Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cipes que nous faifons les nôtres dans plufieurs de ces rencontres, où il y a infiniment plus d'induftric que dans tous les mouvemens des Bêtes. Et certainement, il ne feroit point raifonnable de vouloir que le bruit que fait un chien en abboyant, fe faffe avec plus de connoiffance que le fon des paroles d'un Prédica,

teur.

XCII. Mais qu'elles agiffent auffi par des principes à peu près femblables aux nôtres.

Mais auffi,à confiderer la grande reffemblan ce qui fe trouve entre la maniere d'agir des animaux & celle des hommes;il faut dire,fans dou te, qu'elle procede à peu près des mêmes principes dans les uns & dans les autres. N'eft-il pas vrai qu'un chien voit fon maître, & que dans la foule il le diftingue de tous les autres hommes, de la même maniére que nous voyons les lettres dans un livre, & que dans une fi grande. multitude nous les diftinguons les unes des autres ? Pourquoi donc ce chien s'adrefferoit-il à cet homme plûtôt qu'à un autre voit vû & diftingué de la forte? Pourquoi lui feroit-il ta tant de careffes? Pourquoi donneroitil par tant de fauts extraordinaires, des marques d'une fi grande allegreffe, fi en le reconnoiffant il n'avoir reffenti quelque impreffion, qui le détermine à faire tous ces treffaillemens, du moins en la maniere que nous reffentons quelque impreffion qui nous détermine à mouvoir les yeux en lifant, fans que d'ailleurs nous y faflions aucune reflexion ? Il est donc indúbi

[ocr errors]

s'il ne l'a

table que tous ces mouvemens du chien qui s'a proche, qui faute, & qui careffe fon maître, procedent du fentiment qu'il a cu, & qu'ils fe font en confequence de la vûë, c'eft-à-dire, par la détermination des connoiffances fenfibles qui ont precedé, de la même maniere que les mou vemens de nos yeux & de nôtre tête fe font en conféquence de la vie que nous avons euë des lettres, & du difcernement fenfible que nous en avons fait. Ainfi, il y a dans cette Bêre des connoiffances & des appetits fenfibles, puifqu'elle voit, qu'elle fent, qu'elle diftingue les objets, & qu'elle agit en conféquence de ces fentimens.

XCIII. Les raisons des nouveaux Philofo phes prouvent bien que les Bêtes n'ont point de connoiffances fpirituelles.

Les raifons qui ont été alleguées ci-deffus, pour montrer que les Bêtes ne fçauroient avoir des connoiffances, à moins qu'elles ne fuffent pourvûës de raifon & d'une ame fpirituelle, n'ont auffi nulle force après le difcernement que nous venons de faire des deux fortes de connoiffances. Car il eft bien vrai, que pour les connoiffances fpirituelles, qui furviennent pour l'ordinaire dans nos fentimens, mêmes, il faut un principe indivifible, dont la force & l'éner gie étant répandue dans toutes les parties du corps, faffe que tous les divers fentimens foient néanmoins apperçûs par cet indivifible principe: ce qui ne pouvant convenir à un principe materiel, nous concluons, fuivant le raisonnement de faint Gregoire de Nyffe, que nous.

avons une ame spirituelle, puisque nous experimentons que ce nous, qui fent dans toutes les diverfes parties du corps, eft un nous entiérement indivifible; & que le même nous qui voit, eft auffi le même nous qui touche, ou qui entend.

XCIV. Mais elles ne prouvent rien à l'égard des connoiffances fenfibles.

Mais à l'égard des connoiffances fenfibles, il n'en eft pas de même : comme il n'y a là aucune reflexion, par laquelle l'animal puiffe fe dire à lui-même, je voi, je touche, je fens; auffi il n'eft nullement neceffaire que ce principe qui le fait ainsi voir & sentir, soit indivisible; il être repandu par tout le corps, peut même il peut quelquefois fe divifer, lorfque l'on coupe l'Animal en pièces, de même façon que le principe qui donne la vie aux Plantes fe peut partager, lorsqu'on arrache un rejetton d'un Arbre, & qu'on le tranfplante.

