Imágenes de páginas
PDF
EPUB

& la Couronne. Hélas, continuat-il, je ne les regrette plus que pour vous.

Quoique cette Princesse n'eût jamais entendu que ces feules paroles de tendreffe de la bouche de Boadilly, elle en fut vivement touchée; mais comme le tems preffoit, elle ordonna qu'on fîț venir le Prince Dom Alonze, & lorfqu'il fut devant elle: Seigneur, lui dit-elle, vous êtes fi généreux, que j'efpere que vous oublîrez l'offenfe qu'on vous à faite, & que vous voudrez bien nous en obtenir le pardon des Rois de Caftille: Allez donc Seigneur, déclarer à Ferdinand, que Boadilly fe reconnoît fon fujet, & qu'il le fupplie, par ma bouche, de faire connoître fa clemence à un peuple plus malheureux que coupable, & d'avoir quelque confideration pour la

Famille Royale dont vous voyez les reftes infortunés. Dom Alonze fut fi touché du difcours de cette belle Reine, qu'il ne put s'empêcher de répandre des larmes: Ne doutez point, Madame, lui répondit-il, de la clemence de Ferdinand, & du refpect qu'il vous fera rendre.

Boadilly, dont le mal augmentoit, le pria de ne pas differer plus long-tems, pour qu'il eût la confolation, avant que de mourir, de rendre la vie à fon peuple. Alonze lui prit la main qu'il lui avoit tenduë; & lui ayant bailée,

il fortit de l'Alembre avec tout ce qui y reftoit d'hommes, en faifant crier: Liberté.

Sa vûë fit retentir la ville de cris de joye, le peuple le fuivoit en foule en le nommant fon Li

berateur;& ayant fait avancer un Herault pour demander aux afLiegeans

[ocr errors]

fiegeans de pouvoir aller en fûreté jufqu'à Ferdinand; & l'ayant obtenu, il fortit de la ville avec quatre ou cinq des principaux. Seigneurs de Grenade. On le condufit au Quartier du Roi de Caftille, où fe venoient de rendre le Duc de l'Infantade & Dom Alvare. La vûë d'Alonze fit faire une exclamation au dernier, qui marqua bien l'interêt qu'il prenoit en lui. Cependant le refpect du lieu ayant retenu fes mouve mens de joye, il attendit la fin de cette avanture avec la derniere impatience.

Dom Alonze ayant mis un genoux en terre devant Ferdinand, lui parla en ces termes: Sire l'augufte protection que votre Majefté a accordée aux enfans du feu Duc de Bragance mon pere, me fait efperer qu'Elle voudra bien l'étendre auffi fur moi. Bb

Quoi que mon malheur m'ait rendu inconnu jufqu'alors à votreMajefté,&qu'elle voudra bien recevoir, pour preuve de mon zele & de l'attachement que je lui dois, la joye que j'ai d'être le premier à lui apporter la nouvelle de la foumiffion de Boadilly à fes volontés, & de la réduc tion de la ville de Grenade dont les habitans implorent votre clemence. Leur vertueufe Reine defcend du Trône avec joye pour vous le ceder,& la Famille Royale fupplie votre Majefté de ne pas differer fon triomphe, pour avoir la confolation de fe ranger fous fon obéiffance.

Ce difcours prononcé avec les graces qui accompagnoient toûjours les actions de ce Prince, fit faire un murmure d'aplaudiffemens, qui ne fut interrompu, que lorfque Ferdinand voulut y

[ocr errors]

répondre. Cet augufte Monarque le fit d'une maniere fi magnanime, que Dom Alonze eut lieu d'en être content. Comme Prince & comme Envoyé de Boadilly, il l'affura de l'ordre & de la retenue des troupes qu'il alloit faire entrer dans la ville, & du refpect que l'on auroit pour Almahide & les Princefles. Après cette réponse, Dom Alonze fe voyant en liberté de recevoir les embrassemens du Duc de l'Infantade & de Dom Alvare, s'y livra avec un plaifir extrême. Dom Alvare ayant obtenu du Roi la permiffion de fuivre Of min dans Grenade, ils y rentrerent ensemble, tandis que les Lieutenans de Ferdinand firent filer l'Armée dans tous les quartiers de la ville, ce Prince chargeant Dom Alonze & le fils du Duc de l'Infantade de faire pof

« AnteriorContinuar »