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drature du cercle, les Lunes d'Hipocrate, les Logarithmes, les Sinus, & quelques autres chofes de cette nature. On y verra les proprietez merveilleufes des nombres qu'Euclide a démontrées dans le feptiéme, le huitiéme & le neuviéme de fes Elemens. On y apprendra la démonstration des Grandeurs immenfurales, qui eft peut-être l'effort le plus grand dont l'efprit humain foit capable, puifqu'allant foüiller jufques dans la poffibilité des chofes, il découvre avec tant de clarté ce qui eft & ce qui n'eft pas ; & que dans la multitude infinie des comparaifons qu'il regarde toutes comme poffibles entre deux grandeurs, il démontre avec une affurance inébranlable

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• que Dieu même n'en voit pas une capable de fournir une commune mefure de ces deux grandeurs. Mais fi cette démonftration eft belle il faut avouer qu'elle eft bien difficile : ceux à qui nous avons l'obligation d'une fi grande décou ne nous ont point montré d'autre route que celle qu'ils ont tenue eux-mêmes, foir. qu'en effet ils n'en ayent point connu d'autre foit qu'ils ayent voulu par là nous faire experimenter une partie de leur peine, & nous faire goûter en même-temps avec d'autant plus. de plaifir les délices de ce nouveau monde, que nous aurons eu plus de peine à y parvenir. Quoiqu'il en foit, ce chemin eft fi long & fi plein de difficultez, qu'il fe trouve fort peu de perfonnes qui ayent eu affez de constance pour en fupporter l'ennui, ou affez de force pour en furmonter la fatigue. Je ne fçai fi j'oferai dire que j'ai été affez heureux pour découvrir une nouvelle route. Ce ne feroit pas une fort grande loüange pour moi un matelot avanturier' eft quelquefois plus heu

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reux à faire quelque nouvelle découverte, que le plus fage Pilote, & le hazard fait trouver même dans la tempête, ce qu'on n'auroit fçû découvrir avec toute la connoiffance que l'on pourroit avoir de la Marine. Il fe pourroit faire auffi que courant comme j'ai fait ces vaftes mers de la Geometrie, le hazard m'auroit fait rencontrer une route nouvelle & inconnue aux grands hommes qui m'ont precédé. Je ne prétens pas néanmoins m'attribuer cette bonne fortune; mais je puis bien dire du moins que la route que je tiens pour aller aux Incommenfurables eft très-courte & très-aifée, & que pour peu d'attention que l'on veuille apporter à la lecture de quatre ou cinq petites pages, on comprendra parfaitement une chofe que très peu de perfonnes, même de ceux qui fe mêlent de Geometrie, font capables. d'entendre.

Après cela, je traite de diverfes fortes de progreffions, & j'infifte particulierement fur les deux plus celebres, qui font la Geometrique & l'Arithmetique; & les comparant l'une avec l'autre, je traite des Logarithmes, & j'en fais voir l'artifice par le moyen d'une ligne Geometrique, qui fera très-utile pour la réfolution des Problêmes d'Algebre de toutes fortes de dimenfions. C'eft cette ligne avec laquelle j'ai quarré autrefois l'Hyperbole ; & ce qu'un. de mes amis m'a fait voir depuis peu dans le fçavant Journal d'Angleterre, touchant ce qui a été publié fur cette matiére par de trèsfçavans Geometres, ne m'a point furpris, & même cela m'a fait penfer que ces Meffieurs n'avoient pas voulu nous communiquer tout. ce qu'on pourroit dire fur ce fujet. Je finis cet

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te premiere partie par la pratique de la Geometrie; ce qui devroit faire le dernier livre de tous les Elemens. Outre les operations les plus faciles & les plus communes j'y donne les principes pour mefurer les grandeurs & les diftances des lieux inacceffibles, pour faire la carte d'une Place ou d'une Province; pour trouver les finus les tangentes, & les fecantes de tous les angles; & enfin pour avoir la connoiffance de tout ce qui appartient à cette partie, que l'on appelle la Geometrie pratique.

