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myrthe. Almoradine fit éloigner Dom Alvare & s'avança au-devant de la Reine, qui, furprise de la trouver dans ce lieu, ne put lui en cacher fon étonnement: Quoi feule ici! lui dit-elle en l'abordant, quel deffein vous rend aujourd'hui fi folitaire? Celui de voir votre Majesté sans témoins, lui répondit Almoradine, pour la fupplier qu'un esclave digne d'un fort plus heureux, puiffe paroître devant elle. Comme il eft

défendu par nos loix à tous les mortels de lever les yeux fur le Soleil qui nous éclaire, je venois demander à cet Aftre, continuat-elle en baifant la main de la Reine, que cet esclave puisse joüir un moment de fes divins rayons. L'aftre dont vous parlez, belle Almoradine, lui dit cette Princeffe en l'embraffant, ne vous refufera jamais rien, & vous deman

dez trop galament pour ne pas tout obtenir. Nous fommes feules, faites venir l'heureux captif que vous protegez. Almoradine ayant jetté les yeux fur l'endroit où Dom Alvare s'étoit retiré, & l'appercevant entre les arbres : Approchez Joraé, lui dit-elle, & venez rendre grace à la Reine, de ce qu'elle vous permet de pa

roître devant elle.

Dom Alvare étoit fait de ma→ niere à s'attirer les regards de toute la terre, & fous un habit d'efclave on diftinguoit aifément son illuftre naiffance. La Reine fut furprise de l'air majestueux avec lequel il l'aborda, & Félime fentit à fa vûe une émotion qui la fit rougir fans en fçavoir la caufe. Joraé fe jetta aux pieds de la Reine, & cette Princeffe lui ayant ordonné de fe relever: Il me femble, dit-elle en fe tournant du côté

de Félime, que c'eft le même qui m'a tantôt présenté les fleurs d'Almoradine. Oui, Madame, lui répondit Dom Alvare, j'ai eu cet honneur ce matin, & dès ce moment, fi j'euffe ofé, j'aurois demandé à votre Majefté fa protection dans un pays où tout lui eft foamis; mais la Princeffe Almoradine, touchée de mes malheurs, a voulu me prefenter ellemême à l'illuftre Reine de Grenade.

Dom Alvare prononça ces paroles avec une fi noble hardieffe, que la Reine ne put lui refuser fon admiration; & lui ayant demandé fon nom & fon pays, Dom Alvare,voulant profiter de cette queftion pour connoître les fentimens de Félime avant que de fe découvrir Jefuis, Madame, lui dit-il, fujet des Rois de Caftille; mon pere ayant été Gouverneur du

fils du Duc de l'Infantade je fus élevé près de lui, il m'honnora de fa confiance; & comme je ne le quittois jamais, je me trouvai avec lui à l'entreprise de Zahara. Mais l'ayant perdu dans la foule des ennemis qui l'environnerent, & ne doutant point qu'il ne fuccombât fous leurs coups, je ne ménageai plus nima vie, ni ma liberté, je me jettai au milieu des Maures qui furent bien-tôt maîtres de mon fort: & le Capitaine Hali d'Aoub m'ayant pris, il m'amena à Grenade où il me vendit au Prince Abdelec. La Princeffe Almoradine a fi bien adouci la rigueur de mon efclavage, que fans l'inquiétude où je fuis du destin de mon maître, je pourrois me croire heureux.

Pendant tout ce difcours la Reine & Félime fe regardoient avec les marques d'un grand

éronnement. Hé quoy, lui dit la Reine, vous n'avez donc rien appris de Dom Alvare?

pour

Non, Madame, lui dit-il. Avant cette fatale avanture il devoit m'envoyer en ces lieux inftruire le Prince Zéluma d'une affaire importante; mais mon efclavage & le peu d'accès que les captifs ont auprès des Princes qu'ils ne fervent pas, m'ont ôté l'occafion de m'acquiter de l'ordre de mon maître; & c'eft, continua-t-il en fe baiffant profondément, pour fupplier votre Majefté de me permettre d'entrer dans ce Palais & de voir le Prince Zéluma, que j'ai eu la témerité de paroître à fes yeux.

Félime écoutoit Joraé avec une attention & un plaifir dont elle étoit épouvantée; ce qui fe paffoit dans fon cœur allarmoit fa vertu; l'interêt qu'elle prenoit aux avan

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