&

XCV. Les perceptions fenfibles peuvent être fans liberté & fans raison.

Davantage, il eft vrai que cette reflexion indivitible que nous faisons fur nos pensées fpirituelles par ces penfées mêmes, eft quelque chofe de fi relevé & de fi au-deffus de la portée des corps, qu'il n'eft pas poffible d'imaginer une fubftance materielle, pour fubtile & pour penetrante qu'elle foit, qui puiffe en venir là. Il est encore trés-veritable, que ces pensées ne peuvent proceder que d'une fubftance, qui foit auffi pourvûe de la faculté de raifonner, de dé

Qq iiij

liberer,de vouloir, de fe déterminer : ce font des fuites indifpenfablement neceffaires, & qui nous convainquent aifément, que nous, qui experi mentons en nous toutes ces facultez, nous fommes pourvûs.d'un principe plus parfait que tout ce qu'on peut imaginer de corporel,c'est-à-dire, d'une ame fpirituelle. Mais pour les connoiffan ces fenfibles, rien de tout cela n'eft requis. Ce font des operations qui ne font pas au-deffus de la matiére: les objets ne font que des corps & des corps finguliers qui font actuellement prefens,qui agiffent fur les organes des fens, & qui y caulent de certaines émotions. Le principe qui exerce le fentiment, le fait à la verité d'une maniere admirable, & fi vous voulez,incompre henfible; mais enfin il le fait fans cette refle xion, & fans cette attention, qui feule eft le caractere de la fpiritualité de nôtre ame,& aink ce peut être un principe materiel,

XCVI. Il est vrai ce que dit Ariftote que le corps des Animaux eft une

machine.

le

L'autorité d'Ariftote ne favorife nullement les nouveaux Philofophes. Car lors qu'il dit que les animaux font comme des machines au tomates, il ne dit rien, de quoi tout le monde ne demeure d'accord. Il n'y a perfonne qui ne reconnoiffe en effet que corps des Animaux, eft une machine admirable, pourvûë d'une infinité de petits refforts, qu'un Ouvrier infiniment induftrieux a arrangez avec une adresse incomprehenfible. Nous convenons tous en ce point; & il ne s'agit que de fçavoir & oytre

&

Cette machine du corps fenfible, il n'y a cucore là dedans une forme qui anime, gouverne cette machine ; & c'est de quoi Arif rore ne douta jamais.

XCVII. Et que les Bêtes ne pensext point.

Ce qu'il affure, qu'il n'y a que l'homme feul entre tous les Animaux qui ait la faculté de penfer, & de fe reffouvenir, peut avoir un trèsbon fens : car outre que le mot Grec, dont il fe fert, fignific deliberer, & confulter, felon la remarque de Scaliger; fi nous y prenons bien gar de; nous trouverons aussi que le mot Cogitare, dont s'eft fervi l'Interprete d'Ariftate, & celui de Penfer, dont nous nous fervans, fignifie la même chofe que Bul'a d'Ariftote;& qu'en effet nous ne difans penfer, ou cogitare, que pour exprimer l'attention férieufe & la reflexion que nous faifons.fur, quelque chofe. Et en ce que les Be fens nous difons auffi avec Ariftote tes ne penfent point: ce qui n'empêche nullement qu'elles n'ayent de veritables fentimens,& des connoiffances fenfibles.

XCVIII. Qu'on ne peut nier que les Bêtes n'ayent des ames.

De tout ceci on peut tirer quelque éclairciffement, pour fçavoir quel peut être ce principe qui fait toutes ces operations fenfibles dans les Animaux : car ces Philofophes qui ne veulent pas que les. Bêtes ayent des connoiffances, ne veulent pas auffi qu'elles ayent des ames aipale principe de leurs actions ne con

« AnteriorContinuar »