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s'affurer que les deux puiffances qui confpirerent à leur ruine n'y fuffent pouffées par aucun motif d'intérêt ni de vengeance (12).

Quant à Pierre Dupuy, Garde de la Bibliotheque du Roi, mort à Paris en 1651, & connu par fon zele pour les intérêts de fa Patrie, s'il eft vrai qu'il fut un de ces hommes rares à qui le public fera toujours redevable, ce n'est affurément pas pour avoir pris la défense de Philippe-le-Bel contre ceux qui blâment la conduite du Monarque envers les Templiers: cette entreprise du Bibliothécaire lui a trop mal réuffi. Plus avide du perfonnage d'Avocat qui n'a garde de rien produire contre les intérêts de fa partie, que de celui d'Hiftorien impartial à qui tous les hommes font égaux, il adopte fans difcernement tout ce qui a été dit de plus abfurde contre cette Chevalerie depuis fa diffamation; ce qui a fait révoquer en doute s'il étoit Auteur de cet effai qu'on lui attribue, & qui ne parut que trois ou quatre ans après fa mort. Ne l'ayant confidéré que comme une ébauche. informe, il l'avoit apparemment condamné à l'oubli ; cette production ne méritoit pas en effet un meilleur fort. Les fautes que nous y remarquons dans le cours de cette Hiftoire prouvent évidemment combien l'idée que nous en donnons eft fondée, & que les parens de l'Auteur auroient beaucoup mieux fait de fupprimer cette

(12) Journal des Savans, année 1693, pag, 226.

œuvre ou de la laiffer manufcrite dans l'obfcurité du cabinet, que de l'expofer au grand jour.

On en connoît quatre éditions, la premiere, in-4., de 1654, qui fut traduite en Allemand dix ans après; la feconde, in-8., à Paris, de 1685, & une troifieme, à Bruxelles, de 1713, chez François Foppens; la derniere, in-4., de 1751, encore à Bruxelles, chez Pierre Foppens, par feu M. Godefroi, Garde des Archives de la Chambre des Comptes à Lille, lequel entrant dans les vues de M. Dupuy, ne craint pas d'avancer que fon édition contribuera beaucoup plus que les précédentes à juftifier la conduite de ceux qui ont prononcé contre les Templiers, quoiqu'en effet il n'ait rien de plus fort à produire contre cet Ordre que ce qui fe trouve dans la procédure donnée par Dupuy.

Dès l'Avant-Propos, M. Godefroi, devenu le jouet de fon imagination, affure que la chute des Chevaliers ne fuivit que de trop près leur élévation ; qu'ils employerent à des ufages profanes les biens que les Fideles avoient prétendu confacrer à la piété en les leur donnant ; qu'on fe crut obligé de les abolir, parce qu'ils étoient odieux à tout le monde ; tout autant d'affertions jettées au hafard fur le papier par un Editeur qui s'eft imaginé qu'on n'y prendroit pas garde de fi près. Cette négligence l'a' fait tomber en contradiction fur quantité d'articles. Après avoir avancé dès l'Avant-Propos que perfonne ne prit la défense des Chevaliers, il rapporte dans fon recueil

plufieurs pieces qui prouvent le contraire (*); après avoir dit qu'ils furent pourfuivis en Angleterre & en Allemagne de même façon qu'en France (13), il dit ailleurs de l'Allemagne qu'on ne les y traita pas avec autant de rigueur qu'en France (14); de la Baviere & de l'Autriche, qu'on ne penfoit pas à inquiéter le peu de Chevaliers qu'il y avoit (15); de l'Angleterre, qu'on ny fut pas de même fentiment touchant les crimes de l'Ordre (16). A la page 50, il veut que Monçon, qu'il appelle en Latin Monfgaudii, ait été donné aux Templiers en 1143, & à la page 111, il fait dire à Jongelinus que Monçon étoit chef-lieu d'une ancienne Chevalerie distinguée des autres Ordres Militaires, & réunie dans la fuite à celui de Calatrava; à la page 59, il fait dire à Villani qu'il y avoit cent quatorze Evêques au Concile de Vienne, & plus bas, page 431, qu'il y en avoit trois cents. C'est encore par une fuite de fes inadvertances que M. Godefroi a défiguré les noms de familles (17), confondu les noms de villes (18), & avancé des faits dont on ne retrouve aucune preuve :

(*) M. Smolett, tom. 5 de fon Hiftoire d'Angleterre, pag. 450 & 451, eft tombé dans une contradiction à peuprès femblable.

