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fui cria cent fois de se rendre, & aux fiens de l'épargner. Enfin accablé de bleffures & de laffitude, ce jeune Heros fut contraint de ceder. LesMaures qui craignoient la venuë du jour, affurés de leur perte, s'ils ne le prevenoient, fatisfaits du butin & du maffacre qu'ils avoient fait dans la ville, en fortirent auffi-tôt qu'ils fe virent maîtres de Dom Alvare. La nouvelle de cette action arriva avec l'aurore à Medina del Campo, où le Roi Ferdinand étoit alors. Quelques fuyars publierent l'extraordinaire valeur de Dom Alvare, & quelques-uns affurerent le Duc de l'Infantade de fa mort. Ferdinand fe plaignit de la ruptu re de la Tréve; mais le Roi de Grenade répondit, que pendant ce tems il étoit permis de furpren dre des Villes, pourvû qu'on n'en pas le fiege. Cette réponse fit

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recommencer la guerre avec plus de vigueur, & Ferdinand répara fa perte par la prife des plus confiderables Villes des Maures, qui fe virent prefque reduits à n'avoirque Grenade pour azile.

Qui pourroit cependant décrire l'extrême douleur du Duc de l'Infantade, lorfqu'ayant envoyé à Grenade pour fçavoir fi Dom Alvare n'étoit point de ceux qu'on avoit pris à Zahara, ne l'ayant pas trouvé parmi les morts, il eut pour toute réponse qu'il n'y avoit point de prifonniers de cette importance, & qu'il faloit abfolument qu'il eût été tué, & tellement défiguré par la quantité de fes bleffures, que l'on ne l'eût point reconnu. Ces funeftes nouvelles mirent la défolation dans cette maison: on n'y voyoit plus que des pleurs, on y entendoit que des gémiflemens, & jamais affli

tion ne fut plus vive & plus generale; mais celle de la Ducheffe furpaffoit en quelque forte tout ce que fentoient de douloureux le Duc fon époux & Dona Elvire fa fille. La conformité qu'elle trouvoit de cette perte à celle qu'Ifabelle de Portugal fa mere avoit faite d'un fils, dont depuis l'âge de de dix ans on ignoroit le fort, lui faifoit faire les plus cruelles réflexions fur la fatalité de fa deftinée, qui lui avoit ôté un frere qui devoit foûtenir les reftes d'une famille infortunée, & qui lui arra choit un fils qui faifoit toute fon efperance. En effet la Ducheffe de l'Infantade avoit eu deux freres qui furent mis comme elle fous la protection des Rois de Caftille, qui voulant fuivre en tout les intentions de la malheureuse Ducheffe de Bragance, avoient fait élever Jacques de Portugal,

Paîné de fes fils, dans l'éclat qu'e xigeoit fa naiffance, & Alonze fon frere dans l'ignorance de la nobleffe de fon fang, afin que fi le Prince Jacques n'eût pû éviter le courroux du Roi de Portugal, Alonze fon cadet ne fût point expofé à de pareils dangers, en vi vant dans une condition mediocre; & c'étoit de ce même Alondont la Ducheffe de l'Infantade comparoit la perte à celle de Dom Alvare fon fils.

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Mais tandis qu'Eleonor s'aban'donnoit à fa douleur, que Dona Elvire la fecondoit par fes larmes, & que le Duc de l'Infantade cachoit une partie de la fienne par grandeur d'ame, le fort préparoit à Grenade des avantures à Dom Alvare, qui auroient fans doute fait ceffer les regrets des illuftres perfonnes aufquelles il étoit fi cher, fi elles en avoient pû être. inftruites.

Ileft donc tems de retourner à ce jeune Heros, & de faire voir par quels détours l'amour le conduifit aux pieds de la charmante Princeffe de Grenade.

Hali d'Aoub ne fut pas plûtôt de retour à Grenade, qu'il vendit comme efclave le peu de prifonniers qu'il avoit fait. Dom Alvare étant le feul, qui par fa perfonne & fa valeur lui fit foupçonner la grandeur de fa naiffance, & fachant la recherche que l'on farfoit du fils du Duc de l'Infantade; la crainte qu'on ne lui demandât pour en faire un échange, & de perdre parlà le prix qu'il en efperoit en le vendant comme les au tres, lui fit profiter de l'état où fes bleffures l'avoient réduit, pour publier que celui qui avoit combattu avec tant de courage à Zahara étoit mort fur le champ de bataille; comme le combat s'étoit.

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