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CHAP. II. que Dieu s'anéantiffe? Comment peut-on même s'imaginer qu'il s'abaiffe & qu'il s'humilie? Une grandeur & une majefté effentielle peutelle jamais être autre chofe que grandeur & que majefté? Et une nature infiniment immuable peut-elle. fouffrir un changement auffi indigne d'elle, que l'humiliation & l'abaiffement? Il faut certainement exclure tout changement réel: & ce n'est pas auffi de quoi il s'agit. Mais en exceptant ce feul point, on doit convenir que lorfque la divinité fe manifefte, l'éclat & la gloire doivent accompagner fa manifeftation ; & que fi elle s'en prive, jufqu'à s'exposer à être méconnue & à être confondue avec la forme d'efclave, dont elle a bien voulu fe revêtir, elle obfcurcit fa majesté, & elle anéantit la distinction extérieure & fenfible qui devoit être entr'elle, & la forme de ferviteur qui lui fert de nuage & de vêtement.

3. On doit auffi convenir que lorfque la divinité confent à fe priver de la gloire qui lui eft dûe, & à fupprimer tous les témoignages de fa préfence, elle les facrifie alors à fa mig

féricorde & à fon amour, & qu'elle CHAP. II. leur préfere fa compaffion pour les hommes, & le deffein qu'elle a de les inftruire & de les corriger par l'exemple & par le mérite d'un tel abaiffement. Or c'eft dans cette préference de la charité & de la compaffion du Verbe éternel pour les pecheurs à fa propre gloire, que confifte l'humilité du Verbe. C'est dans le choix d'un moien qui nous eft salutaire, mais qui couvre & qui obscurcit fa majefté, que confifte fon abaiffement. C'est dans l'acceptation d'un état où le Verbe fera caché, où fa charité ne fera pas connue, où la forme d'efclave paroîtra feule, & fera prife pour le feul objet exiftant, que confifte l'anéantiffement du Verbe. Et l'on ne peut defavouer qu'une difpofition fi admirable dans le Verbe, avant qu'il fe faffe chair, ne foit un exemple d'humilité encore plus étonnant, que l'humiliation & l'obéiffance du Verbe fait chair jufqu'à la mort de la croix.

4. Cette difpofition incompréhenfible du Verbe éternel, n'eft pas feulement une preuve de fa charité

CHAP. 11. & de fon humilité, felon l'explication que je viens de donner : mais elle eft, felon faint Paul, une démonftration de la parfaite égalité du Pere & du Fils dans l'effence divine. JESUS-CHRIST, dit l'Apôtre, » ayant la forme & la nature de Dieu, » n'a point cru que ce fût pour lui » une ufurpation d'être égal à Dieu; mais il s'eft anéanti lui-même, en

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prenant la forme & la nature de » ferviteur. C'est-à-dire que JESUSCHRIST n'a renoncé pour un tems à la gloire due à fa divinité, en s'anéantiffant jufqu'à la forme de ferviteur, que parce qu'il étoit certain de fon égalité avec fon Pere; car s'il en avoit été l'ufurpateur, & qu'il n'y eût pas eu par fa naiffance un droit éternel & néceffaire, il ne fe feroit pas privé d'un éclat extérieur, qui auroit été fon unique titre. En renonçant à cet éclat, il auroit tout perdu, puifque fa majefté n'auroit été qu'empruntée, ou plûtôt ufurpée. Mais il fçavoit bien qu'il demeuroit fur le trône, en fouffrant que la gloire du trône difparût. Il fçavoit bien qu'il étoit toujours le Fils pro

pre, naturèl, & confubftantiel de fon CHAP. II, Pere, quoiqu'il s'unît à la forme de ferviteur, & que la forme de ferviteur parût feule aux yeux des hommes. Il ajoutoit la gloire de l'humilité à celle de la divinité ; & ne pouvant devenir plus grand en s'élevant, il acqueroit une nouvelle grandeur par un abaiffement volontaire, plus furprenant & plus capable de nous étonner, que fa puiffance & fa majefté naturelle. Mirabilior nobis fit in s. Deo humilitas, quàm poteftas.

Leo, ferm.

11. de paff. 5. Voilà notre modéle: Hoe fentite in vobis quod & in Christo Jefu. JESUSCHRIST eft Dieu: il s'eft anéanti. JESUS-CHRIST eft homme: il s'eft humilié jufqu'à la mort de la croix. C'est parce qu'il eft égal à son Pere, qu'il s'eft anéanti: c'est parce qu'il étoit le Roi de gloire, comme fils de l'homme, qu'il a expiré fur la croix. Rien ne paroiffoit lui moins convenir que l'anéantiffement & l'humiliation; rien n'a été plus digne de lui que l'un & l'autre : rien n'a plus fait éclater fa bonté: rien n'a été plus propre à inftruire & à reformer l'homme: rien n'a mieux prouvé

CHAP. II. que JESUS-CHRIST étoit Dieu, & le Seigneur de la gloire, que fon confentement à fe priver pour nous d'un éclat, dont il demeuroit non feulement le maître, mais le principe & la fource.

S. V.

Un tel modéle eft proposé à tous : mais fans qu'aucun puiffe atteindre jufqu'à la perfection de l'original. Chacun en exprime quelque trait: & de là vient la différence du caractere desElus. Notre gloire eft d'offrir chacun nos travaux & nos fouffrances, pour concourir à l'expreffion parfaite de ce divin modéle.

1. UN tel modéle eft propofé à tous, mais fans qu'aucun de fes imitateurs puiffe atteindre jufqu'à la perfection de l'original. L'un le copie par un endroit ; l'autre tâche de l'exprimer par un autre. Sa croix l'étale aux yeux de tous mais les vûës & lés difpofitions de ceux qui l'étudient pour le reprefenter dans eux-mêmes,

font

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