs: mais comme cette conformité peut bien ne venir de Dieu, que comme auteur des ve ritez naturelles ; je me bornerai à chercher dans Platon des faits, qui n'aïant pû parvenir jusques à lui que par tradition, prouveront d'une maniere affez vraisemblable, qu'il a eu quelque connoillance du peuple de Dieu.

Le Dialogue intitulé Critias ou l'Atlantique, en fournit des preuves affez marquées. Les Interlocuteurs font Timée, Critias, Socrate & Hermocrate; & Critias entretient les autres de l'hiftoire d'un peuple qu'il place dans une fle autrefois contigue à nôtre Continent. On prétend que Platon par fon Ifle Atlantique n'a entendu parler que de l'Amerique. M. Sanfom a été plus loin & nous a donné une Carte, où il marque le partage des terres fait aux dix fils de Neptune.

On ne peut pas difconvenir que les Anciens n'ayent eu quelque connoiffance fort confufe de l'Amerique, même dès le tems de Platon. Ariftote & Diodore de Sicile font mention de certaines grandes Ifles trouvées par les Cartaginois, ce que l'on ne fçauroit entendre que du nouveau Monde ; mais cette connoiffance n'étoit pas affez éxacte allez diftincte , ni affez répandue, pour l'on connût en détail les Mœurs & l'Hiftoire des Habitans. M. Sanfom place les fils de Neptune depuis le Canada, jufqu'au détroit de Ma

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gellan, & en diftribuë quelques uns le long des côtes de la Mer du Sud. Je ne crois pas que l'on yeuille foutenir férieufement que les Phéniciens ou Cartaginois ayent jamais eu la connoiffance de ces climats. D'ailleurs en convenant que leurs vaiffeaux ont pû être portez en quelque Cap de l'Amerique, comment auroient-ils pû apprendre l'Hiftoire génerale du nouveau Continent, qui a toujours été peuplé par diverfes petites Nations ifolées, toujours en guerre avec leurs voisins, & tou jours ignorées de celles qui étoient un peu éloignées ?

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Je dis que cette connoiffance étoit fort confuse; parce que la plus grande partie des Grecs, & même des Sçavants de ce tems là, ou n'avoient point entendu parler des découvertes des Cartaginois ou n'y avoient point ajouté foi ; & Seneque en parlant d'un tems peu éloigné de Platon, s'exprime ainfi : tunc mendaQuaft. cio erat locus cùm ignota effent externa. Natur, Platon même donne quelque lieu de croire qu'il a créé cette Ifle exprès, puifqu'il a la précaution de l'anéantir:

à l'exemple d'Homere, qui après avoir feint que les Grecs avoient fortifié leur Camp par un bon retranchement flanqué de tours, ajoute qu'il fut détruit entierement par une inondation; nôtre Auteur nous apprend que fon Ifle Atlantique a été engloutie dans la Mer, & qu'on ne trouve à fa place qu'un bourbier innavigable.

Enfin Platon leve toute forte de doutes, en nous apprenant d'où il tient ces Memoires; car il eft plus vraisemblable que Solon se soit entretenu avec les Prêtres Egyptiens de l'Hiftoire des Hebreux, que de celle du Mexique.

On peut former une autre difficulté fur l'explication de ce Dialo gue. Si l'on en croit quelques Auteurs, ce n'eft ici qu'une Allégorie continuée, mafquée en Hiftoire ; & c'eft en vain qu'on y chercheroit la verité des faits. Origêne, Porphyre & Proclus fe font declarez pour l'Allegorie; fans parler de noms moins refpectables,comme certains Chymiftes, qui ont voulu y trouver tout le fin de leur art. Ce fentiment eft fuffi

fuffilament refuté par le prélude & par toute la contexture du Dialogue. Critias le principal Interlocuteur dit qu'il ne va plus parler des chofes abftraites & métaphyfiques, mais de ce qui eft arrivé à des hommes; il commence par une datte, & par la defcription des Lieux dont il va parler. Dans un autre Dialogue, InTimeo le même Interlocuteur nous affeure, que Solon avoit réfolu de compofer un corps d'Hiftoire fur les Memoires des Prêtres Egyptiens : il y touche fommairement les principaux faits, qui font la matiere de l'Atlanticus. Čette attention à marquer d'où il tient fes Memoires, marque affez qu'il parle en Hiftorien. Enfin Crantor le plus ancien des Interpretes de Platon, reconnoît l'Atlanticus pour une veritable Histoire.

On fçait affez que Porphyre & Origêne fur tout entendoient fineffe à tout, & à prêter leurs idées aux Auteurs dont ils expliquoient le fens. Pour Proclus, je ne le dois point compter au nombre des authoritez que j'ai à combattre ; il cite les Ethiopiques d'un certain Marcellus, où

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