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de Guillaume de Tyr; on y fait dire à celui-ci des chofes qu'il ne pouvoit favoir, étant mort plufieurs années avant qu'elles arrivassent; on y adopte des fables injurieuses à tout l'Ordre du Temple; on y trouve mauvais que la qualité de Grand-Maître fe donne aux Chefs des trois Ordres Militaires, & on y prétend que ceux des Templiers & des Teutoniques ne l'ont jamais eue; enfin, que ce ne fut qu'en 1437 qu'on commença à la donner aux Chefs des Hofpitaliers, ce qui eft abfolument faux & contraire à ce que nous lifons dans Jacques de Vitri (19), dans un acte d'assemblée tenue à Beziers en 1271 (20), dans Roger de Hoveden, où un nommé Riderfort eft qualifié Summus Magifter Templi, & Gilbert Affalit Summus Magifter Hofpitalis : nous verrons un Maître du Temple, nommé Frere Terric ou Thierri, prendre le titre de Summus Præceptor (21). S'il eft certain que les trois premiers Chefs des Teutoniques se contenterent du titre de Maître, il n'eft pas moins vrai que le quatrieme, Herman de Saltze, prit, vers 1236 ou 1238, & fes fucceffeurs à fon exemple, la qualité de Maître général, dès qu'ils eurent subjugué la Pruffe & la Livonie (22).

(19) Hiftoria Jerofolimit., cap. 65.

(22) De Scriptorum Polonia & Pruf(20) Histoire générale du Languedoc, fia virtutibus & vitiis Catalogus & jutom. 3, pag. 606: Reportent bonas dicium, pag. 238 & 239. litteras teftimoniales cum figillis Majo- Vide Henneberg in Hermanno & Hartris Magifiri Templi, & Majoris Ma-knoch nova & Veter. Pruffia part. 2, giftri Hofpitalis, &c. cap. 8, §. 3.

(21) Pag. 660 & 662, Rog. Hoveden.

Si nous rappellons ici des faits, des combats, des fiéges fouvent rapportés dans nos Hiftoriens des Croifades, c'eft pour suppléer à la négligence des uns, qui n'ont pas toujours montré fidélement la part que les Templiers ont eue à ces expéditions, & pour relever l'imprudence des autres qui, fondés fur de faux bruits, ou conduits par des préjugés plus que par amour du vrai, ont défiguré les faits presque toujours au défavantage de ces Chevaliers. Nos Ecrivains d'Histoires générales font tombés, pour la plupart, dans ce défaut, & femblent ne parler des Templiers, lorfque l'occasion s'en préfente, que pour préparer les efprits à confidérer avec moins d'étonnement la conduite qu'on tint à leur égard en 1307. Auffi, combien de fois ne m'a-t-il pas fallu combattre en converfation les fauffes idées de ceux que l'Abbé Fleuri, le P. Daniel & tant d'autres avoient trompés? L'amour de Pigmalion pour une ftatue, les excès d'Hylas & d'Hécube, les extravagances attribuées à Héliogabale par Aurele Victor, Lampride & Spartian; la barbarie de cette Reine qui affista au meurtre de ceux qui lui avoient donné le jour, & qui but, avec l'affaffin, dans le crâne de fon pere; quelques autres faits de cette nature, tous perfonnels, exagérés ou fabuleux, font des exemples par lefquels on m'a fouvent prétendu prouver la vraisemblance des crimes dont tout l'Ordre du Temple fut chargé j'ai cru ne devoir pas répondre férieufement à ces objections,

