Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[blocks in formation]

AU ROY.

SIRE.

Les Bergers qui vont faire le tour du monde fous la conduitte des Mufes, craindroient avecque raifon qu'ils ne fuffent accufez de peu de jugement, d'aller fi loing voir les merveilles de la Nature, & n'en voir point une dont ils font fi près. C'eft voftre Majefté, SIRE, de qui j'entends parler. Qui confiderera les rares vertus que l'on voit paroiftre en toutes fes actions, n'avoüera-t'il pas que les plus celebres peuples de la terre n'ont jamais veu de merites qui fe puiffent égaler aux voftres ; & que tous ces grands hommes des fiecles paffez, qui

ma liberté fi je vous dis qu'en ce feul poinct nous vous ferons tousjours de fobeiffans: c'eft une verité fi cognuë qu'elle n'eft pas mefme ignorée dans les cabanes de ces pauvres Bergers, & c'eft ce qui leur a fait naistre le defir de voir celuy dont la renommée les avoit fi fouvent entretenus ; & de vous affeurer qu'ils iront en tant de lieux publier les douceurs de voftre Empire, qu'ils feront envie à tous les peuples du monde d'y venir garder leurs troupeaux: & aux Rois mefme d'y changer leurs fceptres en houlettes: ce fera lors, S IR E, que je n'auray plus d'au tres demandes à faire à Dieu, que de nous conferver ce que vous nous aurez acquis, ny d'autres graces à luy rendre que de m'avoir fait naistre,

SIRE,

Voftre tres-humble; tres-obeyffant & tres-fidele fujet & ferviteur, RACAN

ODE

AU ROY:

Par Monfieur de RACAN

Ictorieufes des années,
Nymphs, dont les inventions

Tirent des mains des Deftinées
Les memorables actions :
Si jadis aux rives de Loire
Vous avez recité l'hiftoire
De mes incurables douleurs :
Quittez cefte inutile peine,
'Auffi bien ma belle inhumaine
Ne fait que rire de mes pleurs?

Faites, Déeffe, que ma lire,
Traifnant les rochers après foy,
'Aux deux bouts du monde aille dire
Des chanfons dignes de mon Roy:
Tous les veritables Oracles
Nous promettent que les miracles
De fon courage ambitieux,
Feront tant bruire fon tonnerre;

Qu'un jour il fera fur la terre,
Ce qu'eft Jupiter dans les Cieux.

Dès fon Printemps chacun s'eftonne
De la fageffe de fes mœurs,
Et juge qu'avant fon Automne
Il produira des fruits tous meurs:
Fit-il pas
voir à ces armées,
D'injufte colere animées,

Que rien ne pouvoit l'empefcher
De leur faire mordre la poudre,
Et qu'il a fceu jetter la foudre
Auffi-toft qu'il a fceu marcher.

Desja la Difcorde enragée
Sortoit des gouffres de l'Enfer
Desja la France ravagée
Revoyoit le fiecle de fer
Et desja toutes les Furies]
Renouvellans leurs barbaries
Rendoient les vices triomphans
Par une impieté fi noire,

Que la nuit mesme n'eût peu croire
Avoir produit de tels enfans.

Toutesfois nos rages civiles Ont trompé l'efpoir des mefchants, La Paix rend la pompe en nos villes, Et l'abondance dans nos champs : Et maintenant qu'en affeurance Il conduit la Nef de la France Et que les plaifirs ont leur tour, Ses yeux, qui pour venger nos larmės S'armoient d'éclairs dans les alarmes, Sont armez d'atraicts pour l'amour.

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »