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Vos exploits auffi loing que voftre renommée :
Et puiffe le deftin, pour me combler de biens,
Faire durer vos jours auffi longs que les miens.

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Ue cette nuict eft longue & fascheuse à paffer!

Depuis qu'un bel objet a ma raifon bleffée,
Inceflamment je voi des yeux de ma pensée
Cet aymable Soleil, autheur de mon amour,
Qui fait qu'inceffamment je penfe qu'il foit jour,
Je faute à bas du lict, je cours à la feneftre,
J'ouvre & hauffe la veuë, & ne voy rien pareftre
Que l'ombre de la nuit, dont la noire pafleur
Peint les champs & les prez d'une mefme couleur :
Et cette obfcurité, qui tout le monde enferre,
Ouvre autant d'yeux au Ciel qu'elle en ferme en la

terre.

Chacun jouyt en paix du bien qu'elle produit,

Les cocqs ne chantent point, je n'entens aucun bruit, Sinon quelques Zephirs, qui le long de la plaine Vont cajolant tout bas les Nymphes de la Seine. Maint phantofme hideux,couvert de corps fans corps, Vifite en liberté la demeure des morts,

Les troupeaux, que la faim a chaffez des bocages
A pas lents & craintifs entrent dans les gagnages.
Les funeftes oyfeaux, qui ne vont que la nuit,
Annoncent aux mortels le malheur qui les fuit.
Les flambeaux éternels, qui font le tour du monde
Percent à longs rayons le noir cristal de l'onde.
Et font vous au travers fi luifans & fi beaux,
Qu'il femble
que le Ciel foit dans le fonds des eaux.
O nui&t! dont la longueur femble porter envie
Au feul contentement, que poffede ma vie :
Retire un peu tes feux, & permets que le jour
Vienne fur l'horison éclairer à son tour :

Afin que ces beaux yeux pour qui mon cœur foufpire,
Scachent avant ma mort l'excez de mon martyre.
Certes c'eftoit en vain que j'avois efperé
De poffeder par toy mon repos defiré.
Mes larmes de mon lict ont fait une riviere,
J'ay tafché maintefois de fermer la paupiere:
Mais helas! je voy bien qu'en ce mal nompareil
La mort la fermera pluftoft que le fommeil.
Tenebreufe Déeffe, ingrate à ma priere,
Qui te fait fi long-temps retarder ta carriere ?
Veux-tu par ta longueur advancer mon trépas ?
Mais je la prie en vain, elle ne m'entend pas,
Celuy de qui le monde admire les merveilles,
La faifant toute d'yeux, ne luy fit point d'oreilles,
Et toy, race des Dieux, belle Nymphe du jour,
Qui n'es pas infenfible. aux attraits de l'Amour,
Agreable lumicre, efpoir de tout le monde,
Qui te retient fi tard dans le fejour de l'onde,
Où ton jeune defir demeure languiflant
Deffous les froids baifers d'un vicillard impuiflant?
Si de ce beau Chaffeur le merite & la flame
Ont encore pouvoir de captiver ton ame,
Va jouyr en fes bras de ton fouverain bien,

Et foulage ton mal en foulageant le mien.
Depuis le premier jour que je vis Artenice,
Et qu'elle prit en gré les voeux de mon fervice,
Je n'ay fait en tous lieux que plaindre mon tourment,
Sans efpoir d'y trouver aucun foulagement:
Ce reconfort me refte en ma douleur extréme,
Que je fçay qu'elle m'ayme autant comme je l'ayme.
Mais que me fert de voir fes beaux yeux languiffans,
Témoigner d'avoir part aux ennuis que je fens,
Si je ne puis jouyr du bonheur que j'efpere
Sans le confentement des Parens & du Perc,
De qui l'avare faim, qui ne peut s'affouvir
L'empefche de m'aymer, & moy de la fervir?
Je fais ce que je puis pour leur eftre agreable,
Mais rien ne radoucit leur ame impitoyable
Tout le foing que j'y prends ne profite de rien,
Leur efprit aveuglé n'eftime que le bien :
Et veulent fans raison contraindre cefte Belle
D'en aymer un plus riche & de m'eftre infidelle :
Desja leur tyrannie a fait tout fon pouvoir,
Afin de m'enpefcher les moyens de la voir :
Ils éclairent fes pas en quelque part qu'elle aille,
Ils lifent les premiers les lettres qu'on luy baille,
Et penfent follement captiver fes beaux yeux,
Qui pourroient captiver les hommes & les Dieux.
Mais l'Amour, qui fe loge en un jeune courage
N'eft pas de ces oyfeaux que l'on enferme en cage ;
Elle leur monftre bien: car fi par leur rigueur
Ils poffedent fon corps, je poffede fon cœur.
Mais le jour n'eft pas loing,les ombres s'éclairciffent:
Desja d'étonnement les Eftoiles pâliffent,
Et desja les oyfeaux, joyeux de fon retour,
Commencent dans les Bois à fe parler d'Amour.
Afin de ne point perdre un temps fi favorable,
Je vay faire fortir mes Brebis de l'eftable.

