Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mois s'étoit retirée dans la Ville, étant def- Iv cendu à terre proche de la porte de S.Nicolas, 1627 fe prefenta pour y entrer; mais il en fut em pêche par ceux qui y étoient en garde ; & fut enfin contraint de s'en retourner, avant méme que ladite Dame de Rohan, qu'on avoit avertie de fa venue, & qui toute vieille qu'elle étoit, s'étoit hâtée de le venir trouver à ladite porte, le pût voir. On luy rendit les. Lettres qu'il avoit laiffées pour elle, par lefquelles ledit Seigneur de Soubize luy mandoit entr'autres chofes: Qu'elle fift en forte envers le Maire & le Corps de Ville qu'il luy fût permis, & à quelques Anglois, perfonnes, de qualité, d'entrer en la Ville, & qu'on les receût avec toute la courtoifie & la bien-veillance qu'ils meritoient, & que bien peu de gens de la Ville fçavoient le deffein des Anglois.

A méme temps le Sieur Guillaume Becher, l'un des Secretaires du Roy de la Grand' Bretagne, avec un Gentilhomme de Languedoc appellé la Blaquiere, (qui depuis trois ou quatre jours étoit forty de la Ville avec le Sieur de Saifigny, & autres Gentils-hommes François, pour aller trouver l'Armée Angloife, fans en avoir rien dit au Maire, ny luy avoir communiqué fon deflein) fe prefenta au lidu côté du Havre; mais trouvant la chaîne haute, il demanda avec d'inftantes prieres qu'on le laiffat entrer. Mais le Maire en ayant été averty, luy envoya dire par les Sieurs Iean Prou Efchevin, & Iacques Riffault Pair, qu'il n'y avoit rien à faire pour

luy, & qu'il fe pouvoit bien retirer, veu qu'ils étoient en l'obe iffance du Roy, de la bonté duquel, plûtôt que de la force, ils attendoient Peffet de ce qui leur avoit été promis par le dernier Traité de Paix, & que s'il y avoit quelqu'un qui entreprit fur fon Royaume, ils fe declareroient fes ennemis jurez, & ne pouvoient faire autrement fans fe rendre coupables: qu'outre cette raison, ce qui les ebligeoit encore à le refufer, étoit, qu'ils étoient en devotion à caufe du jeûne que l'on celebroit, pendant lequel, & jufqu'à ce qu'il fut finy, ce qui ne feroit que bien tard, il étoit défendu de laiffer entrer perfonne en la Ville. Après quoy, & quelques reparties qui s'aigrirent un peu entre les Sieurs Prou & la Blaquiere, il s'en retourna affez mal con

tent.

Monfieur de Soubize ayant apris toutes ces chofes dés le méme jour, il crut qu'y allant luy-méme, il feroit ce que ledit Gentil-homme & le Sieur Becher, n'avoient peu faire & dés le lendemain s'étant embarqué dans une chaloupe, avec les Sieurs Becher,. de S. Blancard, & dix hommes au plus, partie Anglois & partie de fes gens, il fe prefenta fur les neuf ou dix heures du matin, à la méme porte de Saint Nicolas, pour entrer dans la Ville; mais ayant été refusé, au li bien que celuy qu'il avoit envoyé le jour precedent, & ne lçachant gueres bien à quoy fe refoudre, il s'avifa qu'il ne pouvoit mieux faire que de prendre l'occafion de l'excelfive chaleur & d'une pluye d'orage, qui l'incommo

doit bien fort, en priant la garde de fouffrir Iv qu'il fe mit à couvert au premier Corps de 162 garde de ladite porte, avec parole de ne paffer pas outre, jufques à ce que fuivant les Lettres qu'on écrivoit au Maire ( & qu'il tenoit en la main) il eût la liberté d'entrer avec ceux qui l'accompagnoient. Ce qui luy fut permis, & à quelques-uns de fa compagnie; envoyant en méme temps en avertir le Maire, qui auffi-toft le vint trouver à ladite porte. Mais comme il luy remontroit de quelle confequence feroit fon entrée dans la Ville, & le prioit de fe retirer vers le Duc de Buxinghant, s'il avoit à cœur & en recommandation le bien & la confervation de la Rochelle & des Eglifes de France, Madame de Rohan fa mere, arrive avec grande compagnie,trifte & irritée de ce qu'on luy refufoit ainfi P'entrée de la Ville, & le prenant brufquement par la main, luy dit d'une voix affez haute (afin d'être ouie du Maire & du peuple qui étoit accouru là pour le voir) Viens, mon fils, fuy-moy fans rien craindre

