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ter fes troupes dans les endroits les plus convenables.

Les ordres du Roi de Castille furent fi ponctuellement executés, qu'il parut au peuple de Grenade qu'ils recevoient plûtôt des amis chéris, que des ennemis vainqueurs. Le bruit des tambours & des trompettes étant par venu au Palais de l'Alembre, le trifte Boadilly, qui n'avoit jamais voulu fouffrir qu'on panfât fa bleffure, fentit un redoublement de défefpoir qui lui fit per-dre la vie. La caufe de fa mort excita une compaffion qui fit répandre plus de larmes qu'il n'en devoit vrai-femblablement attendre; on le plaignit, mais on ne

le

regretta pas. Le Prince Alonze & Dom Alvare entrerent dans l'Alembre comme il venoit d'expirer; les pleurs d'Almahide & des Princeffes les contraignirent

de cacher leur joye pour s'accommoder à leur trifteffe, & l'amour ne pouvant s'exprimer que par leurs yeux, ils fe fervirent de ce langage muet pour expliquer l'ardeur dont ils brûloient, tandis que leurs bouches employerent les paroles de confolation & de condoléance. Ferdinand ayant appris la mort de Boadilly, remit fon Entrée dans la ville à l'arrivée de la Reine Ifabelle, à laquelle il depêcha un courrier pour l'inftruire de l'heureux fuccès de fes armes, & la prier de le venir joindre à Grenade avec les Dames de fa Cour & le Prince Zéluma.

La tranquillité qu'on vit alors dans toute la ville de Grenade ayant un peu adouci la douleur des Princeffes & les refpects qu'on leur rendoit leur ayant ôté toute idée de fervitude, elles

reprirent infenfiblement un air moins trifte & plus conforme à leurs fecrets fentimens. La tendresse, la confiance & l'espoir firent paffer d'heureux momens à Dom Alvare & à Félime, ainsi qu'à Dom Alonze & à Almoradine. La feule Almahide gardoit une majesté severe ; & fe voyant dans la liberté de fuivre fa pieté, elle étoit plus fouvent occupée à prier le Ciel pour la converfion des Maures, qu'aux tendres entretiens de nos amans. Elle ne voulut se reserver encore quelque pouvoir, que pour ordonner la reception des Rois de Caftille. Elle s'y employa avec un foin qui renditleur Entrée des plus pompeuse.

La Reine Ifabelle étant arrivée le cinquième jour auprès de Ferdinand, ils envoyerent Zéluma vers les Princeffes pour les

préparer à les recevoir. Jamais. triomphe ne fut plus fuperbe: l'Hiftoire en fait tant de mention, que je ne le détaillerai point. Je dirai feulement que Zéluma, à la tête des plus grands de Grenade fut au devant des Rois de Caftille leur presenter les clefs de la ville; que ces auguftes Princes s'avancerent en ordre avec une Cour fuperbe & nombreuse en Seigneurs & en Dames au Palais de l'Alembre,au fon des timbales & des trompettes, & au bruit des acclamations du peuple. La Reine Almahide, les Princeffes, & generalement toutes les Dames Grenadines, vinrent recevoir les Rois aux portes du Palais; Almahide voulut fe jetter à leurs pieds, mais ils l'en empêcherent & la traiterent plûtôt en Reine qu'en fujette. Comme la Reine Ifabelle fut avertie qu'Almahide

vouloit lui ceder l'Alembre, elle ne le voulut pas permettre, & lui fit partager fon appartement. Tant de magnanimité lui firent bien-tôt oublier la perte d'un Empire qu'elle n'avoit occupée qu'à regret: cependant les Rois Ferdinand & Ifabelle, pour montrer à l'Univers que la pieté les avoit porté à la conquête de Grenade, plûtôt que l'ambition, commencerent avec ferveur à travailler à la converfion des Maures. L'exemple des Princeffes & de Zéluma qui firent une abjuration autentique, auffi-bien que le retour à la même foi d'Almahide & du Prince Dom Alonze, entraîna presque le reste de Grenade à les imiter.

Ces fameufes cérémonies ayant été fuivies des illuftres mariages de Dom Alvare, qui prit alors le titre du Comte de Saldagne avec

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