Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Concile en question; il y trouvera le contraire de ce que le fommaire annonce : de foixante Chevaliers qui confentirent à être relevés des cenfures comme s'ils en euffent été liés, il n'y en eut que trois qui, confidérés comme fugitifs, & plus vexés que les autres, confefferent à la fin quelques-uns des chefs dont on les chargeoit ; les autres refuferent tellement de fe reconnoître coupables, & furent fi peu convaincus, que plufieurs Prélats, trouvant mauvais qu'on prononçât für eux une formule abfolue de réconciliation, repréfenterent qu'il falloit la changer en conditionnelle. En conféquence il fut réglé que l'abfolution feroit exprimée en ces termes : Et au cas que vous ayiez encouru quelques excommunications, de l'autorité du Concile nous vous en abfolvons à cautele; ce qui feul, quand on n'en auroit pas d'autres preuves, démontre que les Chevaliers Anglois ne furent aucunement convaincus d'Apoftafie, d'Héréfie, ni des autres chefs fur lefquels on les avoit diffamés.

S'il eft trifte pour un Pape & pour un Roi d'avoir befoin d'Apologistes en fait d'avarice & d'inhumanité, il ne l'eft pas moins d'en avoir trouvé du caractere de M. Godefroi, qui, au lieu de fuivre fon deffein, & de nous donner une édition corrigée de l'Hiftoire de M. Dupuy, femble n'avoir voulu qu'adopter ce qu'elle a de défectueux. L'ouvrage du Bibliothécaire ne pouvoit être corrigé qu'en fupprimant tout ce qu'il renferme d'extrait de Robert Gaguin, du paffage d'outre-mer, de Guillaume

Guillaume Paradin, & d'un mauvais continuateur de Guillaume de Tyr, nommé Jean Herold, Médecin d'Ochftet. Loin de les défavouer, à l'exemple du P. Alexandre, ces traits abfurdes & révoltans, M. Godefroi eft fi content de les avoir reproduits, qu'il efpere qu'on lui en aura obligation; que fon in-quarto sera bien reçu du public, & mis à côté de l'Hiftoire de Malte, pour lui fervir de supplément, comme fi l'Hiftoire d'un Ordre fupprimé en 1312 pouvoit fupplémenter celle d'une Chevalerie qui fe foutient encore avec honneur. Pour moi, qui fens la différence de mes productions d'avec celles de l'Abbé de Vertot, loin d'en défirer le parallele, j'ai tout lieu de le craindre, comme ne pouvant être qu'à mon défavantage : son style est pur & noble, le mien inégal, fans goût, négligé, & fouvent diffus; fes idées éclairent & réveillent, tandis que les miennes font simples, communes, & peut-être quelquefois triviales.

Tout ce que j'ai à dire de l'Ouvrage que je livre au public, c'eft que j'ai pris foin de l'arranger du mieux qu'il m'a été poffible, fans faire tort ni grace à perfonne, fans diffimuler les fautes, & fans exténuer les vertus des Templiers. L'Historien qui se pique le plus d'impartialité n'en eft pas toujours le plus exempt; on eft entraîné par une fecrete féduction dans le tems qu'on croit être le plus en garde contre elle. Peut-être moi-même, malgré mes précautions, n'ai-je pu me garantir de ce piége

с

imperceptible. Les grandes qualités des guerriers infpirent de l'estime & de l'attachement; leurs difgraces nous font éprouver des sentimens de commisération ; on se trouve ému de pitié & d'indignation contre les auteurs de leur infortune; & fans avoir deffein de s'affectionner à leurs biens & à leurs maux, on prend parti, même à fon infu, pour des infortunés dignes d'un meilleur fort. L'Hiftoire des Templiers femble être faite exprès pour exciter en nous ces impreffions: on y découvre ces vertus, ce zele, cette bravoure qui forment le caractere des Héros; on y remarque ces éclatantes difgraces qui arrachent la pitié, & qui remuent l'indignation; on y lit des traits de la foibleffe humaine qui demandent notre indulgence. Il eft difficile, au milieu de ces objets touchans, de conferver l'efprit neutre & le cœur indifférent.

Quelles qu'aient été mes dispositions à la vue de ces afpects divers de la conduite des Templiers, j'ofe affurer qu'elles n'ont pu m'entraîner à de lâches complaifances, ni me porter à des déguisemens artificieux, ni m'engager à justifier des foibleffes condamnables. J'ai représenté ces Chevaliers tels qu'ils étoient : fi je ne me fuis pas toujours élevé contre leurs défauts, je ne me suis pas pour cela difpenfé de les faire fentir avec la même liberté leurs vertus.

que

Les Rois & les Pontifes qui ont eu part à cette Histoire y paroîtront bien ou mal traités fuivant que leur conduite m'a paru digne de louange ou de blâme.

[ocr errors]

Au refte, fi j'ai paffé les bornes de la modération fur cet article, ce n'est pas la faute de mes amis. Souvent ils m'ont fommé d'y faire attention, & autant de fois j'ai repliqué: Qu'importe à Louis le Bien-Aimé d'avoir au nombre de ses prédécesseurs un Prince haï de ses sujets? qu'importe à Clément XIII d'avoir été précédé par un perfonnage indigne de la Chaire de S. Pierre? qu'importe aux Inquifiteurs modernes d'avoir eu pour ancêtres gens qui s'embarrassoient peu des premiers principes du droit naturel? J'avoue qu'on doit tirer le rideau fur les fautes de ces perfonnes refpectables, tant qu'elles font fur la terre les images de la Divinité; mais dès qu'une fois elles viennent à être dégradées par les mains de la mort, & que leurs cendres font mêlées avec celles du commun des hommes, il eft permis de dire ce qu'on trouve de répréhensible dans leur conduite : en cela j’use des droits de l'Hiftoire, qui ne doit ménager personne, & qui craint de flatter, autant qu'elle craint peu d'offenfer & de déplaire. Le rifque eft tout entier pour l'Hiftorien, mais il lui eft glorieux de rifquer pour l'intérêt de la vérité, qui est l'ame de l'Hiftoire : peut-être que le public, à qui j'abandonne celle-ci, me faura gré de ma franchise; mais comme je lui fuis comptable des faits que j'y avance, je dois lui indiquer les fources où je les ai puisés.

Ce font les Ecrivains compris dans le Gefta Dei per Francos, fur-tout Jacques de Vitri, Marin Sanut & Guillaume de Tyr: ce dernier m'a paru en général parler

[ocr errors]

des chofes & des perfonnes de fon tems, avec plus de pré-
vention que d'exactitude, ce qui me l'a fouvent fait aban-
donner. Celui de fes continuateurs qui m'a le plus fervi,
c'eft Hugues Plagon, mis au jour par les PP. Martenne
& Durand, & préférable en tout à Jean Herold Alle-
mand, dont l'Ouvrage eft rempli de fautes; ce sont les
collections de MM. Muratori, Baluze, Dupuy, Rymer,
Grævius; des Conciles d'Angleterre, d'Efpagne; ce
font quantité d'Hiftoriens Allemands, Efpagnols, Hon-
grois, Orientaux & Anglois, fur-tout Roger de Hoveden
& Matthieu Paris; celui-ci s'eft montré trop crédule &
trop mordant pour
être fuivi en tout. Nous devons auffi
beaucoup à l'Hiftoire des Huns, par M. de Guignes, & à
l'Hiftoire Universelle, par une Société de Savans Anglois.

Nous n'avons eu garde de fuivre en tout l'Hiftorien de Malte, d'autant qu'on l'accufe d'avoir adopté les fautes de Bofio & de Pentaléon, & de s'être moins occupé à enrichir fon Ouvrage de recherches utiles qu'à l'embellir par les grâces du discours.

Quant à cette foule d'Ecrivains qui ne nous ont parlé de la condamnation des Templiers que d'après M. Dupuy, nous confessons ne les avoir point lus fans beaucoup de défiance, ainsi que ceux qui nous ont semblé trop prévenus contre ces infortunés, tel qu'eft entr'autres le Cher valier Dominique Jauna, dont l'Hiftoire de Jérufalem nous auroit été d'un grand fecours, fi nous y avions rencontré moins de fautes: on y fait Paul Emile contemporain

« AnteriorContinuar »