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fcience & aux Directeurs ; il ne m'appartient pas d'en marquer les devoirs: j'ofe feulement affurer que la fageffe où l'homme parvient par les lumieres de la foi, eft bien au deffus de celle qu'il acquiert par les feules lumieres de fa raifon, quelque tems & quelétude qu'il y apporre.

que

A l'égard de foi-même, il me paroît qu'on doit commencer par fe bien connoître; mais pour cela, il faut s'examiner fans fe flatter. Nous avons deux chofes à regarder en nous: nôtre efprit, ou nos penfées; nôtre. 4 cœur, ou nos actions.

Il faut fe faire un efprit de douceur & de moderation, pour dire toûjours avec modeftie fon fentiment, comme pouvant n'être pas jufte ; & pour écouter avec patience le fentiment d'autrui, quelque faux qu'il nous paroiffe. Si nous combattons le faux & fi nous le détruifons, que ce foit toûjours d'un certain ton, & avec certains ménagemens, qui faffent que nôtre adverfaire étant contraint par nos raifons de reconnoître la vérité, ne rougiffe pas de l'avoir combattue.

Un efprit de prudence & de difcretion, qui ne nous faffe rien dire ni faire qu'il n'ait auparavant éxaminé quelles en peuvent être les conféquences: qui ne croïe pas legerement nile bien, ni le mal qu'on dit d'autrui: qui foit toujours en garde contre la prévention, & qui enfin aïe égard aux circonftances des lieux, des tems & des perfonnes, pour ne rien faire qu'à propos..

Un efprit d'égalité, qui ne dépende point de nos humeurs, & qui n'aïe point ces hauts & ces bas qui déconcertent tout le monde.

Un efprit de verité & de folidité qui ne fe trompe point, & qui ne trompe point les autres : qui diftingue non feulement les tenebres de la lumiere, mais encore toutes les fauffes lueurs qui fe préfentent fouvent à nous les premieres, lorfque nous méditons fur quelques veritez abstraites. La verité eft la vie de l'efprit, comme l'erreur en eft la mort.

Un efprit de fermeté & de réfolution; a qui ni le defir de plaire ni aucun motif d'intereft ne faffent rien

dire, ni entreprendre contre l'hon

neur & le devoir, & qui estime toů. ⠀ jours ce qu'il a une fois trouvé digne de fon eftime.

Un efprit de patience & de perfeve rance, qui attende du tems la fin de Les peines, & la récompenfe de fes travaux, & qui prefque en tout mette le tems de la partie. Il n'eft point 4.de meilleur fecond que le tems, il eft même des foins dont il faut entierement fe décharger fur lui:

:

Enfin un efprit de réflexion qui faffe fon profit de tout ce qu'il voit, & de tout ce qu'il entend; à qui tout ce qui fe paffe dans le commerce de la vie foit une leçon qui apprenne à regler fa conduite, en refléchiffant fur la fage conduite qui paroît dans tous les ouvrages de la Nature & affez fouvent dans ceux de l'art ; & qui foit enfin perfuadé qu'il n'y a rien dans l'Univers qu'il ne puiffe en quelque maniere s'apliquer, & faire fer vir à fa perfection.

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Nôtre cœur ne demande pas moins d'attention que nôtre efprit, il a mille ennemis de fon repos, je crois pour tant que qui pourroit regler l'amour de foi-même, regleroit en même

tems

tems toutes les paffions qui peuvent agiter fon cœur ; parce que tous les mouvemens que nous fentons font excitez, ou par le defir de nôtre bien, ou par la crainte de nôtre mal. Nous aimons, parce que nous nous aimons; nous haiffons, parce que nous nous aimons: tout ce que nous fentons de jaloufie , d'envie, de defir de vengeance, d'ambition, d'avarice, tout a fon principe, & fa mesure dans l'amour propre, enforte que celui qui cefferoit de s'aimer, deviendroit infenfible à toute autre chofe. Mais cela ne fe peut pas. Le cœur de l'homme eft fait pour aimer: & comme il n'aime rien que par rapport à lui on doit conclurre qu'il eft fait pour s'aimer le premier, c'est-à-dire, pour aimer fon bien, fon contentement fon repos, en un mot fa felicité. Dès-lors il aime auffi neceffairement les moïens de parvenir à cet état de bonheur dans lequel il s'aime; mais comme il prend fouvent pour moïen ce qui eft un obftacle à fa fin, il faut lui montrer ce qui peut veritablement le rendre heureux.

Tout homme qui voudra être at

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tentif à ce qui fe paffe au dedans de lui, conviendra bientôt que c'eft à la vertu feule qu'il eft refervé de faire fon bonheur. Ces mouvemens fecrets & violens qui follicitent le cœur à la vertu, ce refpect, & cette admiration que nous ne pouvons lui refuser quelque part qu'elle fe trouve, même dans nos ennemis ; ces reproches que l'on fe fait quand on donne dans ce qui eft oppofé àla vertu, ou que fimplement on néglige de la pratiquer; .ces foins decacher les fautes que l'on fait & de conferver fa réputation aux dépens de fon bien & de fa vie; toutes ces chofes font autant de preuves que la vertu eft le bien du cœur, fon bien parexcellence, fon unique bien, & par conféquent le feul objet digne de fon amour. Tous les autres biens de la vie, la fanté les honneurs, les richeffes, ne doivent & ne peuvent nous toucher & nous fatisfaire veritablement, que quand ils fervent à la vertu, ou qu'ils en font la récompenfe.

Suppofons un cœur vertueux, c'eft à-dire, liberal , genereux, reconnoiffant, porté à la clemence, à la compaffion, à la justice, & qui ne

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