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LIVRE SECOND.

HISTOIRE

DES

CARTHAGINOIS.

E DIVISER AI en deux parties ce que j'ai à dire fur les Carthaginois. Dans la premiére je donnerai une idée générale des mœurs de ce peuple, de fon caracte de fon gouvernement, de fa reli gion, de fa puiffance, & de fes richeffes. Dans la feconde, après avoir indiqué en peu de mots la manière dont Carthage s'établit & s'accrut, je ra porterai les guerres qui l'ont rendu fi

re,

célébre.

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PREMIERE PARTIE.

CARACTERE, MOEURS

RELIGION, GOUVERNEMENT

DES

CARTHAGINOIS.

§. I. CARTHAGE formée fur le modéle de Tyr, dont elle étoit une colonie.

L

ES CARTHAGINOIS ont re çu des Tyriens, non feulement leur origine, mais leurs mœurs, leur langage, leurs ufages, leurs loix, leur religion, leur gour leur induftrie pour le commerce, comme toute la fuite le fera connoitre. Ils parloient le même langage que les Tyriens, & ceux-ci le même que les Cananéens & les Ifraelites, c'est-à-dire la langue hébraïque, ou du moins une langue qui en étoit entiérement dérivée. Leurs noms avoient pour l'ordinaire Part. 22. une fignification particuliére. Hannon, fignifie gracieux, bienfaifant: Di

Bochard.

5. 16.

don, aimable ou bien aimée : Sophonisbe, elle gardera bien le fecret de fon mari. Ils fe plaifoient auffi, par efprit de religion, à faire entrer le nom de Dieu dans les noms qu'ils portoient, felon le génie des Hébreux. Annibal, qui répond à Ananias, fignifie Baal (ou le Seigneur) m'a fait grace: Afdrubal, qui répond à Azarias, fignifie le Seigneur fera notre fecours. Il en eft ainfi des autres noms: Adherbal, Maharbal, Maftanabal, &c. Le mot Pani, d'où vient Punique, eft le même que Phani ou Phéniciens, parce qu'ils tiroient leur origine de la Phénicie. On a dans le Panulus de Plaute une fcene en langue Punique, qui a fort exercé les fa

vans.

Mais ce qu'il y a de plus remarquable ici, c'est l'union étroite qui a toujours fubfifté entre les Phéniciens & les Carthaginois. Lorfque Cambyfe Herod. 1.3. voulut porter la guerre contre ces der-17 & 19. niers, les Phéniciens, qui faifoient la principale force de fon armée navale, lui déclarerent nettement qu'ils ne pouvoient pas le fervir contre leurs compatriotes : & ce Prince fut obligé de renoncer à fon deffein. Les Carthaginois de leur côté n'oublierent jamais

d'où ils étoient fortis, & à qui ils dePolyb. pag. voient leur origine. Ils envoioient ré2. Curt. 1. gulierement à Tyr tous les ans un .cap.3. vaiffeau chargé de préfens, qui étoient

944.

comme un cens & une redevance qu'ils paioient à leur ancienne patrie, & ils faifoient offrir un facrifice annuel aux dieux tutélaires du pays, qu'ils regardoient auffi comme-leurs prote&teurs. Ils ne manquoient jamais à y envoyer les prémices de leurs revenus, auffi bien que la dixme des dépouilles & du butin qu'ils faifoient fur les ennemis, pour les offrir à Hercule, une des principales divinités de Tyr & de Carthage. Lorfque Tyr fut affiégée par Alexandre, les Tyriens, pour mettre en fûreté ce qu'ils avoient de plus cher, envoierent à Carthage leurs femmes & leurs enfans, qui y furent reçus & entretenus, quoi que dans le tems d'une guerre fort preffante, avec une bonté & une générofité telles qu'on auroit pu les attendre des peres & des meres les plus tendres & les plus opulens.Ces marques conftantes d'une vive & fincere reconnoiffance font plus d'honneur à une nation que les plus grandes conquêtes & les plus glo rieufes victoires.

§. II. RELIGION DES
Carthaginois.

Liv. 1. 284
I.

IL PAROIT par plufieurs traits de l'histoire de Carthage que fes Généraux regardoient comme un devoir effentiel de commencer & de finir leurs entreprises par le culte des dieux. Amilcar, pere du grand Annibal, avant que d'entrer en Efpagne pour y*. 1. y' faire la guerre, eut foin d'offrir des facrifices aux dieux. Son fils marchant Ib. 3.2 mg. fur les traces, avant que de partir de l'Espagne, & de marcher contre les Romains, fe transporte jusqu'à Cadix, pour s'acquitter des vœux qu'il avoit faits à Hercule, & il lui en fait de nouveaux, fi ce dieu favorife fon entreprife. Après la bataille de Cannes lorfqu'il fit favoir cette heureuse nou- Lib. 23. velle à Carthage, il recommanda fur ". tout qu'on eût foin de rendre aux dieux immortels de folennelles actions de graces pour toutes les victoires qu'il avoit remportées : Pro his tantis torque victoriis verum effe grates diis immortalibus agi haberique.

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Ce n'étoient pas feulement les particuliers qui fe piquoient ainfi de faire paroitre en toute occafion un foin re

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