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STANCE S.

IRSIS il faut penfer à faire la retraite, La courfe de nos jours cft plus qu'à demy faite, L'âge infenfiblement nous conduit à la mort. Nous avons affez veu fur la Mer de ce monde Errer au gré des flots, noftre nef vagabonde, Il eft temps de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune eft un bien periffable, Quand on baftit fur clle, on baftit fur le fable, Plus on eft eflevé, plus on court de dangers, Les grands Pins font en bute aux coups de la temEt la rage des vents brife pluftoft le fefte (pefte, Des maifons de nos Roys, que les toits des Bergers.. O bien-heureux celuy qui peut de fa memoire Effacer pour jamais ce vain efpoir de gloire Dont l'inutile foing traverfe nos plaifirs, Et qui loing retiré de la foule importune, Vivant dans fa maifon content de fa fortune, A felon fon pouvoir mefuré fes defirs.

Il laboure le champ que labouroit fon Pere; Il ne s'informe point de ce qu'on delibere Dans ces graves confeils d'affaires accablez, Il voit fans intereft la mer groffe d'orages, Et n'obferve des vents les finiftres prefages., Que pour le foing qu'il a du falut de fes blez. Roy de fes paflions, il a ce qu'il defire Son fertile domaine eft fon petit Empire, Sa cabanne eft fon Louvre, & fon Fontaine-bleau Ses champs & fes jardins font autant de Provinces

ARGUMENT.

RISANTE femme de Silene, ne pouvant nourrir d'enfans, voua le premier qu'elle auroit à la bonne Déeffe. Au bout de 9. mois elle accoucha d'une fille qu'elle nomma Artenice, de qui la parfaite fanté fift affez cognoistre que les vœux de fa mere eftoient exaucez, & que les Dicux prenoient foint de fa confervation. A peine fçavoit-elle parler, que fon pere lui fit promettre mariage à Lucidas, recogneu pour lors le plus riche Berger du pays; encore qu'il fust forty d'un Eltranger, qui s'y eftoit venu habituer il y avoit quelques années. A mesure qu'elle croiffoit, fes parens taf choient de la nourrir en cefte affection, mais la bonne Déeffe, qui ne jugeoit pas que ce fût fon bien s'apparoifloit fort fouvent à elle, & luy deffendoit de n'en efpoufer point qui ne fuft de fon pays & de fa race. Elle en advertit plufieurs fois fa mere Crifante, qui n'en faifoit point de cas, eftimant que ce fuft un artifice pour colorer la repugnance qu'elle avoit pour Lucidas: mais Artenice ne cognoiflant que le feul Tifimandre, qui eût les quali rez requifes par la bonne Déeffe, s'imagina que c'eftoit celuy qu'elle lui defignoit pour mary; elle fit ce qu'elle peut pour le rendre amoureux d'elle, mais ce fut inutilement, il ne pouvoit aymer qu'Ydalie, ny Ydalie qu'Alcidor. Cefte Bergere eftoit fille d'un nommé Damoclée, chez qui Alcidor jeune Berger incogneu) avoit efté noury depuis

l'âge

l'âge de neuf à dix ans qui s'y eftoit venu retirer; pour cefte raifon il l'aymoit comme fa foeur mais n'avoit de l'amour que pour Artenice,il la fervoit avec tant de foins, & avoit de fi excellentes qualitez, qu'il fembloit à cefte jeune Bergere que la conquefte d'un tel Amant valloit bien la peine de contrevenir à la deffense de la bonne Déeffe, eftimant qu'il ne luy pouvoit arriver de plus grand malheur que celuy de ne le poffeder point. Du commencement elle fouffroit feulement fa recherche pour le feul plaifir qu'elle prenoit en fa converfation: mais enfin elle s'y engagea de telle forte que fon amour parut affcz pour donner de la jaloufie à Lucidas, qui pour cet effet eut recours à un Magicien fon ancien amy nommé Poliftene, il le prie d'employer tous fes fecrets, pour divertir Artenice de cefte nouvelle affection. Le confeil du Magicien fut de luy donner du foupçon des familiaritez qui eftoient entre Alcidor & Ydalie, ce qui luy fut facile, en adjouftant aux apparences extericures, les artifices que fa magie luy fourniffoit ; ils avifent donc enfemble que Lucidas feignant de vouloir rompre l'acord qui eftoit entre luy & Artenice, tafcheroit à mefme temps de luy faire connoiftre la faute qu'elle faifoit de fouffrir la recherche d'Alcidor, qu'il cftoit acordé avec Ydalie, qu'ils faifoient desja les actions de femme & de mary, quand ils en avoient la liberté ; & qu'il offriroit de le luy faire voir dans un miroir enchanté, fur la promefle que fon amy Poliftene luy faifoit, de faire paroiftre ce qu'il voudroit par le moyen de fes Démons. Cefte entreprife eft fi dextrement conduite, qu'Artenice s'engagea de faire efpreuve de ce charme, feignant neantmoins que ce n'eftoit que par curiofité. Elle fe trouva donc à l'affignation que luy donna Lucidas, où

