digne du fang dont il fortoit & de la Princeffe qu'il adoroit. La diffi

culté étoit de faire confentir le Duc & la Ducheffe à fon deffein, leur tendreffe l'alarmoit: cependant il crut qu'ayant alors près de dix-fept ans, il pouvoit demander à montrer fon courage fans courir le rifque d'être refufé. Il étoit dans cette genereuse resolution, lorfqu'on le vint avertir de l'arrivée du Duc & du départ de la Ducheffe fa mere pour Zahara. Cette conjoncture parut trop favorable à Dom Alvare pour la négliger; l'absence de fa mere & de fa foeur lui ôtant la crainte de les voir s'opposer aux mouvemens que lui infpiroit fa valeur, il fe rendit auprès du Duc de l'Infantade, où, après un entretien qui ne rouloit que fur des affaires fimplement domeftiques, Dom Alvare changeant de difcours, &

regardant le Duc avec une hardieffe refpectueufe.Quoique la folitude où je fuis, Seigneur, lui dit-il, ne rendent pas mes avantures dignes de votre attention, je ne puis me difpenfer de vous inftruire de celle qui m'arriva hier. Un cerf obftiné (continua-t-il voyant que le Duc l'écoutoit) évita cent fois par fa legereté la pourfuite des chiens & la force de mon bras. Il fembloit que cette bête me reprochoit le peu d'honneur que j'acquerois en la poursuivant, dans un tems où je devrois expofer ma vie dans de plus grands perils, en fervant ma Patrie & mon Roi. Ces réflexions m'ont enhardi, Seigneur, continua-t-il en fe jettant à fes pieds, à vous venir fupplier de me permettre d'aller montrer à toute l'Efpagne que je fuis votre fils. Il fe tut à ces mots, attendant avec impatience. la réponse du Duc.

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Je fuis charmé, mon fils, lui dit ce grand homme en l'embrasfant & le faifant relever, de l'amour que vous marquez pour gloire. Je n'ai point prétendu vous tenir enfermé dans cette folitude, mais votre âge ne m'a pas permis de vous livrer fi-tôt aux dangers de la guerre. Dans peu vous ferez content, Gonfalve de Cordouë doit partir pour la Conquête de Naples, & j'ai réfolu de vous faire fervir fous lui. Sa valeur & fa prudence lui ont acquis le nom de grand Capitaine, & ce n'est que lous un tel Maître que vous pourrez apprendre à devenir utile à votre Roi.

Dom Alvare ne s'attendoit pas à porter les armes fi loin de Grenade; mais diffimulant fa douleur, il remercia le Duc, qui le laiffa bientôt en liberté de fe plaindre du commencement des malheurs

dont il fut accablé dans la fuite. Les occupations du Duc de l'Infantade ne lui permettant pas de refter long-tems dans ce lieu, il en partit le lendemain,en affurant Dom Alvare qu'il alloit travailler fortement à le tirer de ce defert. Și ce jeune Seigneur n'avoit eu que de l'ambition, cette promeffe auroit remis la tranquillité dans fon ame; mais l'Amour y exerçoit fon empire avec trop de rigueur, pour lui faire arrêter les pensées fur des projets, qui n'avoient pas la Princeffe de Grenade pour objet; fa paffion prenoit tout les jours de nouvelles forces. Le portrait de Félime qu'il regardoit lans ceffe,le fortifioit dans la refolution de l'aimer éternellement ; & comme l'absence de la Ducheffe & de la jeune Elvire le rendoit maître abfolu de fes actions, il pafloit la plus grande partie des

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jours dans l'endroit de la forêt où il avoit trouvé Zéluma. Là, il rappelloit à fon efprit le doux efpoir dont il l'avoit flatté; & formant cent refolutions differentes, il ne lui en reftoit que la douleur de voir qu'il étoit dans l'impuiffance d'en executer aucune. Cette cruelle fituation le fit tomber dans une mélancolie qui auroit peut-être terminé sa vie, s'il n'avoit reçû des nouvelles du Duc de l'Infantade, qui firent renaître dans fon cœur l'efperance qu'il avoit perdu.

Il y avoit près d'un mois que Dom Alvare languiffoit dans l'incertitude de fon fort, lorfque le Duc fon pere lui envoya un Exprès, pour l'inftruire des projets nouveaux qu'il avoit fait pour fa tisfaire l'envie qu'il témoignoit de fe fignaler. Le Gentilhomme qui étoit chargé de cette commiffion,