<< mence aucune affaire; c'est une règle que je me suis <«<faite, et que je veux observer religieusement toute << ma vie. » : « Quelque impatience qu'eût l'officier de toucher son argent, il lui a fallu céder à la règle du pieux Sanguisuela il s'est armé de patience, et même, comme s'il eût craint que les ducats ne lui échappassent, il a suivi l'usurier à l'église. Il a entendu la messe avec lui; après cela, il se préparait à sortir; mais Sanguisuela, s'approchant de son oreille, lui a dit: « Un des plus << habiles prédicateurs de Madrid va prêcher ; je ne << veux pas perdre son sermon. » : « Le capitaine, à qui le temps de la messe n'avait déjà que trop duré, a été au désespoir de ce nouveau retardement il est pourtant encore demeuré dans l'église. Le prédicateur paraît, et prêche contre l'usure. L'officier en est ravi, et, observant le visage de l'usurier, dit en lui-même : « Si ce juif pouvait se laisser toucher! << S'il me donnait seulement six cents ducats, je parti<< rais content de lui. » Enfin le sermon finit; l'usurier sort. Le capitaine le joint, et lui dit : « Hé bien, que << pensez-vous de ce prédicateur? Ne trouvez-vous pas << qu'il prêche avec beaucoup de force? Pour moi, j'en << suis tout ému.-J'en porte même jugement que vous, « répond l'usurier; il a parfaitement traité sa matière; <<< c'est un savant homme; il a fort bien fait son mé<tier allons-nous-en faire le nôtre. » Eh! qui sont ces deux femmes qui sont couchées ensemble, et qui font de si grands éclats de rire? s'écria don Cléoías; elles me paraissent bien gaillardes. Ce sont, répondit le diable, deux sœurs qui ont fait enterrer leur père ce matin. C'était un homme bourru, et qui avait tant d'aversion pour le mariage, ou plutôt tant de répugnance à établir ses filles, qu'il n'a jamais voulu les marier, quelques partis avantageux qui se soient présentés pour elles. Le caractère du défunt était tout à l'heure le sujet de leur entretien. « Il est mort enfin, disait l'aînée ; il est mort « ce père dénaturé, qui se faisait un plaisir barbare de << nous voir filles; il ne s'opposera plus à nos vœux. <«< Pour moi, ma sœur, a dit la cadette, j'aime le « solide; je veux un homme riche, fût-il d'ailleurs une « bête, et le gros don Blanco sera mon fait. - Douce«<ment, ma sœur, a répliqué l'aînée; nous aurons « pour époux ceux qui nous sont destinés, car nos « mariages sont écrits dans le ciel. Tant pis vrai<< ment! a reparti la cadette; j'ai bien peur que mon « père n'en déchire la feuille. » L'aînée n'a pu s'empêcher de rire de cette saillie, et elles en rient encore toutes deux. <«< Dans la maison qui suit celle des deux sœurs, est logée en chambre garnie une aventurière aragonaise. Je la vois qui se mire dans une glace, au lieu de se coucher elle félicite ses charmes sur une conquête : importante qu'ils ont faite aujourd'hui : elle étudie des mines, et elle en a découvert une nouvelle qui fera de main un grand effet sur son amant. Elle ne peut trop s'appliquer à le ménager; c'est un sujet qui promet beaucoup aussi a-t-elle dit tantôt à un de ses créanciers qui lui est venu demander de l'argent : « Attendez, << mon ami, revenez dans quelques jours; je suis en << terme d'accommodement avec un des principaux per<< sonnages de la douane. » Il n'est pas besoin, dit Léandro, que je vous demande ce qu'a fait certain cavalier qui se présente à ma vue; il faut qu'il ait passé la journée entière à écrire des lettres. Quelle quantité j'en vois sur sa table! Ce qu'il y a de plaisant, répondit le démon, c'est que toutes ces lettres ne contiennent que la même chose. Ce cavalier écrit à tous ses amis absents: il leur mande une aventure qui lui est arrivée cette aprèsmidi; il aime une veuve de trente ans, belle et prude : il lui rend des soins qu'elle ne dédaigne pas; il propose de l'épouser; elle accepte la proposition. Pendant qu'on fait les préparatifs de noces, il a la liberté de l'aller voir chez elle: il y a été cette après-dînée ; et comme par hasard il ne s'est trouvé personne pour l'annoncer, il est entré dans l'appartement de la dame qu'il a surprise dans un galant déshabillé, ou, pour mieux dire, presque nue sur un lit de repos. Elle dormait d'un profond sommeil. Il s'approche doucement d'elle pour profiter de l'occasion; il lui dérobe un baiser; elle se réveille et s'écrie en soupirant tendrement: << Encore! ah! je t'en prie, Ambroise, laisse-moi en << repos! » Le cavalier, en galant homme, a pris son parti sur-le-champ : il a renoncé à la veuve; il est sorti de l'appartement; il a rencontré Ambroise à la porte: «< Ambroise, lui a-t-il dit, n'entrez pas ; << votre maîtresse vous prie de la laisser en re« pos. >> << A deux maisons au delà de ce cavalier, je découvre, dans un petit corps de logis, un original de mari qui s'endort tranquillement aux reproches que sa femme lui fait d'avoir passé la journée entière hors de chez lui. Elle serait encore plus irritée si elle savait à quoi il s'est amusé. Il aura sans doute été occupé de quelque aventure galante, dit Zambulo. Vous y êtes, reprit Asmodée ; je vais vous la détailler. «< L'homme dont il s'agit est un bourgeois nommé Patrice; c'est un de ces maris libertins qui vivent sans souci, comme s'ils n'avaient ni femme ni enfants : il a pourtant une jeune épouse aimable et vertueuse, deux filles et un fils, tous trois encore dans leur enfance. Il est sorti ce matin de sa maison, sans s'informer s'il y avait du pain pour sa famille, qui en manque quelquefois. Il a passé par la grande place, où les apprêts du combat des taureaux qui s'est fait aujourd'hui l'ont arrêté. Les échafauds étaient déjà dressés tout autour, et déjà les personnes les plus curieuses commençaient à s'y placer. << Pendant qu'il les considérait les uns et les autres, il aperçoit une dame bien faite et proprement vêtue, qui laissait voir en descendant d'un échafaud une belle jambe bien tournée, couverte d'un bas de soie couleur de rose, avec une jarretière d'argent.: il n'en a pas fallu davantage pour mettre notre faible bourgeois hors de lui-même. Il s'est avancé vers la dame, qu'accompagnait une autre qui faisait assez connaître par son air qu'elles étaient toutes deux des aventurières : «Mesdames, leur a-t-il dit, si je puis vous être bon à << quelque chose, vous n'avez qu'à parler, vous me << trouverez disposé à vous servir. Seigneur cava«lier, a répondu la nymphe au bas couleur de rose, « votre offre n'est pas à rejeter nous avions déjà << pris nos places; mais nous venons de les quitter pour << aller déjeuner : nous avons eu l'imprudence de sortir « ce matin de chez nous sans prendre notre chocolat; «< puisque vous être assez galant pour nous offrir vos << services, conduisez-nous, s'il vous plaît, à quelque << endroit où nous puissions manger un morceau; mais « que ce soit dans un lieu retiré : vous savez que les << filles ne peuvent avoir trop de soin de leur réputa<< tion. >>> « A ces mots, Patrice, devenant plus honnête et plus poli que la nécessité, mène ces princesses à une |