commun

Quant à celles qui fe tirent des coutumes bizarres de certains peuples, je demande fi ce qui est poffible & à des hordes de ruftres fans chefs & fans loix, peut l'être dans un Corps Religieux policé & foumis à des regles? Strabon, il est vrai, dit que les Perfes époufoient leurs meres; mais, quels font fes garans? des ouïdire, des bruits vagues. Sextus Empyricus prétend que chez ces mêmes peuples la pédéraftie étoit d'ufage; elle eft au contraire expressément défendue dans le livre du Zend, où il eft dit qu'il n'y a point de plus grand péché. Tout ce qui eft rapporté dans le fecond livre d'Hérodote des infamies qui fe commettoient publiquement au milieu des Temples chez plufieurs Nations, ne se peut concilier avec les mœurs ordinaires d'aucun peuple. Ce qui n'eft pas dans la nature ne peut être vrai, & c'est avec raifon qu'on foupçonne le texte de cet Hiftorien d'avoir été corrompu en cet endroit. A tout ce qu'on m'a objecté de la conduite des Manichéens en différens siecles, j'ai répondu en renvoyant à l'Hiftoire qu'en a donné M. de Beaufobre. Mais voici quelque chofe de plus analogue à la matiere présente, & qui semble prouver efficacement combien furent poffibles les crimes attribués aux Templiers; c'est un paffage de l'Hiftoire fecrette d'Angleterre qu'on m'a quelquefois mis fous les yeux. Henri VIII ayant envie de fupprimer les Monafteres de fes Etats, non par zele pour la Religion, dit un Proteftant, mais

pour s'emparer de leurs revenus & de leurs tréfors, nomma pour chef de cette expédition celui qui en étoit le premier Auteur, c'est-à-dire, le fameux Thomas Cromwel; auffi, bientôt on publia que tous les Couvens Anglois n'étoient que des pépinieres de fcélérats, & des cellules de fodomites. Le nombre infini de cranes d'enfans qu'on trouva dans la plupart des Maifons de Religieufes fut une preuve incontestable de la vie débordée qu'elles menoient.

Un nombre infini de crânes d'enfans trouvé dans des Cloîtres de Veftales Chrétiennes! Jufte Ciel, quel horrible excès d'impofture! que d'abfurdités d'un feul trait de plume! c'eft à des Hurons, fans doute, ou à des Talapoins, qu'on s'imagine parler. Si quelqu'un écrivoit aujourd'hui de telles noirceurs s'en prendre la précaution d'avertir qu'il n'exige d'autre créance que celle qu'on donne à des contes de Fées, que ne penseroit-on pas de lui? C'est la réponse que je donnois à mes antagonistes. En effet, que prouve ce paffage, finon l'avarice d'Henri VIII & l'acharnement de fes Satellites contre les Corps réguliers? Il y a des calomnies fi outrées, fi hors de toute apparence, qu'elles ne peuvent être qu'avantageufes à ceux contre qui on les emploie, parce qu'elles découvrent tellement la paffion des accufateurs, qu'elles les rendent indignes de toute créance. De ce nombre furent les atrocités impertinentes dont tout l'Ordre du Temple fut noirci,

La

La fuite de fes Grands-Maîtres que nous donnons n'est pas ce qui nous a le moins embarraffés: aucun de ceux qui l'avoient entreprise avant nous n'ayant rencontré jufte, il a fallu confronter, éclaircir, réfuter, & c'est au lecteur à voir fi nous y avons réuffi, fi notre lifte eft plus certaine, ou feulement moins défectueufe. que les autres. Nous en favions une manufcrite en Angleterre (23); mais n'appercevant aucun moyen de nous la procurer, nous désespérions de pouvoir en profiter, lorsqu'un curieux d'antiquité l'ayant apportée de Londres à Paris, elle nous a été communiquée au moment où nous mettions la derniere main à cet Effai. Cette découverte nous a fait d'autant plus de plaifir qu'elle nous autorise à retrancher dix Grands-Maîtres de la lifte de Ducange, & à corriger quantité d'Hiftoriens: elle eft à la fin d'un Terrier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérufalem, fait en 1342, felon M. Brequigny; elle n'eft pas exempte de fautes, & celui qui en est l'Auteur n'étoit pas trop au fait de sa matiere, ce qu'il fait affez voir en défigurant les noms, en mettant le commencement de l'Ordre en 1123, & en omettant trois Grands-Maîtres, Terric, Armand, & celui de tous qui devoit lui être connu, savoir, Jacques de Molay. On ne voit pas fur quel fondement il met dans fa lifte deux Anglois, André Brooke & Richard de Bures, fi ce n'eft que trompé par le terme équivoque de Magister qui leur est affecté dans quelques chartres,

(23) Catalogus librorum Bibliotheca Cotoniana, pag. 60.

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il a

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