pte, à l'exception de quelques contrées, où les derniers n'étoient point foufferts. En effet c'eft à ces deux profeffions qu'elle devoit ses richeffes & fon opulence. C'est une chofe étonnante de voir ce que le travail & l'adreffe des Egyptiens tiroient d'un pays, dont l'étendue n'étoit pas fort confidérable, mais dont le fonds étoit devenu, par le bienfait du Nil & par l'induftrie laborieufe des habitans, d'une merveilleufe fécondité.. Il en fera toujours ainfi de tout roiaume, où l'attention de ceux qui gouvernent sera tournée vers le bien public. La culture des terres, & la nourriture des animaux, feront une fource inépuifable de biens & d'avantages par tout où, comme en Egypte, on fe fera un devoir de les foutenir & de les protéger par principed'Etat & de politique: & c'eft un grand malheur qu'elles foient tombées maintenant dans un mépris général, quoique ce foient elles qui fourniffent les befoins & mêmeles délices de la vie à toutes les conditions que nous regardons comme relevées. » Car, dit M. l'Abbé Fleury dans fon admirable livre des mœurs des Ifraelites, où il examine à fond la ma tiére que je traite, c'eft le payfan « qui nourrit les bourgeois, les offi- « ciers de juftice & de finance, les gen-« tilshommes, les eccléfiaftiques : & « de quelque détour que l'on fe ferve «< pour convertir l'argent en denrées, « ou les denrées en argent, il faut tou- « jours que tout revienne aux fruits de « la terre,& aux animaux qu'elle nour- « rit. Cependant, quand nous compa- < rons ensemble tous ces différens de- « grés de conditions, nous mettons « au dernier rang ceux qui travaillent « à la campagne : & plufieurs eftiment «< plus de gros bourgeois inutiles, fans « force de corps, fans industrie, sans « aucun mérite; parce qu'aiant plus d'argent, ils menent une vie plus commode & plus délicieuse. « c Mais fi nous imaginions un pays, « où la différence des conditions ne fût << pas fi grande; où vivre noblement << ne fût pas vivre fans rien faire, mais « conferver foigneufement fa liberté, « c'est-à-dire n'être fujet qu'aux loix « & à la puiffance publique, fubfifter « de fon fonds fans dépendre de per- « fonne, & fe contenter de peu plutôt «< que de faire quelque baffeffe pour « s'enrichir un pays où l'on méprisât : » l'oifiveté, la molleffe, & l'ignoran » ce des chofes néceffaires pour la vie; » & où l'on fit moins de cas du plaifir » que de la fanté & de la, force du "corps en ce pays-là il feroit bien >> plus honnête de labourer, ou de gar>> der un troupeau, que de jouer ou fe » promener toute la vie. Or il ne faut point recourir à la république de Platon, pour trouver des hommes en cet état. C'eft ainfi qu'a vécu la plus grande partie du monde pendant près de quatre mille ans : non feulement les Ifraelites mais les Egyptiens, les Grecs, les Romains, c'est-à-dire les nations les plus policées, les plus fages, les plus guerriéres, les plus éclai❤ rées en tout genre. Elles nous apprennent toutes le cas que nous devrions faire de la culture des terres, & du foin des troupeaux: dont l'une, fans parler du chanvre & du lin d'où l'on tire les toiles, nous fournit par les grains, les fruits, les légumes une nourriture non feulement abondante, mais délicieufe; & l'autre, outre les viandes exquifes dont il couvre nos tables, met prefque feul en mouvement les manufactures & le commerce par le moien des cuirs & des étofes⚫ Diod. 16. L'intention des Princes pour l'ordinaire, & leur interêt certainement, eft qu'on ménage & qu'on favorife les gens de la campagne, qui foutiennent à la lettre le poids du jour & de la chaleur, & qui portent une grande partie des charges du roiaume. Mais les bonnes intentions des Princes font fouvent fruftrées par l'infatiable & impitoiable avidité de ceux qui font chargés du récouvrement de leurs deniers. L'hiftoire nous a conservé une belle parole de Tibere à ce fujet. Un 57.p.608. Gouverneur du pays même dont nous parlons ici, c'est-à-dire de l'Egypte, aiant augmenté l'impofition annuelle que paioit la province, fans doute pour faire la cour à l'Empereur, & lui aiant envoié une fomme plus confidérable qu'à l'ordinaire; Tibere, qui dans fes premiéres années penfoit ou du moins parloit bien, lui répondit, que a fon intention étoit qu'on tondit fes brebis,& non pas qu'on les écorchât. Bap. 11. CHAPITRE SIXIEME JE De la fécondité de l'Egypte.. E ne parlerai ici que de quelques plantes particuliéres à l'Egypte, & de l'abondance du blé qui y croiffoit. Papyrus. C'eft une plante qui pouffe quantité de tiges triangulaires hauPlin. lib. 13. tes de fix ou fept coudées. Les anciens ont écrit dabord fur des feuilles de palmiers: puis fur des écorces d'arbres d'où eft venu le mot liber: après cela fur des tablettes enduites de cire, où l'on imprimoit les caracteres avec un poinçon qui avoit un bout aigu pour écrire, & l'autre plat pour effacer; ce qui a donné lieu à cette expreffion Satyr. 10. d'Horace, Sæpe ftylum vertas, iterum quæ digna legi fint Scripturus: vrage, qui fignifie que pour faire un bon ouil faut beaucoup effacer, beaucoup corriger. Enfin on introduifit l'ufage du papier. C'étoient des feuilles propres à écrire, faites de l'écorce de la plante dont nous parlons, papyrus, appellée autrement byblus :: |