EXPLICATION DU MYSTERE DE DE LA PASSION N. S. JESUS-CHRIST, Suivant la Concorde. ** ÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷÷ *** JESUS CRUCIFIÉ. PREMIERE PARTIE. CHAPITRE I. Į JESUS-CHRIST crucifié, comme un maître à qui fa croix fert de chaire, enfeigne tous les Partie I. A CHAP. I. hommes, & les inftruit de toutes les vérités néceffaires pour le falut. S. I. Les hommes plongés dans les fens avoient befoin d'un maître divin qui les détrompât de la faufJe idée qu'ils avoient des biens & des maux, & les inftruisit de leur fin, & des moyens d'y parvenir. C'est ce que JESUSCHRIST a fait par fa vie, ఈ Sur-tout par fa mort. L n'y avoit rien qui fût I plus néceffaire aux hommes, que d'être inftruits des véritables biens, & des véritables maux des moyens pour arriver au bonheur, & des ob-. ftacles contraires : du bonheur en luimême, de fa nature, de fa vérité,& par conséquent de leur fin, qui ne peut être différente da vrai bonheur. Mais il n'y avoit aucune matiére sur laquelle ils euffent moins de lumiere. Leurs paffions les avoient jettés dans CHAP. I. mille erreurs. La cupidité ne connoiffoit d'autres biens ou d'autres maux, que ceux dont les fens peuvent juger : & la cupidité étoit dominante dans tous les hommes que la grace n'avoit point changés. Tout ce qui étoit fpirituel & invifible, pasfoit pour n'être pas, ou ne faifoit aucune impreffion. On comptoit uniquement fur la vie; & fi l'on avoit quelque idée de la vertu, l'on étoit toujours préparé à la facrifier aux interêts de l'amour propre. 2. Pour détromper les hommes, il falloit autre chofe qu'une fimple inftruction. Il falloit un autre maître que l'un d'entre-eux. Il falloit que Dieu lui-même devînt vifible, qu'il vécût parmi eux; qu'il leur parlat un Langage qu'ils puffent entendre; qu'il attirât leur admiration par des miracles, & leur amour par des bienfaits; qu'après les avoir enfeignés, il prouvât la doctrine par fes exemples ; & qu'il réunît dans un dernier exemple toutes les circonftances capables de perfuader qu'il y a une autre vie que celle-ci; que la vertu eft quelque cho A ij CHAP. I. fe de très-réel; que les efperances qu'elle a d'un bonheur éternel font bien fondées; que Dieu mérite une obéiffance fans bornes, & que l'obéiffance digne de lui eft celle où l'on n'eft foutenu ni confolé que par le defir de lui plaire, tout le refte étant ôté, & l'ignominie la plus profonde fe trouvant jointe à la plus extrêmedouleur. 3. Tout cela a été divinement accompli par JESUS-CHRIST. Il eft defcendu du ciel, lui qui étoit la vie même. Il a fouffert la mort qui nous étoit dûë, & il l'a tuée par la plenitude de fa vie. Mais avant fa mort il nous at crié d'une voix de tonnerre, que nous retournaffions à lui, & que nous le fuiviffions jufques dans le fein de fon Pere où il s'eft retiré. Defcendit hûc 4. Conf. c.11. ipfa vita nostra, & tulit mortem noftram, &occidit eam de abundantia vita fua; & tonuit clamans, ut redeamus hinc ad eum in illud fecretum, unde proceffit ad nos. Toute la vie, depuis sa naissance, toutes les actions, toutes fes paroles, fa mort, fa réfurrection, fon retour vers fon Pere, forment un cri que les plus fourds font contraints d'en S. Aug. lib. 2. 2. tendre, & qui nous rappelle à lui, CHAP. I. qui ne s'est dérobé à nos yeux, que pour nous faire rentrer dans notre cœur où il eft caché : Clamans dictis, Ibid. factis, morte, vitâ, defcenfu, afcenfu: clamans ut redeamus ad eum: & difceffit ab oculis, ut redeamus ad cor, & inveniamus eum. 4. Il fuffit d'avoir des yeux pour être inftruits de notre véritable fin, & des moyens qui nous y peuvent conduire. Il fuffit de les ouvrir fur JESUS-CHRIST, pour être détrompés de nos erreurs, & de nos faux préjugés par rapport au bonheur & à la mifere. Sa feule vûë décide tout, & difpenfe de tout raifonnement. La mort nous paroiffoit terrible, & le plus grand de tous les maux en s'y foumettant il nous a détrompés. Rien n'étoit plus honteux ni plus horrible felon nos idées, que d'expirer fur une croix en choififfant pour luimême ce genre de mort, il a changé nos idées: Mori metuebant (homines): S. Aug. de morte multatus eft. Ignominiofiffimum vera relig. n. mortis genus crucem putabant : crucifi- 3. xus eft. Le defir d'avoir certains biens, & la crainte de tomber dans certains |