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« n'approuve point votre combat; il offense dona <<< Théodora ou saura bientôt dans le royaume de Va<«<lence que vous vous serez battus pour elle: l'hon<< neur de votre dame vous doit être plus cher que votre << repos et que vos vies. D'ailleurs, quel fruit le vain«queur peut-il attendre de sa victoire ? Après avoir << exposé la réputation de sa maîtresse, pense-t-il qu'elle << le verra d'un œil plus favorable ? Quel aveuglement ! Croyez-moi, faites plutôt sur vous, l'un et l'autre, un « effort plus digne des noms que vous portez: rendezvous maîtres de vos transports furieux, et, par un <<< serment inviolable, engagez-vous tous deux à sous«crire à l'accommodement que j'ai à vous proposer << votre querelle peut se terminer sans qu'il en coûte « du sang.

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« Eh! de quelle manière ? s'écria don Alvar. <<< Il faut que cette dame se déclare, répliqua le Tolé<«<dan; qu'elle fasse choix de don Fadrique ou de vous, <<< et que l'amant sacrifié, loin de s'armer contre son c rival, lui laisse le champ libre. — J'y consens, dit «don Alvar, et j'en jure par tout ce qu'il y a de plus << sacré ; que dona Théodora se détermine : qu'elle me préfère, si elle veut, mon rival; cette préférence me <<< sera moins insupportable que l'affreuse incertitude « où je suis. — Et moi, dit à son tour don Fadrique, << j'en atteste le ciel : si ce divin objet que j'adore ne << prononce point en ma faveur, je vais m'éloigner de

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<< ses charmes; et si je ne puis les oublier, du moins je << ne les verrai plus. >>

<«<< Alors le Tolédan se tournant vers dona Théodora: << Madame, lui dit-il, c'est à vous de parler : vous pouvez << d'un seul mot désarmer ces deux rivaux ; vous n'avez << qu'à nommer celui dont vous voulez récompenser la · <<< constance. Seigneur cavalier, répondit la dame, <«< cherchez un autre tempérament pour les accorder. « Pourquoi me rendre la victime de leur accommode<< ment? J'estime, à la vérité, don Fadrique et don «Alvar, mais je ne les aime point; et il n'est pas « juste que, pour prévenir l'atteinte que leur combat pourrait porter à ma gloire, je donne des espérances «que mon cœur ne saurait avouer?

La feinte n'est plus de saison, madame, reprit « le Tolédan; il faut, s'il vous plaît, vous déclarer. « Quoique ces cavaliers soient également bien faits, je << suis assuré que vous avez plus d'inclination pour l'un « que pour l'autre : je m'en fie à la frayeur mortelle « dont je vous ai vue agitée.

((- Vous expliquez mal cette frayeur, repartit dona « Théodora: la perte de l'un ou de l'autre de ces << cavaliers me toucherait sans doute, et je me la « reprocherais sans cesse, quoique je n'en fusse que << la cause innocente; mais si je vous ai paru alarmée, << sachez que le péril qui menace ma réputation a fait <toute ma crainte.

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<< Don Alvaro Ponce, qui était naturellement brutal, perdit enfin patience. « C'en est trop, dit-il d'un ton « brusque; puisque madame refuse de terminer la «< chose à l'amiable, le sort des armes en va donc

décider.» En parlant de cette sorte, il se mit en devoir de pousser don Fadrique, qui, de son côté, se disposa à le bien recevoir.

Alors la dame, plus effrayée par cette action que déterminée par son penchant, s'écria toute éperdue :

«

Arrêtez, seigneurs cavaliers; je vais vous satisfaire. « S'il n'y a pas d'autre moyen d'empêcher un combat « qui intéresse mon honneur, je déclare que c'est à «don Fadrique de Mendoce que je donne la préfé

«rence. »

<< Elle n'eut pas achevé ces paroles, que le disgracié Ponce, sans dire un seul mot, courut délier son cheval, qu'il avait attaché à un arbre, et disparut en jetant des regards furieux sur son rival et sur sa maîtresse. L'heureux Mendoce, au contraire, était au comble de sa joie tantôt il se mettait à genoux devant dona Théodora, tantôt il embrassait le Tolédan, et ne pouvait trouver d'expressions assez vives pour leur marquer toute la reconnaissance dont il se sentait pénétré.

<< Cependant la dame, devenue plus tranquille après l'éloignement de don Alvar, songeait avec quelque douleur qu'elle venait de s'engager à souffrir les soins

d'un amant, dont à la vérité, elle estimait le mérite, mais pour qui son cœur n'était point prévenu.

<< Seigneur don Fadrique, lui dit-elle, j'espère que << vous n'abuserez pas de la préférence que je vous << ai donnée; vous la devez à la nécessité où je me « suis trouvée de prononcer entre vous et don Alvar; « ce n'est pas que je n'aie toujours fait beaucoup. << plus de cas de vous que de lui; je sais bien qu'il « n'a pas toutes les bonnes qualités que vous avez : << vous êtes le cavalier de Valence le plus parfait, « c'est une justice que je vous rends; je dirai même << que la recherche d'un homme tel que vous peut << flatter la vanité d'une femme; mais, quelque glo« rieuse qu'elle soit pour moi, je vous avouerai que« je la vois avec si peu de goût, que vous êtes à « plaindre de m'aimer aussi tendrement que vous le « faites paraître. Je ne veux pourtant pas vous ôter << toute espérance de toucher mon cœur mon indiffé«rence n'est peut-être qu'un effet de la douleur quis << me reste encore de la perte que j'ai faite depuis une << an de don André de Cifuentes, mon mari. Quoique> « nous n'ayons pas été longtemps ensemble, et qu'il << fût dans un âge avancé lorsque mes parents, éblouis « de ses richesses, m'obligèrent à l'épouser, j'ai été «fort affligée de sa mort je le regrette encore tous << les jours.

<< Eh! n'est-il pas digne de mes regrets? ajouta-

«<t-elle; il ne ressemblait nullement à ces vieillards <«< chagrins et jaloux qui, ne pouvant se persuader qu'une jeune femme soit assez sage pour leur par<<< donner leur faiblesse, sont eux-mêmes des témoins < assidus de tous ses pas, ou la font observer par « une duègne dévouée à leur tyrannie. Hélas! il avait «<< en ma vertu une confiance dont un jeune mari adoré « serait à peine capable. D'ailleurs, sa complaisance « était infinie, et j'ose dire qu'il faisait son unique « étude d'aller au-devant de tout ce que je paraissais « souhaiter. Tel était don André de Cifuentes. Vous « jugez bien, Mendoce, que l'on n'oublie pas aisé«ment un homme d'un caractère si aimable : il est << toujours présent à ma pensée, et cela ne contribue << pas peu, sans doute, à détourner mon attention de << tout ce que l'on fait pour me plaire. »

« Don Fadrique ne put s'empêcher d'interrompre en cet endroit dona Théodora : « Ah! madame, s'écria«t-il, que j'ai de joie d'apprendre de votre propre << bouche que ce n'est pas par aversion pour ma per<<< sonne que vous avez méprisé mes soins : j'espère « que vous vous rendrez un jour à ma constance. « Il ne tiendra point à moi que cela n'arrive, reprit <«< la dame, puisque je vous permets de me venir <«< voir et de me parler quelquefois de votre amour : << tâchez de me donner du goût pour vos galanteries; << faites en sorte que je vous aime : je ne vous ca

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