[ocr errors]

avec ceux

qui font avec toy; tous les gens de bien font joyeux de ta venue, & s'en réjouiront davantage quand ils confidereront combien tu t'es montré affectionné à la liberté de la Ville qu'ils efperent recouvrer par les Armes du Roy d'Angleterre que tu leur as fait avoir; la Maifon de Rohan voudra touiours le bien de la Rochelle, le procurerà de tout fon poffible. Elle luy dit aufli avec la méme atdeur, que fa faur Anne, qui étoit detenue au lit d'une grande maladie, fouhaitoit impa

A S

iemment de le voir, & que fa prefence luy apporteroit un grand foulagement & un plaifir extrême. En cette forte, & fans autrement demander l'aveu du Maire, qui fe trouva furpris, & n'ofa ouvertement &par force s'oppofer à luy, il entra dans la Ville, accompagnant ladite Dame de Rohan fa mere depuis cette porte jufques à l'Hôtel de Marfans, à pied & nu-tête, parmy les acclamations de tout le peuple.

Sur cette occurrence impreveüe le Confeil s'affembla, & furent nom nez huit Commiffaires de la part du Corps de Ville, pour oiir les propofitions du Duc de Buckinghant & de Monfieur de Soubize, & par les vingt Bourgeois & habitans,huit Commiffaires : ceux du Confiftoire y joignirent deux de leur Corps. Et quant au Prefidial, il refufa d'affifter à ce Confeil.

Sur le foir du même jour Monfieur de Soubife, le Sieur Becher, l'un des Secretaires du Roy de la Grand' Bretagne, & le Sieur Mar met Pasteur, vinrent au Confeil des Commiffaires, chez le Maire où on leur donna audience.

Ledit Seigneur de Soubife dit en peu de mots, Que Monfieur le Duc de Rohan fon frere,

luy, avoient depuis l'inêxecution de le paix, inceffammens follicité fa Sereniffime Mi jeft de la Gran Bretagne, de vouloir la garantir, & avoir pitié des Eglifes de France, notamment de la Ville de la Rochelle, puls qu'elle ne pouvoit plas avoir efperance qu'en luy. De forte qu'ils avoient enfin obtenu ce

que ledit Sieur Becher Secretaire du Roy de la IvIL. Grand' Bretagne, pourroit dire.

Surquoy ledit Sieur Becher, prenant la parole, parla en ces termes.

Efeurs, le fuis envoyé par Monsei

16276

l'un des

Secre

taircs

du Roy

de la

Grand'

Breta

lois.

ME gneur le Duc de Buckinghant, Grand HaranAmiral d'Angleterre, pour vous expofer les gue du railons pour lefquelles, par le commande- Sieur ment du Roy mon Maître, il eft à prefent.ve- Becher nu au lieu où vos yeux le peuvent voir, accompagné d'une Flotte de Navires chargez de Soldats, d'Artillerie & Munitions, prefte à defcendre en terre, fi l'occafion le requiere. Heft affez notoire au monde comme le Roy de la Grand' Bretagne, nôtre Maitre, depuis fon avenement à la Couronne & devant, ayant en fa propre perfonne, par une avantu- Sne aus refort rare, & par une prudence beaucoup Rocheexcedant fon âge, découvert le danger preft à tomber fur luy & fur le refte de la Chrétienté, par l'ambition, fraude, & puillance de la Maifon d'Autriche, auroit ufé de toute induftrie, pour prevenir ce danger autant par fes forces propres, que par celles de fes Alliez, A laquelle refolution, comme il a été pouflé par prefque tous les autres Princes & Etats de la Chrétienté, Audi ne l'a-t'il été par nal autre avec plus de vehemence & efficace que par le Roy de France fon Beau-frere, & par fes Miniftres; non feulement par arguments, mais auli par promefles d'union & a liftance, en cette caufe commune. Et cétintereft mutuel à fe conferver contre un com

« AnteriorContinuar »