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les Médecins. Il réfolut d'aller prendre les eaux d'Algarve,qu'on afluroit lui être neceflaires, mais il mourut en y arrivant.

Lorfqu'il fe vit approcher de fon dernier moment, il affembla les principaux de ceux qui l'avoient fuivi; & leur ayant fait l'éloge d'Emanuel, avec une éloquence qui ne fe fentoit pas des approches de la mort, il leur dé clara qu'il le laissoit heritier de fa Couronne, & les excita à lui obéir avec joye. Lorfqu'il fut affuré qu'on approuvoit fon choix, il fit fon teftament conformément à fa déclaration, & il expira regretté universellement.

- Le Prince Emanuel reçut cette nouvelle d'une façon qui fit éclater en un inftant lesvertus qui le diftinguent aujourd'hui de la plus grande partie des Rois de l'univers; en effet, il reçut l'Empire

avec une modération héroïque, & la gloire de monter au Trône, bien loin de l'éblouir, ne fervit qu'à rendre fa douleur plus écla tante. Il regreta le feu Roi comme un parent & un ami qui, n'ayant rien negligé pour lui marquer fa tendreffe pendant fa vie, méritoit toutes les marques qu'il lui donnoit de fa reconnoillance. Après fa mort le peuple fuivic fans contrainte les defirs du nouveau Roi, & un deüil univerfel retarda quelque tems les témoi gnages de la joye que l'on reffentoit d'avoir un Monarque fi accompli.

Après qu'Emanuel eut donné à fa douleur le tems de fe moderer, il ne fongea plus qu'à méri-· ter juftement l'eftime que le feu Roi avoit fait de lui; mais comme parut ne vouloir rien changer de tout ce que Jean II. avoit fait,

il

la Princefle Beatrix, craignant qu'il n'oubliât les Princes vos fre res, en écrivit aux Rois de Caftille, qui, devant envoyer des Ambaffadeurs pour le féliciter de fon avenement à l'Empire, les chargerent de ne rien épargner pour le rétablissement de la maison du Duc de Bragance, & le retour de fes fils. Car, Madame, quoiqu'on ignorât ce que le Prince Alonze étoit devenu', on ne laiffoit pas de le vouloir comprendre dans les Traités de cet accommodement, en cas que le Ciel l'eût confervé à fa famille. Enfin les Princesses étant averties de l'arrivée des Ambaffadeurs des Rois de Castille, & des juftes demandes qu'ils faifoient en leur faveur, refolurent de venir à la Cour se jetter aux pieds du Roi. Ce fut pour la premiere fois depuis la mort du Prince votre pere..

La Ducheffe de Bragance; quoique mourante, voulut y paroître, & joindre fes larmes aux preffantes raifons dont la Princefle Beatrix fa mere avoit deffein de convaincre le Roi fon fils. Je fus prefent, Madame à cette touchante entrevûë; & fi les fanglots que je fens, qui me coupent la voix, me permettent de vous la raconter, je fuis perfuadé qu'elle vous attendrira de joye & de douleur à la fois. A ces mots le Gentilhomme Portugais, ayant gardé un moment de filence pour fe remettre du trouble que ce fou venir avoit excité dans fon cœur, reprit la parole & continua ainfi.

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Le Roi fortoit du Confeil, où les Ambaffadeurs de Caftille avoient parlé avec chaleur fur le rétabliffement des Princes vos freres. Il étoit fuivi d'une nombreuse Cour, lorsque la Duchef

fe votre mere, foutenuë par par deux Ecuyers,accompagnée de la Princeffe Beatrix & de toutes les Dames du premier rang, s'offrit à sa vûë. La Ducheffe, dont le grand deüil relevoit la majesté naturelle, & qui faifoit voir en même tems la caufe de fa douleur, s'avança la premiere : & le Roi les ayant rêçûës avec les tendreffes d'un fils & d'un frere, la triste Ifabelle voulant profiter de ce moment qui lui parut favorable, fe baiffant autant que fa foibleffe lui put permettre.

Sire, lui dit-elle, nous venons fçavoir fi nous ferons les feules qui ne connoîtront point votre clemence, & fi les malheureux enfans de l'infortuné Duc de Bragance, ne pourront fe réjouir de votre avenement à l'Empire. Ses pleurs ne lui permirent pas d'en dire davantage : cependant quoi

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