C

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pendant qu'elle l'attendoit, elle trouva Tifimandre (défefperé de ce que ny fa fidelité, ny l'obligation qu'Ydalie luy venoit d'avoir tout fraifchement, de l'avoir retirée des mains d'un Satyre, ne luy avoient de rien profité à radoucir le cœur de cefte ingrate ) elle croit qu'elle ne le pouvoit trouver plus à propos, pour luy faire changer d'affection, & bien qu'avec l'efperance de luy donner de l'amour, elle en ait tout-à-fait perdu la volonté, neantmoins ne fçachant à quoy paffer le temps en attendant Lucidas, elle fe réfolut de tenter encore une fois pour fon plaifir ce qu'elle avoit tenté plufieurs fois par confideration mais elle y réuffit auffi mal qu'elle avoit fait par le paflé: Tifimandre ne la veut point efcouter ; & elle continuant fon premier deffein, rencontra Lucidas, qui la mena dans la grotte de Poliftene,où elle vit dans un miroir enchanté Alcidor & Ydalie fe baifer avec tant de privautez, qu'elle creut que ce qu'il luy en avoit dit n'eftoit que trop veritable. Les déplaifirs qu'elle receut en mefme temps du mefpris de Tifimandre, & de l'infidelité d'Alcidor, la firent réfoudre à fe retirer avec des filles vouées à Diane ; & comme elle y alloit, elle rencontra (pour augmenter fon erreur) Alcidor & Ydalie qui gardoient leurs Troupeaux enfemble, au mefme lieu où le miroir de Poliftene les luy avoit reprefentez. Alcidor la voulut aborder de la mefme forte qu'il avoit acouflumé: mais il y trouva un grand changement; elle luy reprocha fa déloyauté, & fans vouloir entendre fes juftifications, luy deffend de la voir jamais ; cela le mit tellement au défefpoir, qu'il fe réfolut de fe précipiter dans la Seine. Cependant Artenice pour continuer fon deflein, se retire avec ces filles deyotes, où Silene fon pere & Damoclée fon oncle, & pere d'Ydalie, la vont trouver pour effayer

à l'en divertir. Eftant forcée de leur dire le fujet de fon déplaifir; l'accufation qu'elle fait contre Ydalie, fait réfoudre Damoclée de faire paller fa fille par la rigueur de la couftume du pays. Il va luymefme trouver le grand Druide Chindonnax pour fe rendre tefmoin contr'elle. Cela n'interrompit que fort peu le deffein qu'avoit Silene de perfuader à la fienne de revenir au monde, elle s'en deffendoit opiniaftrement : mais comme ils eftoient en cefte difpute, Cleante arriva tout effrayé du malheur qui venoir d'arriver d'un Berger, qui par défef poir s'eftoit précipité dans la riviere, dont il l'avoit retiré auffi mort que vivant. Il les prie tous deux de luy venir rendre les derniers devoirs, ils y vont, & trouvent que c'eft Alcidor, qui pour le danger qu'il avoit couru, eftoit en fi mauvais eftat, qu'Artenice ne le fçeut voir fans en tefmoigner une fenfible douleur. Elle tomba évanouie entre les bras de fon pere, qui ne la pouvant fouftenir, à caufe de fon extrefme vieillefle, fe laifla tomber avec elle. Peu de temps après Alcidor reprit fes efprits, & l'horreur de ce fpectacle fit tant de pitié au bon homme Silene, qu'il fe réfolut de ne fe plus oppofer au mariage de luy & d'Artenice: de forte qu'il n'y avoit plus rien à furmonter, que les deffenfes que la bonne Déefle luy avoit faites en fonge. Pendant que cela fe paffoit, Damoclée conti nuant fon deffein, eût fait facrifier fa fille Ydalie, fans le retardement que caufa Tifimandre en s'offrant de mourir pour elle; cela donna le temps à Cleante d'apporter la nouvelle du mariage d'Alcidor & d'Artenice, qui troubla tellement Lucidas, que fans y penfer il avoüa la faufleté qu'il avoit faite par le moyen du miroir enchanté de Politiene, & juftifia Ydalie par fa propre bouche. Cefte der