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Après cela je donnerai dans tout autant de livres, l'Algebre, les Sections Coniques, les Speriques, & la Statique; mais fur-tout j'établirai cinq ou fix regles generales, defquelles enfuite, comme par des corollaires, on tire la démonstration d'une infinité de propofitions qui paffent pour grandes dans la Geometrie. C'eft là qu'on trouvera la nature & la mesure des efpaces afymptotiques, dont la connoiffance eft la chofe du monde la plus admirable, & qui fait voir le plus clairement la grandeur & la fpiritualité de notre ame, puifque par la feule lumiere de fon efprit, penetrant au-delà de l'infini, elle découvre fi clairement des chofes, que nulle experience fenfible ne lui peut apprendre, & qu'aucune puiffance corporelle ne fçauroit feulement appercevoir. Ces efpaces font d'une étenduë actuellement infinie, compris entre deux lignes qui étant prolongées à l'infini, ne fe rencontrent jamais:d'où leur vient leur nom d'Afymptotes. Cependant on démontre que ces efpaces infinis en longueur, font néanmoins égaux à un cercle ou à une autre figure déter

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minée, de forte que l'infini même, tout immenfe & tout innombrable qu'il eft, fe reduit néanmoins au calcul & à la mesure de la Geometrie, & que nôtre efprit encore plus grand que lui, eft capable de le comprendre. De toutes les connoiffances naturelles que I homme peut acquerir par fon propre raifonnement, fans doute la plus admirable eft cette comprehenfion de l'infini: & je ne voi rien de plus propre à nous convaincre de l'existence de nôtre ame, & à nous faire reconnoître, qu'outre la faculté materielle que nous avons d'imaginer par le moyen des organes, nous en avons une route fpirituelle pour penfer & pour raifonner, que le plus grand de tous les Philofophes appelle une puiffance independante des organes, féparée de la matiére,& venant d'ailleurs que du corps. En effet, quelque effort que nous faffions pour imaginer

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l'infini, nous n'en viendrons jamais à bout & tandis que nous nous en tiendrons à la feule imagination, nous pourrons bien nous figurer une efpace d'une vaste étenduë, mais il fera toûjours borné ; parce que l'imagination étant, à proprement parler, une puiffance corporelle, qui ne nous reprefente rien que par des phantômes & par des images fenfibles, doit être elle-même, comme le corps, bornée dans fes reprefentations. Et comme un tableau ne fçauroit reprefenter à nos yeux une étendue actuellement infinie, à caufe que ce qui eft borné dans un certain efpace, ne peut contenir ce qui n'a point de bornes; auffi l'imagination n'étant qu'un tableau qui nous reprefente des images à la verité bien fubtiles, mais toûjours materielles ne fçauroit nous

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faire voir que des chofes corporelles & limi tées, toute l'immenfité de l'infini ne pouvant être contenue dans les bornes d'une peinture corporelle. L'imagination ne peut donc atteindre jufques là, que de nous representer l'infini. Mais d'ailleurs, la démonstration que nous faifons de la nature & des proprietez de cette immenfe & infinie étendue afymptotique, nous convainc également que nous avons dans nous une faculté capable de nous representer cette étendue infinie. Car comme afin de mefurer avec la regle & le compas une figure reprefentée fur du papier, il faut que j'aye cette figure prefente à mes yeux & à ma main, afin qu'appliquant l'inftrument à fes angles & à fes côtez, je puiffe en prendre toutes les dimenfions, & en déterminer ainfi la grandeur; de même afin que par la regle de ma raison je prenne les mesures de cet efpace afymptoti-" que, il faut que j'en aye une idée intimement prefente à mon efprit, & que ce même efprit s'appliquant, pour ainfi dire, à cette idée & à cette figure interieure, il en prenne les dimenfions, & en détermine la grandeur, & en démontre toutes les proprierez. Il faut donc reconnoître que nous avons en nous des idées & des reprefentations claires & diftinctes d'une étendue infinie; & que par conféquent cette faculté qui nous reprefente ainfi ce que nul corps ne peut reprefenter, eft une puiffance purement fpirituelle & diftincte de la matiére : de forte que la Geometrie, par une feule démonftration, prouve également une des plus admirables proprierez de la nature, &en mê. me-tems une des deux plus importantes veritez de la Morale.

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