(13) Avant-Propos, pag. 3. (14) page 66.

(15) Ibidem.

(15) page 307, 52.

(17) Torroge pour Tourouge, Credon pour Craon, Montbarré pour Monbard, Montedon pour Monredon, de Barris pour des Barres, &c.

(18) Montgauli pour Monçon, Accone pour Acre, Naples pour Naploufe, Coverin pour Cobern, &c.

favoir;

favoir, que le Patriarche Foulcher entreprit le voyage de Rome contre les Templiers ; que Jacques de Molai fut fait Grand-Maître par brigue; que Marshal, Comte de Pembrok, fut Chevalier du Temple, &c. Avec tout cela, M. Godefroi prétend que fon édition eft de beaucoup fupérieure aux précédentes, &, pour en convaincre le public, il en annonce ainsi les avantages :

1o. dit-il : Elle est divifée en chapitres. Plaisante idée! Le texte de Dupuy ne contenant pas plus de foixantequatorze pages in-douze, il est très-indifférent au public de les avoir par chapitres ou autrement. S'il étoit vrai que cette diftribution mît les faits & les preuves dans une évidence plus grande, & procurât au lecteur plus de goût & de facilité, nos célebres Hiftoriens, les Fleuri, les d'Orléans, les Choisi n'auroient pas manqué de la fuivre.

2o. On en a retranché tout ce qui étoit étranger à l'Hiftoire des Templiers, comme le Schifme d'Avignon, &c. Nous en faurions gré à l'Editeur, fi à la place de ces retranchemens il nous eût fait part de quelques nouvelles découvertes fur la difcipline réguliere & militaire de cet Ordre, fur fon gouvernement, fur le bien ou le mal qu'on en a dit. Loin de là, M. Godefroi nous fait acheter bien cher de longs paffages, extraits des Hiftoires les plus communes, telles que font celles de l'Abbé Fleuri, de Nangis, de M. Baluze, qu'il fuffifoit d'indiquer, comme des fources auxquelles il eft libre à chacun de

b

recourir. Le premier de ces extraits eft tiré de l'Hif toire des Ordres Religieux, en dix-neuf colonnes, où l'on ne trouve qu'une ennuyeuse répétition de ce qui est dans Dupuy, avec quelques faits contraires à la narration de cet Hiftorien & aux preuves de fon Editeur.

3°. En donnant le texte de M. Dupuy, on a cru qu'il demandoit des explications en quelques endroits, & on les a données en forme de notes. A la bonne heure, fi la plupart de ces notes n'étoient pas inutiles & défectueufes. Qu'importe à l'Hiftoire des Templiers & à la justification de Philippe-le-Bel, qu'il y ait eu deux Berenger Fredoli; qu'un Evêque de Palestriné ait été nommé Taillefer; que Noftradamus foit Auteur d'une Hiftoire de Provence; que Chinon foit une jolie ville de Touraine; que tels & tels Evêques foient d'un tel pays ou morts en telle année D'ailleurs, où M. Godefroi a-t-il trouvé que Roncelin ait jamais été Grand-Maître; que Thomas de Montaigu & Thomas Berault foient la même perfonne; que Hugues-des-Payens étoit issu du Royaume de Naples, tandis qu'il dit ailleurs qu'il étoit des environs de Troyes en Champagne; qu'Amauri fut établi Gouverneur de Chipre par le Roi Henri, fon frere? Il faudroit du tems & de la patience plus que nous n'en avons, pour examiner toutes les notes de M. Godefroi, & pour vérifier ses citations, que nous voulons bien supposer plus exactes que celle qui fe trouve à la page 72. On pourroit, dit-il, ajouter ici le jugement des favans Auteurs des

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