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Je vous répond pour tous, lui dit la Reine, de l'envie qu'ils ont de yous fervir. Mais Dom Alyacontinua-t'elle croiriezvous voir dans la Reine des Maures une femme élevée en Espagne ; & ce pourroit-il que vous ne me connulliez point? Les rares qualités de l'incomparable Almahide, lui répondit-il, ont trop fait de bruit en Espagne, pour qu'il me foit permis de la méconnoître; & la folitude où j'ai été élevé, n'a pas empêché qu'une partie de fes avantures ne vinent jufqu'à moi.

Le rang où je fuis montée, ditelle, en l'interrompant modeftement, ne m'a point fait oublier votre nation, & j'ai toûjours confervé le cœur d'une chrétienne dans un lieu où regne Mahomet. Les Efpagnols me font chers; des interêts particuliers m'atta

chent pour jamais à eux: ainfi Don Alvare, vous devez tout attendre d'une Princeffe qui fe trouveroit mille fois plus heureufe fous la puiffance de vos Rois, que fur le Trône de Grenade. Je n'héfite point à faire connoître mes veritables fentimens devant Zéluma; je fuis fûre de fa difcretion, & ses vertus me font prévoir qu'il reviendra un jour de l'erreur où vivent les Maures. Cependant profitez de votre séjour en ces lieux, & les quittez le plû

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que vous pourrez. Nous aurions tout à craindre fi vous y étiez reconnu ; Ferdinand se prépare au Siége de Grenade, & votre départ eft neceffaire pour votre gloire & le repos des perfonnes qui vous font cheres ; & comme je n'aurai pas toujours la liberté de vous entretenir, fouvenezyous Dom Alvare, de faire trai

ter les Maures avec bonté; c'est tout ce qu'exige de vous leur mal heureuse Reine.

- Cette Princesse se leva en achevant ces mots, & voyant que Félime fe préparoit à la fuivre : Demeurez, lui dit-elle, & vous joignez àZéluma pour nous faire un ami & un protecteur de Dom Al vare. Félime fit fes efforts pour la retenir mais cette belle Reine lui repréfentant l'humeur farouche de Boadilly, lui fit entendre qu'il feroit dangereux qu'on la furprit avec un Etranger, malgré fa préfence & celle de Zéluma. Ainfi la Princeffe fut contrainte de la laiffer rejoindre fa fuite qui s'étoit écartée par refpect.

Dom Alvare ne fe vit pas plûtôt en liberté d'entretenir Félime & Zéluma,que regardant le Prince avec des yeux où l'amour & la crainte fe faifoient presque voir

également: Enfin, Seigneur, lui dit-il, vous me voyez à Grenade avec les mêmes fentimens que m'infpira le prefent que vous me fites en Efpagne; je viens vous demander quel fera le fort de la plus vive & de la plus refpectueufe paffion qui fut jamais.

Toujours heureux, lui dit Zéluma, s'il dépend de moi; mais ma fœur, continua-t'il, en fe tournant du côté de Félime, vous pouvez tout pour Dom Alvare; vous fçavez qu'il vous aime ; c'eft à vous à prononcer, je fouhaite que fon mérite faffe décider votre cœur, fans avoir égard aux volontés d'un frere qui vous a dé ja fait connoître que fon bonheur eft attaché à celui de cet illuftre ami.

Oui, Madame, lui dit Dom Alvare, en fejettant à fes pieds, j'adore la divine Princeffe de Gre

nade. Elle auroit toûjours ignoré la témerité de mes voeux, fi le Prince Zéluma ne les eût approuvés ; vous fçavez toute l'étenduë de mon crime, jugez à prefent, Madame, mais fongez que ma vie ou ma mort dépendent de votre arrêt. Félime fit voir pendant tout ce difcours une inquiétude qui marquoit l'embarras où la mettoit la neceffité de répondre.

La préfence de Dom Alvare avoit fortifié l'inclination que Zéluma avoit fait naître dans fon ame. Elle aimoit Joraé, & cepen dant elle craignoit de le dire;mais lorfqu'on cede à l'amour, il est bien difficile de le cacher à l'objet qui l'infpire. Cette jeune Princeffe éprouva dans ce moment la force de cette paffion; & malgré toute la réfiftance, elle fe vit contrainte de fuivre les mouve

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