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SCENE II.

LUCIDAS. POLISTENE.

LUCIDAS.

Ous quel Aftre funefte, ô Deftins rigoureux ! Ourdiffez-vous le fil de mes ans malheureux ? Je voy tous mes deffeins d'eux-mefines fe détruire; Et femble que le Ciel ne fe plaift qu'à me nuire, J'aimois dès mon enfance une jeune beauté, A qui rien ne manquoit que la fidelité De toutes les vertus, de qui les deftinées Ornent avecques foing les ames les mieux nées. Chacun prenoit plaifir à voir de jour en jour Augmenter à la fois noftre âge & noftre amour: Et la jalouze envie eftoit mefme contrainte De benir le progrez d'une amitié si saincte, Qui bornoit fes defirs aux amoureux apas, Où fes ans & les miens nous menoient pas à pas. Mais lors que j'efperois voir l'heureuse journée, Qui devoit de nos vœux accomplir l'Hymenée, L'injustice du fort, qui prefide à mes jours, Luy fit tourner ailleurs l'efpoir de fes amours, Et donner cette foy, qu'elle m'avoit promife, Au Berger Alcidor, dont font ame est éprise, Ce jeune homme tout feul la poffede aujourd'huy Elle n'a plus d'attraits pour autre que pour luy, Qui l'en veut divertir, perd fon temps & fa peine, Cela paffe l'effort de la puiffance humaine: Il me faut au befoin les Démons pratiquer, Que l'art de Poliftene a pouvoir d'évoquer

Cependant que le jour qu'on voit naiftre dans l'onde
Ne chafle point encore les tenebres du monde,
Je vay fous leur faveur implorer ce vieillard
De me vouloir ayder des fecrets de fon art.
De tout temps fa franchise a chery mon enfance,
Auffi-tôt que du jour j'en eus la cognoiflance:
Il me témoignera l'effect de fa bonté,

S'il en a le pouvoir, comme la volonté ;
Je croy que le voilà, qui tout feul fe promeine,
Un livre dans fa main, au long de cette plaine.
Il le faut aborder, pour voir fi mon tourment
Peut efperer de luy quelque foulagement.
Pere dont la fcience en prodiges feconde,
D'horreur & de merveille étonne tout le monde :
Si noftre affection qui nafquit avec moy

Vous peut rendre fenfible au mal que je reçoy;
Ou fi vous voulez faire une œuvre memorable,
Et vous monftrer fçavant autant que charitable,
Gueriffez les ennuis d'un pauvre Amant jaloux,
Qui n'attend fon repos que du Ciel ou de vous.
J'aimay dès le berceau la Bergere Artenice,
De qui l'efprit leger, mefprifant mon fervice,
Au lieu de prendre exemple à ma fidelité,
M'a fi legerement pour un autre quitté,

Qu'il femble que fa flame,en cette Amour nouvelle,
Ne cherche autre raison que de m'eftre infidelle.
POLISTENE.

Mon fils, j'aurois de l'heur, fi mon affection Vous pouvoit fecourir en voftre affliction. Je fçay combien l'Amour trouble un jeune courage, Les tourmens que j'ai plains au plus beau de mon age En fuivant ces plaifirs de pleurs accompagnez, Me font avoir pitié de ceux que vous plaignez. Si la part que je prends, au mal qui vous poffede Y pouvoit tenir lieu d'un utile remede,

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