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claves d'Abdelec. Quelles refle xions ne fit-il point fur toutes ces chofes, & quel plaifir ne fe fit-il pas d'aller dans le Palais qui renfermoit celle qui poffedoit fon cœur ! Ces différentes penfées le fuivirent dans l'Alembre, où il se rendit avec douze efelaves chargés de corbeilles pleines des fleurs Les plus rares.

Hefperenfe de Hita, jeune ef clave chrétienne, favorite de la Reine, l'introduifit auprès d'elle. Cette Princeffe étoit couchée fur un fofa de drap d'or, entourée d'un grand nombre de Dames affifes fur descarreaux,de la mê+ me étoffe ; une feule d entr'elles entretenoit la Reine, & montroit par fes geftes que le fujet de cette converfation la touchoit fenfiblement. Ses yeux mêmes exprimoient par quelques larmes, l'in fon cœur y prenoit, &

terêt que

Fadmirable Princeffe qui l'écou toit, fembloit par fa profonde trifteffe, reffentir les maux de cette belle perfonne.

Joraé entra dans ce moment & fe mit à genoux avec la fuite,felon': la coutume; mais lorsqu'ayant relevé les yeux qu'il avoit tenus baiffés par refpect, & qu'il voulut parler, il fut frappé de la vûë de Félime, cette même Dame qui entretenoit fi triftement la Reine. Ses fens fe glacerent, il pâlit, il rougit, &fon trouble fut fi grand, que pour le cacher il fut contraint de baiffer la tête une seconde fois. Les autres efclaves, qui attendoient qu'il fe relevât pour en fai re de même, étoient furpris de la longueur des refpects de leur conducteur. Enfin forcé de fortir de ce lieu, il fe leva, fit mettre les corbeilles aux pieds de la Reine, fe remit à genoux, & fortit fans.

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avoir eu la force de rien dire cette Princeffe. Hefperence de Hita le fuivit, & ce ne fut qu'à. elle qu'il apprit que ce prefent venoit d'Almoradine.

Il congedia les autres efclaves,, & s'étant fait conduire au bois des trois Fontaines, il ne fe vit pas. plûtôt en liberté, qu'avec un tranfport dont il ne fut pas le maî tre: Que vous aviez raison, Princeffe, s'écria-t-il, quand vous. m'affuriez que l'Alembre étoit une merveille; mais helas! ces jardins, ces eaux & cette magnique ftructure n'en font point les beautés : c'eft Félime, c'est cette incomparable Princeffe qui fait tous les charmes de ce Palais. Il fe tut à ces mots, & fon amour, qui, jufqu'alors n'avoit eu qu'une peinture pour objet, en ayant un réel & digne de fa violence, on peut dire qu'il en augmenta de façon à

fui faire connoître que fa flamme feroit éternelle.

Ce fut dans le filence qu'il s'é-toit impofé, que faifant une exa

&te recherche de fes fentimens, il. se trouva heureux, & cependant à plaindre. Heureux d'aimer & d'adorer une Princefle fi digne de l'être, mais à plaindre, d'ignorer fi Zéluma avoit trouvé des difpofitions favorables pour lui, & de craindre de n'en être pas aimé un jour.

Pour s'arracher une idée fi cruelle, il voulut voir fi le portrait de Félime avoit bien tous les traits qui venoient de le fraper nouvellement ; il le cherche & ne fe trouve point. Cet accident le toucha vivement, & cette ame qui fupportoit avec tant de courage une fatale captivité, ne put foutenir la perte de cette peinture fans en être accablé..

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Mais tandis qu'il rêvoit aux confequences de ce dernier mal heur, la Princeffe Almoradine qui avoit choifi les jardins de l'Alembre où le monde n'abordoit pas comme dans l'Albifain, pour entretenir Joraé fans être interrompuë, en fortit peu de tems après lui,en traverfant une fuperbe terraffe qui feparoit fon appar tement de celui du Prince Abdelec fon pere. Elle vit briller quelque chose à fes pieds,elle le prend & trouve le portrait qui caufoit en ce moment tant d'inquiétude à Dom Alvare. Almoradine y res connut fans peine la Princeffe de Grenade; outre les traits difficiles à méconnoître, il n'y avoit qu'elle & la Reine entre toutes les DamesdeceRoyaume,qui euffent les cheveux blonds. Cette vûë la furprit; & ne pouvant deviner qui pouvoit avoir poffedé & per.

du:

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