DISCO U R S P R O N O N C É D E L Y ON, Le 21. Décembre , Fête de S. Thomas, de l'année 1741. Par M. MICHON, Ecuyer, fils de M. Michon, Avocat du Roi, qu Bureau des Finances de Lyon. A LYON, de Monseigneur le Duc de VILLEROY, de la Ville & du Gouvernement. M. DCC. X L V. AVEC APPROBATION ET PERMISSION. Vet. fr. II F 1799. E Discours , qui fut prononcé il y a environ quatre ans, n'avoit pas parú au jour jusqu'ici, à cause de certain égard ou de quelque considération particulière , qui en avoit retardé, plutôt qu'empêché , l'impression s mais comme cet obstacle ne subFilte plus, do que d'ailleurs le Public a souhaité que ce petit Ouvrage fut imprimé, avec les Complimens ; l'Editeur a été bien aise d'avoir cette occasion de lui donner de nouvelles marques de son empressement à le satisfaire ; sur tout dans l'occurrence du tems présent ; vers lequel l'on a accoûtume de prononcer ces fortes de Discours, dans l'Hôtel de Ville de Lyons à la cérémonie qui s'y fait à la fin de chaque année, de la Publication des nouveaux Prévột des Marchands do Echevins de cette Ville. UTION ན ་ ལ་ ་ 2 OCT '097 قوله : { 3 D IS COURS PRONONCÉ A L'HÔTEL DE VILLE DE LYON, Le 21. Décembre 1741. QU'IL EST PLUS DIFFICILE DE CONSERVER, que d'acquérir. Viro OR Rex CHRISTIANISSIME. PRÆPOSITE, ORDINUM AUDITORES COM MEND ATISSIM I. 'HOMME foible de la naturę, & dénué de tout en naissant, ne peut durant le cours de sa vie , acquérir sans peines & fans soins, des Vertus , des Talens ou des biens de la fortune; & quand une fois il les a acquis, il ne sçauroit trop veiller à leur conservation : il n'est donc pas moins difficile de conserver , que d'acquérir ; mais pour donner plus d'étenduë à cette maxime, ne pourrois-je pas ajoûter, MESSIEURS, qu'il est même plus difficile de conserver que d'acquérir ? L'un dépend le plus souvent du hazard, tandis que l'autre est presque toujours l'effet de notre industrie. Les réflexions que je me propose de faire sur ce sujet , établiront, je crois, la vérité que j'avance ; & il ne nous fera pas difficile d'en conclure , quelle importance elle est dans la pratique, pour donner une vraie & parfaite solidité aux différens avantages & aux biens déja acquis dont nous pretendons nous conserver la jouissance : tels que font, non leulement les richesses, sur lesquelles je paroîs plus particulièrement insister ; mais encore les honneurs, les emplois, l'autorité, le crédit , la réputation, & les autres fruits de nos talens & de 'nos travaux. En effet , MESSIEURS, qu’un homme soit parvenu aux honneurs & aux grands emplois ; pour y arriver, il a fallu qu'il se pliât de bonne heure aux fonctions pénibles qu’exige une Charge ; il a compris que cette Place, qui l'élève audessus des autres, lui donnoit droit à l'estime générale, par une capacité reconnuë, ou le livroit au mépris public par le défaut d'un mérite proportionné à ses devoirs. Que d'efforts pour acquérir la réputation qui lui a fait percer la foule , & qui l'a fait juger digne de-fon-rang! Mais cette réputation soutiendra-t-elle le rigide Examen qu'on fait aujourd'hui de toutes ses démarches ? & fi elle lc foutient, n'est-ce pas parce qu'il se condamne à une contrainte plus grande que jamais ? parce qu'il se livre à un travail forcé, beaucoup au-dessus des fatigues qui l'ont précédé ? Sans cette application redoublée, n'auroit-il pas été contraint de succomber fous ces titres d'honneur, & de paroître aux yeux de la multitude dans un jour plus nuisible à la gloire, que l'obscurité même? La crainte de ce qu'il en coûte pour le conserver au faîte des Grandeurs, en fit volontairement descendre la fierté de Silla"; & la constance d'Auguste en fut ébranlée. La réputation d'un homme de Lettres sur quoi porte-t-elle d'abord ? Quelquefois sur un Ouvrage échappé au hazard, (5 qu'un premier effort de génie a enfanté assez heureusement ; qui, bien loin de lui avoir coûté beaucoup, est le fruit d'un travail presque involontaire : quelque apparence de neuf, semble annoncer aux connoisseurs de nouvelles richesses littéraires; qu'un l'avide curiosité du Public en marque l’Auteur au coin du vrai mérite ; & le voilà dès lors engagé, presque fans dessein, dans la carrière du bel Esprit. Flaté par ces ayantcoureurs d'une réputation facile , il ne fonge qu'à l'accroître ou l'entretenir. Que de veilles assiduës ? que de méditations sérieuses ? que d'ennuyeux momens ne se prépare-t-il pas ? Combien trouvera-t-il pélant le fardeau de la Renommée ? Il ne se contentera pas d'attendre que le génie l'avertisse de se mettre au travail; il faudra l'appeller, lui commander, essuyer fes caprices, & l'éprouver souvent indocile, l'échauffer malgré lui, pour ne pas devenir la fable de ce même Public, dont il avoit fait l'admiration par ses premiers ellais. De nouveaux succès exigent un furcroît de travail, toujours plus pénible par l'incertitude de l'accueil qu'on prépare aux productions nouvelles : c'est ce que les plus grands Maîtres ont éprouvé. Cinna , Pompée , & Rodogune, ces Chefs-d'æuvre du Théâtre, demanderent plus d'efforts à l'Illustre Corneille, que le Cid ne lui en avoit coûté ; l'habitude même de composer & d'écrire ne put suppléer dans la suite à un travail qui devint au-dessus de ses forces: aux représentations d’Agesilas & d’Attila; il courut risque de voir substituer un rire mocqueur aux larmes données à Chimène ; du moins lui fut-il aisé de reconnoître alors, qu'il ne pouvoit plus que perdre, en voulant ajoûter à fa réputation. Combien d'autres ont senti par propres dégoûts, & fait sentir à leurs admirateurs par un fâcheux ennui, qu'il est moins difficile d'acquérir un noin parmi les Sçavans , le porter longtems avec dignité ? La vertu même se contente des soins ordinaires de l'honnête homme pour que dans le cæur des Héros , capables des plus grandes Victoires, qu'elle n'est point exposée à se voir démentie ; & les déplorables chûtes de tant de grands Hommes , prouvent encore qu'elle n'est pas que B |