prétendu que leComte de Barcellos ou fa Niece l'avoient fait empoisonner. La mort d'un Jaloux eft toûjours fufpecte. La Marquife délivrée d'un joug qu'elle portoit impatiemment,après avoir donné à la bienféance quelques larmes équivoques & à la mode les marques ordinaires d'un douloureux veuvage, s'abandonna au Roi fans reserve. L'amour devenu libre rompit tous les liens de la prudence & de la politique, & ce Prince ne fongea plus qu'à couronner les feux, en époufant publiquement fa charmante Eleonore; mais il trouva des obftacles à furmonter. D. Juan, D. Denis, & le grand-maître d'Anis representerent au Roi, que ce mariage le defhonoreroit, que le commerce qu'il avoit eu avec la Marquife du vivant de fon mary avoit fait trop d'éclat; qu'on diroit dans les Cours étrangeres queleMarquisd'Acunha n'étoit mort à la fleur de son âge, que pour faire mieux fa cour à fon Roi, & qu'en mourant il avoit tres-bien executé fes volontez, que cet injurieux foupçon n'étoit déja que trop répandu, & n'avoit pas befoin d'être confir mé; que la jeune veuve qu'il vouloit épouser étoit, à la verité de condition, mais non pas d'un rang à devenir Reine; qu'il étoit dangereux à un Souverain de s'unir par les nœuds du mariage à une perfonne née dans fes Etats; qu'il ne 1 convenoit jamais aux Rois de s'allier avec leurs Sujets. Qu'Eleonore devenuë Reine approcheroit trop fa famille du Thrône, que tous fes parens fe familiariferoient bientôt avec le Sceptre, & qu'il fe trouveroit dans la fuite avoir des maîtres, croyant n'avoir que des favoris. Ces reflexions étoient fi judicieufes qu'elles parurent telles à l'amoureux Ferdinand. D. Juan qui avoit beaucoup d'afcendant fur l'efprit du Roi fon frere,les appuya de raifons fortes aufquelles ce Prince ne put refifter. Il avoit néan moins promis à la belle veuve de l'épouser & elle le preffoit inceffamment de dégager la parole. Voyant qu'il differoit toûjours, elle lui témoignoit de la froideur depuis quelque tems & le puniffoit par l'endroit le plus fenfible en lui refufant les plus petites faveurs. Elle feignit même de fe repentir de toutes les libertez qu'elle lui |