mans, qu'on peut appeller Romans hiftoriques, tels qu'eft peut-être celui ci, & qui ont, fi jel'ofe dire, quelque chose de preferable à l'Hiftoire. Ĉe font des Romans, dont le fond eft exactement vrai, & eft feulement embelli dans les circonftances. L'Hif toire fans fictions eft fouvent feche, & peu interreffante; fi on raconte les chofes précisement comme elles fe font paffées; on ennuye prefque toutes les femmes, & on dégoute auffi beaucoup d'hom

mes, qui par rapport aux livres font femmes, & fe mettent peu en peine de la science. Ces perfonnes ont befoin de quelque attrait pour suivre une lecture, comme d'une fituation nouvelle, d'une conversation paffionnée, d'un portrait ingenieux, d'une morale fine: il faut même pour leur plaire, donner beaucoup plus à l'imagination qu'à la realité. Combien de gens n'ont appris l'Hiftoire Grecque & Romaine qu'au Théa tre ? Cette science acquife

de cette façon est bien fuperficielle, il eft vrai, & eft entierement deftituée d'ordre & de principes; neanmoins

comme les

Tragedies d'ordinairen’alterent point la substance des faits hiftoriques, ou du moins ne les doivent point alterer, elles apprennent effectivement à la plufpart du monde, l'Hiftoire en general & même un peu en détail, ce qui leur fuffit. Je dis que les tragedies ne doivent point alterer le fonds effentiel des faits hiftoriques. Ce

pendant nos beaux efprits modernes fe mettent peu en peine de cette regle fon damentale, & fe plaifent à defigurer toutes chofes. On a reproché avec beaucoup de raifon ce défaut à une Tragedie nouvelle. Tout le monde peut croire, fur la foi de cette Tragedie, que D. Pedre refufa dépoufer Constance fille du Roy de Castille, parceque fon cœur étoit épris d'Inès de Caftro. Cependant ce fujet n'est point du tout historique, D. Pedre étoit veuf de

Conftance lorfqu'il s'attacha à Inès; le fond de cette Tragedie est donc purement imaginaire; mais l'auteur feroit trop heureux, si c'étoit là le prin

cipal défaut de sa piece.

L'élegant & ingenieux

Auteur du Roman de la

Comteffe de Vergi, avoüe de

bonne foy & très naïve

la

ment, qu'il n'a point voulu fe rompre la tête dans une exacte observation de chronologie. A la bonne heure. Mais il ajoute : j'ai de gayeté de cœur renverse l'ordre des temps, quoique je